Maudite guerre
Mélodies de 14-18
Mélodies de Schreker, Ives, Foerster, Lehar, Puccini, Webern, Pfitzner, Parry, Leoncavallo, de Lize, Korngold, Eisler, Hindemith, Weingartner, Strauss. Fionnuala McCarthy, soprano, Klaus Häger, baryton, Karola Theill, piano. Les Musiciens et la grande guerre XXII, CD WW1 Music, Hortus. 65’40’’
Vingt-deuxième volume de la précieuse collection Les Musiciens et la Grande Guerre, cet enregistrement regroupe dix-huit mélodies de compositeurs éprouvés à un degré ou à un autre par la guerre de 14-18. Les musiciens puisent dans l’immense gisement des poèmes écrits pendant le conflit pour exprimer leurs émotions les plus intimes. On regrette que le livret qui en livre les textes ne fournisse pas aussi leur indispensable traduction française.
Le disque s’ouvre sur la chevauchée terrifiante d’un «nain ardent» (Das feuridge Männlein), allégorie hallucinée de la guerre que la musique de Franz Schreker traduit dans un presto inquiétant. Dans le célèbre poème In Flanders Fields (1915) de Jonh McCrae, largement popularisé, fleurit l’image, devenue symbole, du coquelicot. Dès 1917, Charles Ives met en musique ce chant à la fois bucolique, funèbre et patriotique qui se double alors d’évocations d’airs populaires et de citations de la Marseillaise! On découvre avec gravité le lied Nacht im Felde ( «Nuit au champ») du compositeur tchèque Foerster, plainte digne et dépouillée d’un moribond. Franz Lehar surprend par une ample et pathétique scène dramatique Tondichtung. La fièvre du titre est celle d’un soldat blessé saisi sur son lit de mort par des hallucinations d’où émergent des réminiscences musicales, comme autant d’éclats de vie antérieure. On ne saurait détailler les dix-huit mélodies choisies. Le baryton Klaus Häger s’avère remarquable d’articulation (dans les trois langues chantées), de ligne, d’émotion retenue, d’art de colorer les mots. On reconnait d’emblée Puccini dans le Morire que délivre avec délicatesse la soprano Fionnuala McCarthy, capable chez Webern de touches subtiles et de grands écarts dans ces chants de deuil. Le vibrant Lied der Fraven de Richard Strauss, «Chant des femmes quand les hommes sont à la guerre», a ici toute sa place, majeure et conclusive, même si l’interprétation vocale et instrumentale mériterait plus de déchainement et de grandeur. Dans ce florilège où la douleur domine, La Victoire est à nous mis en musique par Leoncavallo détonne. Ce n’est pas ce qu’il convient de retenir de ce disque âpre et grave dans lequel la talentueuse pianiste Karola Theill se révèle apte à rendre sensible la diversité des climats et des sentiments.
Cet enregistrement d’un concert public touche un domaine intime qui intéresse la souffrance, le deuil, la séparation, mais aussi le rapport au Mal, le patriotisme, l’héroïsme, l’engagement. Qu’il puisse porter avec cette dignité ces interrogations dit assez son intérêt historique et musical.
Jean Jordy
Vingt-deuxième volume de la précieuse collection Les Musiciens et la Grande Guerre, cet enregistrement regroupe dix-huit mélodies de compositeurs éprouvés à un degré ou à un autre par la guerre de 14-18. Les musiciens puisent dans l’immense gisement des poèmes écrits pendant le conflit pour exprimer leurs émotions les plus intimes. On regrette que le livret qui en livre les textes ne fournisse pas aussi leur indispensable traduction française.
Le disque s’ouvre sur la chevauchée terrifiante d’un «nain ardent» (Das feuridge Männlein), allégorie hallucinée de la guerre que la musique de Franz Schreker traduit dans un presto inquiétant. Dans le célèbre poème In Flanders Fields (1915) de Jonh McCrae, largement popularisé, fleurit l’image, devenue symbole, du coquelicot. Dès 1917, Charles Ives met en musique ce chant à la fois bucolique, funèbre et patriotique qui se double alors d’évocations d’airs populaires et de citations de la Marseillaise! On découvre avec gravité le lied Nacht im Felde ( «Nuit au champ») du compositeur tchèque Foerster, plainte digne et dépouillée d’un moribond. Franz Lehar surprend par une ample et pathétique scène dramatique Tondichtung. La fièvre du titre est celle d’un soldat blessé saisi sur son lit de mort par des hallucinations d’où émergent des réminiscences musicales, comme autant d’éclats de vie antérieure. On ne saurait détailler les dix-huit mélodies choisies. Le baryton Klaus Häger s’avère remarquable d’articulation (dans les trois langues chantées), de ligne, d’émotion retenue, d’art de colorer les mots. On reconnait d’emblée Puccini dans le Morire que délivre avec délicatesse la soprano Fionnuala McCarthy, capable chez Webern de touches subtiles et de grands écarts dans ces chants de deuil. Le vibrant Lied der Fraven de Richard Strauss, «Chant des femmes quand les hommes sont à la guerre», a ici toute sa place, majeure et conclusive, même si l’interprétation vocale et instrumentale mériterait plus de déchainement et de grandeur. Dans ce florilège où la douleur domine, La Victoire est à nous mis en musique par Leoncavallo détonne. Ce n’est pas ce qu’il convient de retenir de ce disque âpre et grave dans lequel la talentueuse pianiste Karola Theill se révèle apte à rendre sensible la diversité des climats et des sentiments.
Cet enregistrement d’un concert public touche un domaine intime qui intéresse la souffrance, le deuil, la séparation, mais aussi le rapport au Mal, le patriotisme, l’héroïsme, l’engagement. Qu’il puisse porter avec cette dignité ces interrogations dit assez son intérêt historique et musical.
Jean Jordy
Publié le 29/03/2017 à 22:51, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.