Suites de Ballets

Milhaud, Stravinsky
Darius Milhaud, La Bien-Aimée, suite pour orchestre et pianola. Igor Stravinsky, L’Oiseau de Feu, Suite pour orchestre. Rex Lawson, pianola. Orchestre national d’Ile-de-France, direction Enrique Mazzola. CD NoMadMusic, 71’52.

22 novembre 1928 à l’Opéra de Paris, première mondiale du Boléro de Ravel. Lors de la même soirée, est aussi créée La Bien-Aimée, suite de ballet pour pianola et orchestre de Darius Milhaud, compositeur généreux, auteur de quelque quatre cent quarante-trois numéros d’opus, dont le célèbre Bœuf sur le Toit (1919). L’originalité de cette partition est double. Elle associe dans des arrangements novateurs, des pages pour piano essentiellement de Liszt. Elle utilise à côté de l’orchestre symphonique, le pianola, piano mécanique semi-automatique très en vogue. L’ouvrage est oublié jusqu’à sa résurrection lors d’un concert à la Philarmonie de Paris en 2016 grâce au tenace et précieux travail du spécialiste Rex Lawson qui retrouve la partition originale et recrée les rouleaux indispensables à l’instrument. Voici cette rareté enregistrée et le résultat se révèle réjouissant et roboratif. Le célèbre Sposalizio ouvre la Suite, alliant élégance et noblesse. Mais l’essentiel du ballet, brillant, se danse sur des rythmes de valse dont l’instrument mécanique lance ou scande les balancements avec ce son singulier que nos mémoires associent à des âges et à des ambiances révolus, toujours festifs. En bonus, on se laisse emporter par le grand galop chromatique de Liszt dans une ébouriffante adaptation d’Enrique Mazolla et Rex Lawson. Chef, soliste et musiciens de l’Orchestre national d’Ile-de-France prennent un plaisir sensible à jouer ces pages (Valse VI) avec l’allant adéquat.
Stravinsky appréciait le pianola pour lequel il a composé. Aussi l’association de l’œuvre de Milhaud et de L’Oiseau de feu (1910) dans sa version de 1945 semble-t-elle naturelle, d’autant que les deux compositeurs ont été les acteurs de cette période de fécondité artistique à Paris autour des Ballets russes. La partition du conte-ballet est ici interprétée avec le brio, l’étincelle, le chatoiement, la vivacité qu’on attend. Les instruments font miroiter les timbres dans un éblouissement de couleurs. Les rend plus scintillantes encore le rythme adopté qui n’oublie pas la danse originelle et n’exclut pas la douceur sensuelle.
Comme dans le précédent CD d’Enrique Mazzola et de son orchestre consacré à De Falla pour le même label, on sent une osmose parfaite entre tous les musiciens, une joie de jouer ensemble, une énergie commune qui font le prix de ces enregistrements toniques et chaleureux.

Jean Jordy


Rex Lawson au pianola joue… Stravinsky


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Publié le 13/06/2018 à 23:23, mis à jour le 04/05/2020 à 16:29.