Jon Vickers
In memoriam
Franz Schubert (1797-1828); Winterreise, D. 911, Lieder; Editions Warner Classics; Jon Vickers, ténor, Geoffrey Parsons, piano.
Cet enregistrement de Winterreise, (Le voyage d’hiver), sans doute le plus beau cycle de lieder de Schubert, composé à la fin de sa vie, ne laissera personne indifférent, tant l’interprétation qu’en donne Jon Vickers (1926-2015), considéré à juste titre comme l’un des plus grands chanteurs lyriques du XXe, est très différente de toutes les interprétations nombreuses de ce cycle. Ni meilleure, ni pire, elle est unique.
La magie qui opère ici résulte sans doute d’une rencontre particulière et intime, celle de Jon Vickers en fin de carrière avec une œuvre musicale profonde, puissante et sombre d’un Schubert en fin de vie, mais aussi celle de notre ténor avec les textes du poète, Wilhelm Müller (1794-1827) auxquels il donne une puissance dramatique et une interprétation très juste, peut-être inégalée. Certains, amoureux des interprétations chambristes, rappelant les «Schubertiades», diront assurément qu’il en fait trop… Non, Jon Vickers atteint en fait des sommets d’expressivité et d’émotion qui, avec retenue, concentrent, comme le dit fort bien Alain Lanceron dans le livret d’accompagnement de cet enregistrement, les caractères des personnages qu’il a interprétés à l’opéra tout au long de sa vie, «l’humanité de Florestan, le désespoir de Tristan, les déchirures de Peter Grimes, les tourments d’Otello».
Dès le premier lied, Gute Nacht (Bonne nuit), la tonalité est donnée, mineure et elle le restera presque tout au long de ce cycle de 24 lieder. Ce premier lied, au titre trompeur, invite à chercher le chemin dans les ténèbres, le voyage vers l’inexorable. Tout au long de ce cycle, lied après lied, tout devient plus sombre, et la musique devient de plus en plus profonde et émouvante. Der Leiermann (Le joueur de vielle), vient clore ce roman musical sur la vision d’un misérable joueur de vielle que les chiens houspillent et à qui personne ne tend la main, image trop certaine de l’artiste qui œuvre dans les ténèbres, dans l’hostilité ou l’indifférence générale (Marcel Schneider, Schubert, 1957).
Jon Vickers sait mélodiquement mettre en scène ce voyage, n’oubliant jamais que chaque lied trouve également son sens dans la place qu’il occupe dans le cycle. Sa voix de ténor, puissante et robuste, aux belles notes chaudes et barytonantes dans le bas medium, nous propose une interprétation d’une bouleversante émotion. La voix, toujours très belle, semble presque secondaire pour l’artiste par rapport aux textes qu’elle s’emploie à servir merveilleusement avec une immense expressivité.
L’accompagnement au piano de Geoffrey Parsons est tout simplement remarquable, il partage pleinement la profondeur et le tragique de cette interprétation.
En bonus de ce coffret, un second CD consacré à la conversation entre Jon Vickers et Jon Tolansky, enregistrée au Barbican Centre Cinema le 25 octobre 1998, comprenant quelques extraits musicaux.
À tous ceux qui aiment les «Schubertiades», ne boudez pas votre plaisir, écoutez ce voyage d’hiver, il vous bouleversera!
Christophe Bernard
Cet enregistrement de Winterreise, (Le voyage d’hiver), sans doute le plus beau cycle de lieder de Schubert, composé à la fin de sa vie, ne laissera personne indifférent, tant l’interprétation qu’en donne Jon Vickers (1926-2015), considéré à juste titre comme l’un des plus grands chanteurs lyriques du XXe, est très différente de toutes les interprétations nombreuses de ce cycle. Ni meilleure, ni pire, elle est unique.
La magie qui opère ici résulte sans doute d’une rencontre particulière et intime, celle de Jon Vickers en fin de carrière avec une œuvre musicale profonde, puissante et sombre d’un Schubert en fin de vie, mais aussi celle de notre ténor avec les textes du poète, Wilhelm Müller (1794-1827) auxquels il donne une puissance dramatique et une interprétation très juste, peut-être inégalée. Certains, amoureux des interprétations chambristes, rappelant les «Schubertiades», diront assurément qu’il en fait trop… Non, Jon Vickers atteint en fait des sommets d’expressivité et d’émotion qui, avec retenue, concentrent, comme le dit fort bien Alain Lanceron dans le livret d’accompagnement de cet enregistrement, les caractères des personnages qu’il a interprétés à l’opéra tout au long de sa vie, «l’humanité de Florestan, le désespoir de Tristan, les déchirures de Peter Grimes, les tourments d’Otello».
Dès le premier lied, Gute Nacht (Bonne nuit), la tonalité est donnée, mineure et elle le restera presque tout au long de ce cycle de 24 lieder. Ce premier lied, au titre trompeur, invite à chercher le chemin dans les ténèbres, le voyage vers l’inexorable. Tout au long de ce cycle, lied après lied, tout devient plus sombre, et la musique devient de plus en plus profonde et émouvante. Der Leiermann (Le joueur de vielle), vient clore ce roman musical sur la vision d’un misérable joueur de vielle que les chiens houspillent et à qui personne ne tend la main, image trop certaine de l’artiste qui œuvre dans les ténèbres, dans l’hostilité ou l’indifférence générale (Marcel Schneider, Schubert, 1957).
Jon Vickers sait mélodiquement mettre en scène ce voyage, n’oubliant jamais que chaque lied trouve également son sens dans la place qu’il occupe dans le cycle. Sa voix de ténor, puissante et robuste, aux belles notes chaudes et barytonantes dans le bas medium, nous propose une interprétation d’une bouleversante émotion. La voix, toujours très belle, semble presque secondaire pour l’artiste par rapport aux textes qu’elle s’emploie à servir merveilleusement avec une immense expressivité.
L’accompagnement au piano de Geoffrey Parsons est tout simplement remarquable, il partage pleinement la profondeur et le tragique de cette interprétation.
En bonus de ce coffret, un second CD consacré à la conversation entre Jon Vickers et Jon Tolansky, enregistrée au Barbican Centre Cinema le 25 octobre 1998, comprenant quelques extraits musicaux.
À tous ceux qui aiment les «Schubertiades», ne boudez pas votre plaisir, écoutez ce voyage d’hiver, il vous bouleversera!
Christophe Bernard
Publié le 03/05/2016 à 23:23, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.