Johannes Brahms
Aimez-vous Brahms… au sax ?
Johannes Brahms, Sonates n°1 et 2 pour Clarinette et Piano, Sonate n°1 pour violoncelle et piano. Nicolas Arsenijevic, saxophones, Françoise Buffet, piano. CD Indésens. 67’36.
Donnons la parole à la notice d’accompagnement: «C’est ici que la place du saxophone dans l’œuvre de Brahms eût pu se faire et se creuser, si seulement le compositeur avait croisé la route de son contemporain Adolphe Sax». Si seulement en effet! Et complétons: «Cet enregistrement (… ) entend rendre justice et hommage à cette rencontre qui ne s’est pas faite, et qui, par son caractère à jamais chimérique, n’en est que plus émouvante». Est-il besoin d’un discours aussi lyriquement romanesque, à l’irréel du passé, pour justifier une entreprise de transcription «dans le plus strict respect du texte et de l’esthétique de Brahms», bien évidemment? Bref, muni de ses deux saxophones, Nicolas Arsenijevic relit, réécrit et interprète trois sonates (pour piano et clarinette ou violoncelle) de l’illustre compositeur. Et il les pare d’une autre sonorité, d’un autre timbre de voix qui colore différemment les mélodies.
Les deux sonates pour clarinette et piano (1894) sont les ultimes œuvres de musique de chambre de Brahms, que le compositeur lui-même a retranscrites pour alto. Composées et créées de concert, ce sont des pages intimes, profondément émouvantes dans leur simplicité, des confidences personnelles. On peut y lire les affleurements de l’angoisse, mais aussi et surtout un rayonnement mystérieux, une paix intérieure qui percent à travers l’agitation des pensées. Le saxophone alto délivre avec nuance les émotions de ce parcours intérieur, soutenu par un piano trop pudique. En effet, à l’image de la photo de couverture, la pianiste s’efface un peu devant le saxophoniste fortement mis en valeur.
Pour faire chanter le lyrisme délicat de la sonate pour violoncelle n°1 (1862-1865), Nicolas Arsenijevic choisit le saxophone baryton: il retrouve ainsi les chaudes inflexions de la voix humaine, apte à exprimer la tendresse de l’ample premier mouvement, le rythme sautillant de l’espiègle deuxième, l’allegro final qui rend hommage à Bach. C’est probablement dans cette œuvre que le duo s’avère le plus convaincant: le piano de Françoise Buffet apparait plus lumineux, plus subtilement coloré, plus acteur impliqué: l’échange et la complicité fonctionnent parfaitement.
Des trois sonates réunies, les deux interprètes, forts d’une hypothétique alliance, livrent une version probe, d’un bel élan, d’un lyrisme pur où l’instrument à vent se taille la part du lion. Option technique ou choix musical assumé, ce parti pris nuit parfois à l’équilibre d’un ensemble original qui renouvelle la perception d’œuvres majeures de Brahms.
Jean Jordy
Regardez le film de promotion:
Donnons la parole à la notice d’accompagnement: «C’est ici que la place du saxophone dans l’œuvre de Brahms eût pu se faire et se creuser, si seulement le compositeur avait croisé la route de son contemporain Adolphe Sax». Si seulement en effet! Et complétons: «Cet enregistrement (… ) entend rendre justice et hommage à cette rencontre qui ne s’est pas faite, et qui, par son caractère à jamais chimérique, n’en est que plus émouvante». Est-il besoin d’un discours aussi lyriquement romanesque, à l’irréel du passé, pour justifier une entreprise de transcription «dans le plus strict respect du texte et de l’esthétique de Brahms», bien évidemment? Bref, muni de ses deux saxophones, Nicolas Arsenijevic relit, réécrit et interprète trois sonates (pour piano et clarinette ou violoncelle) de l’illustre compositeur. Et il les pare d’une autre sonorité, d’un autre timbre de voix qui colore différemment les mélodies.
Les deux sonates pour clarinette et piano (1894) sont les ultimes œuvres de musique de chambre de Brahms, que le compositeur lui-même a retranscrites pour alto. Composées et créées de concert, ce sont des pages intimes, profondément émouvantes dans leur simplicité, des confidences personnelles. On peut y lire les affleurements de l’angoisse, mais aussi et surtout un rayonnement mystérieux, une paix intérieure qui percent à travers l’agitation des pensées. Le saxophone alto délivre avec nuance les émotions de ce parcours intérieur, soutenu par un piano trop pudique. En effet, à l’image de la photo de couverture, la pianiste s’efface un peu devant le saxophoniste fortement mis en valeur.
Pour faire chanter le lyrisme délicat de la sonate pour violoncelle n°1 (1862-1865), Nicolas Arsenijevic choisit le saxophone baryton: il retrouve ainsi les chaudes inflexions de la voix humaine, apte à exprimer la tendresse de l’ample premier mouvement, le rythme sautillant de l’espiègle deuxième, l’allegro final qui rend hommage à Bach. C’est probablement dans cette œuvre que le duo s’avère le plus convaincant: le piano de Françoise Buffet apparait plus lumineux, plus subtilement coloré, plus acteur impliqué: l’échange et la complicité fonctionnent parfaitement.
Des trois sonates réunies, les deux interprètes, forts d’une hypothétique alliance, livrent une version probe, d’un bel élan, d’un lyrisme pur où l’instrument à vent se taille la part du lion. Option technique ou choix musical assumé, ce parti pris nuit parfois à l’équilibre d’un ensemble original qui renouvelle la perception d’œuvres majeures de Brahms.
Jean Jordy
Regardez le film de promotion:
Publié le 12/12/2017 à 19:12, mis à jour le 04/05/2020 à 16:05.