Brahms
Sonates pour violoncelle et piano
Johannes Brahms, Sonates pour violoncelle et piano, Danses hongroises. Jean-Guihen Queyras, violoncelle, Alexandre Tharaud, piano. CD Erato, 71’31.
Peut-on rêver plus intime entente qu’entre le violoncelle riche et profond de Jean-Guihen Queyras et le piano élégant et subtil d’Alexandre Tharaud? Ces deux-là jouent depuis longtemps ensemble, mais enregistrent de concert pour la première fois sous le label Erato. La complicité éclate dans les moindres inflexions, les choix de tempo et le jeu des couleurs mariées, dans la dynamique des deux sonates de Brahms pour violoncelle et piano, ici assorties de transcriptions rayonnantes de quelques Danses Hongroises. Cette harmonie est d’autant plus remarquable que l’association des deux instruments ne va pas de soi et que le violoncelle de Queyras ne cède en rien en vélocité au piano de Tharaud.
La première sonate en mi mineur (1866) séduit immédiatement par l’entrée belle et grave du violoncelle et la reprise souriante du piano. Leur dialogue apaisé sonne avec une étrange douceur qui fuit la mièvrerie autant que l’affrontement. Ce n’est point seulement une conversation, mais un chant serein délivré mezzo voce dans l’équilibre parfait de deux voix qui s’appellent et se répondent uniment sans que la tension perceptible par brefs instants soit plus sombre qu’un nuage fugace voilant le soleil. Le beau mot de partenaires s’impose pour évoquer cette juste adéquation entre le climat créé par l’un et prolongé par l’autre tour à tour. L’Allegretto quasi Menuetto se développe avec grâce et souplesse et l’Allegro final construit une polyphonie savante et alerte à la fois. La seconde sonate en fa majeur (1886) se compose originalement de quatre mouvements dont trois sont notés allegro et qui reflètent autant de mouvements de l’âme, glissant d’un lyrisme sombre à l’expression simple et libre d’un bonheur reconquis. Pour baliser ce parcours qui emprunte à la rêverie d’un promeneur sur les bords d’un lac aimé et à l’exaltation de découvertes heureuses, il faut ici plus qu’une entente de circonstance. Clairement, un long compagnonnage a nourri les choix interprétatifs d’une œuvre moins immédiatement séduisante et plus complexe. Le duo Queyras-Tharaud réussit cette rare alliance d’une égale maitrise technique et de vibrante expression tant dans la part d’ombre que dans l’explosion d’éclats lumineux. Fièvre et gravité dominent l’allegro initial quand l’adagio suivant, affetuoso, laisse les mélodies comme en suspension s’épancher tendrement. Dans le troisième mouvement, on admire l’emportement un peu inquiétant d’un violoncelle tourmenté que le piano chercherait à apaiser, comme si s’étaient réveillées de vieilles angoisses. Car la magie de cette interprétation est bien dans son pouvoir de raconter les mémoires d’une âme, tel dans l’ultime aveu du dernier allegro le temps joyeux et simple de l’abandon au bonheur. Six transcriptions des vingt et une Danses hongroises de Brahms complètent le programme, sorte de très généreux bis bienvenus, graves ou enjoués et interprétés avec une alacrité qui fait mouche.
Queyras et Tharaud signent un très beau disque dans lequel ils confirment leur lumineuse complicité et où Brahms semble libéré des pesanteurs qui parfois l’ont alourdi.
Jean Jordy
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Peut-on rêver plus intime entente qu’entre le violoncelle riche et profond de Jean-Guihen Queyras et le piano élégant et subtil d’Alexandre Tharaud? Ces deux-là jouent depuis longtemps ensemble, mais enregistrent de concert pour la première fois sous le label Erato. La complicité éclate dans les moindres inflexions, les choix de tempo et le jeu des couleurs mariées, dans la dynamique des deux sonates de Brahms pour violoncelle et piano, ici assorties de transcriptions rayonnantes de quelques Danses Hongroises. Cette harmonie est d’autant plus remarquable que l’association des deux instruments ne va pas de soi et que le violoncelle de Queyras ne cède en rien en vélocité au piano de Tharaud.
La première sonate en mi mineur (1866) séduit immédiatement par l’entrée belle et grave du violoncelle et la reprise souriante du piano. Leur dialogue apaisé sonne avec une étrange douceur qui fuit la mièvrerie autant que l’affrontement. Ce n’est point seulement une conversation, mais un chant serein délivré mezzo voce dans l’équilibre parfait de deux voix qui s’appellent et se répondent uniment sans que la tension perceptible par brefs instants soit plus sombre qu’un nuage fugace voilant le soleil. Le beau mot de partenaires s’impose pour évoquer cette juste adéquation entre le climat créé par l’un et prolongé par l’autre tour à tour. L’Allegretto quasi Menuetto se développe avec grâce et souplesse et l’Allegro final construit une polyphonie savante et alerte à la fois. La seconde sonate en fa majeur (1886) se compose originalement de quatre mouvements dont trois sont notés allegro et qui reflètent autant de mouvements de l’âme, glissant d’un lyrisme sombre à l’expression simple et libre d’un bonheur reconquis. Pour baliser ce parcours qui emprunte à la rêverie d’un promeneur sur les bords d’un lac aimé et à l’exaltation de découvertes heureuses, il faut ici plus qu’une entente de circonstance. Clairement, un long compagnonnage a nourri les choix interprétatifs d’une œuvre moins immédiatement séduisante et plus complexe. Le duo Queyras-Tharaud réussit cette rare alliance d’une égale maitrise technique et de vibrante expression tant dans la part d’ombre que dans l’explosion d’éclats lumineux. Fièvre et gravité dominent l’allegro initial quand l’adagio suivant, affetuoso, laisse les mélodies comme en suspension s’épancher tendrement. Dans le troisième mouvement, on admire l’emportement un peu inquiétant d’un violoncelle tourmenté que le piano chercherait à apaiser, comme si s’étaient réveillées de vieilles angoisses. Car la magie de cette interprétation est bien dans son pouvoir de raconter les mémoires d’une âme, tel dans l’ultime aveu du dernier allegro le temps joyeux et simple de l’abandon au bonheur. Six transcriptions des vingt et une Danses hongroises de Brahms complètent le programme, sorte de très généreux bis bienvenus, graves ou enjoués et interprétés avec une alacrité qui fait mouche.
Queyras et Tharaud signent un très beau disque dans lequel ils confirment leur lumineuse complicité et où Brahms semble libéré des pesanteurs qui parfois l’ont alourdi.
Jean Jordy
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Publié le 14/02/2018 à 19:16, mis à jour le 04/05/2020 à 16:10.