Claude Debussy
Sonates, Danses et Rhapsodies
Claude Debussy, Sonates, Danses et Rhapsodies. Berrod, Berthaud, Désert, Langlamet, Lively, Lucas, Pernoo, Prost, Rigollet, Samouil, Wagschal, Quintette à cordes du Berlin Philarmoniker, CD Indésens, 71’40
Centenaire oblige! Les disques des œuvres de Debussy se bousculent, sans crainte des doublons. Qu’on se réfère à l’album Sonates et Trios, récemment chroniqué! Le label Indésens associe en une compilation commode des enregistrements anciens (1997, 2012, 2013) ou d’aujourd’hui. Dans une telle hâte qu’il oublie deux musiciennes dans sa recension des interprètes (omission réparée dans notre énumération). Edition officielle du centenaire (sic), cet album rachète ces facilités par la qualité des pièces et de leur interprétation. Le plus récent enregistrement ouvre l’album, et en beauté. La Sonate pour violon et piano, dernière occasion d’apparition publique de Debussy pianiste (septembre 1917), s’impose comme un hommage d’un nationalisme exacerbé à la musique française et l’expression profonde des sentiments du compositeur. Derrière le masque de la sérénité et même de la joie, elle fait entendre pour ceux qui savent lire entre les portées le désespoir de l’homme. Debussy l’avoue: «Par une contradiction bien humaine, elle est pleine d’un joyeux tumulte. Défiez-vous à l’avenir des œuvres qui paraissent planer en plein ciel, souvent elles ont croupi dans les ténèbres d’un cerveau morose. » Le violon impatient de Tatiana Samouil tente une forme d’ivresse qui retombe sous les coups pathétiques de David Lively; les accents tziganes zèbrent l’Intermède avant l’agitation tourmenté du Finale énigmatique. La Sonate pour flûte, alto et harpe pose aux interprètes la question de l’équilibre entre les instruments, de leur enchainement, du mariage de sonorités, et de la virtuosité de chacun. Cette alliance se révèle subtilement dosée entre la flûte véloce de Vincent Lucas, l’alto intense de Lise Berthaud, la harpe élégante de Marie-Pierre Langlamet. La plus rare et capricieuse, vagabonde, badine Rhapsodie pour clarinette et piano qu’échangent Philippe Berrod et Claire Désert, et Syrinx confiée à la flûte mélancoliquement harmonieuse de Vincent Lucas s’intercalent dans la Suite française demeurée inachevée. Dans leur sonate, le violoncelle vibrant, animé, polyphonique de Jérôme Pernoo s’impose face au piano nerveux ou alangui d’Elisabeth Rigollet, comme le demandait le compositeur. Nicolas Prost et Laurent Wagschal dans la Rhapsodie pour saxophone et piano réalisent aussi son vœu: «garder sa pureté à chaque timbre, le mettre à sa vraie place». Les Danses sacrée et profane concluent ce bel album avec un raffinement sonore et un rythme fantasque séduisants.
Hommage à la Beauté du son (Debussy), les œuvres réunies avec pertinence témoignent de l’aptitude du compositeur à marier les timbres des instruments les plus diversifiés et de son art d’élargir les potentialités musicales de chacun.
Jean Jordy
Centenaire oblige! Les disques des œuvres de Debussy se bousculent, sans crainte des doublons. Qu’on se réfère à l’album Sonates et Trios, récemment chroniqué! Le label Indésens associe en une compilation commode des enregistrements anciens (1997, 2012, 2013) ou d’aujourd’hui. Dans une telle hâte qu’il oublie deux musiciennes dans sa recension des interprètes (omission réparée dans notre énumération). Edition officielle du centenaire (sic), cet album rachète ces facilités par la qualité des pièces et de leur interprétation. Le plus récent enregistrement ouvre l’album, et en beauté. La Sonate pour violon et piano, dernière occasion d’apparition publique de Debussy pianiste (septembre 1917), s’impose comme un hommage d’un nationalisme exacerbé à la musique française et l’expression profonde des sentiments du compositeur. Derrière le masque de la sérénité et même de la joie, elle fait entendre pour ceux qui savent lire entre les portées le désespoir de l’homme. Debussy l’avoue: «Par une contradiction bien humaine, elle est pleine d’un joyeux tumulte. Défiez-vous à l’avenir des œuvres qui paraissent planer en plein ciel, souvent elles ont croupi dans les ténèbres d’un cerveau morose. » Le violon impatient de Tatiana Samouil tente une forme d’ivresse qui retombe sous les coups pathétiques de David Lively; les accents tziganes zèbrent l’Intermède avant l’agitation tourmenté du Finale énigmatique. La Sonate pour flûte, alto et harpe pose aux interprètes la question de l’équilibre entre les instruments, de leur enchainement, du mariage de sonorités, et de la virtuosité de chacun. Cette alliance se révèle subtilement dosée entre la flûte véloce de Vincent Lucas, l’alto intense de Lise Berthaud, la harpe élégante de Marie-Pierre Langlamet. La plus rare et capricieuse, vagabonde, badine Rhapsodie pour clarinette et piano qu’échangent Philippe Berrod et Claire Désert, et Syrinx confiée à la flûte mélancoliquement harmonieuse de Vincent Lucas s’intercalent dans la Suite française demeurée inachevée. Dans leur sonate, le violoncelle vibrant, animé, polyphonique de Jérôme Pernoo s’impose face au piano nerveux ou alangui d’Elisabeth Rigollet, comme le demandait le compositeur. Nicolas Prost et Laurent Wagschal dans la Rhapsodie pour saxophone et piano réalisent aussi son vœu: «garder sa pureté à chaque timbre, le mettre à sa vraie place». Les Danses sacrée et profane concluent ce bel album avec un raffinement sonore et un rythme fantasque séduisants.
Hommage à la Beauté du son (Debussy), les œuvres réunies avec pertinence témoignent de l’aptitude du compositeur à marier les timbres des instruments les plus diversifiés et de son art d’élargir les potentialités musicales de chacun.
Jean Jordy
Publié le 20/04/2018 à 10:51, mis à jour le 12/05/2019 à 21:33.