Angela Gheorghiu
Eternamente
Angela Gheorghiu, soprano. Eternamente, The Verismo Album. Emmanuel Villaume PKF-Prague Philarmonia. Extraits d’opéras et d’œuvres de Mascagni, Donaudy, Puccini, Boito, Mascheroni, Refice, Ponchielli, Giordano, Leoncavallo. CD Warner Classics 60’.
Angela Gheorghiu revendique son statut de diva. La cantatrice roumaine, pour conforter ses admirateurs, a élaboré un album exigeant d’airs et d’extraits d’opéras composés par des musiciens italiens appartenant au mouvement nommé abusivement vériste. Leur interprétation confirme les qualités (et dévoile quelques faiblesses) d’une chanteuse toujours engagée et parée d’une voix sur laquelle le temps a peu de prise. Même si on trouve des attendus (Tosca, rôle emblématique, La Rondine, Cavalleria rusticana), bien des pages choisies sont rares, voire inconnues. Le titre de l’album emprunte aux derniers mots d’un air écrit par un musicien ignoré Angelo Mascheroni (1855-1905) et Angela Gheorghiu offre un extrait d’un opéra de Giordano Siberia moins fréquenté qu’Andrea Chénier dont le final conclut l’ensemble. Et si Bohème, il y a, c’est celle de Leoncavallo qui est ici proposée. L’ensemble s’avère historiquement homogène, cohérent, prenant, même si ici ou là des scories l’entachent. Pourquoi ouvrir l’album comme à froid avec la prière de Santuzza où la voix semble manquer d’assise, sans que l’émotion ait le temps de sourdre? Et sans doute notre diva aurait-elle pu davantage éviter la dramatisation des effets dans un Suicidio de La Gioconda très expressionniste. En revanche, les deux duos (Cavalleria, Chénier) et le trio de Mefistofele avec le soutien remarquable du ténor Joseph Calleja, partenaire exceptionnel, font éclater les talents de la tragédienne: l’intelligence des situations dramatiques, la nuance des sentiments, la palette des couleurs, l’ardeur des accents, la netteté des attaques, le mordant des mots, tout est là pour souligner les émotions des héroïnes qui prennent vie et souffrent. L’art du legato triomphe dans des airs lyriques où s’expriment avec subtilité amour ou désespoir (plages 4, 7, 8, 10). On aime particulièrement, et c’est une découverte, l’extrait de Siberia où la douceur, la tendresse savent aussi affleurer.
Eternamente? Un album bien conçu, accompagné avec efficacité par le Prague Philarmonia et son chef, notre compatriote, Emmanuel Villaume, qui prête en un clin d’œil complice sa voix au geôlier d’Andréa Chénier. On a plaisir à retrouver la cantatrice avec sa voix chatoyante, la puissance de ses incarnations et on va même jusqu’à goûter les petites fautes qui n’entachent que peu un art consommé.
Jean Jordy
Écoutez sur Apple Music
Angela Gheorghiu revendique son statut de diva. La cantatrice roumaine, pour conforter ses admirateurs, a élaboré un album exigeant d’airs et d’extraits d’opéras composés par des musiciens italiens appartenant au mouvement nommé abusivement vériste. Leur interprétation confirme les qualités (et dévoile quelques faiblesses) d’une chanteuse toujours engagée et parée d’une voix sur laquelle le temps a peu de prise. Même si on trouve des attendus (Tosca, rôle emblématique, La Rondine, Cavalleria rusticana), bien des pages choisies sont rares, voire inconnues. Le titre de l’album emprunte aux derniers mots d’un air écrit par un musicien ignoré Angelo Mascheroni (1855-1905) et Angela Gheorghiu offre un extrait d’un opéra de Giordano Siberia moins fréquenté qu’Andrea Chénier dont le final conclut l’ensemble. Et si Bohème, il y a, c’est celle de Leoncavallo qui est ici proposée. L’ensemble s’avère historiquement homogène, cohérent, prenant, même si ici ou là des scories l’entachent. Pourquoi ouvrir l’album comme à froid avec la prière de Santuzza où la voix semble manquer d’assise, sans que l’émotion ait le temps de sourdre? Et sans doute notre diva aurait-elle pu davantage éviter la dramatisation des effets dans un Suicidio de La Gioconda très expressionniste. En revanche, les deux duos (Cavalleria, Chénier) et le trio de Mefistofele avec le soutien remarquable du ténor Joseph Calleja, partenaire exceptionnel, font éclater les talents de la tragédienne: l’intelligence des situations dramatiques, la nuance des sentiments, la palette des couleurs, l’ardeur des accents, la netteté des attaques, le mordant des mots, tout est là pour souligner les émotions des héroïnes qui prennent vie et souffrent. L’art du legato triomphe dans des airs lyriques où s’expriment avec subtilité amour ou désespoir (plages 4, 7, 8, 10). On aime particulièrement, et c’est une découverte, l’extrait de Siberia où la douceur, la tendresse savent aussi affleurer.
Eternamente? Un album bien conçu, accompagné avec efficacité par le Prague Philarmonia et son chef, notre compatriote, Emmanuel Villaume, qui prête en un clin d’œil complice sa voix au geôlier d’Andréa Chénier. On a plaisir à retrouver la cantatrice avec sa voix chatoyante, la puissance de ses incarnations et on va même jusqu’à goûter les petites fautes qui n’entachent que peu un art consommé.
Jean Jordy
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Publié le 06/12/2017 à 20:11, mis à jour le 12/05/2019 à 21:33.