L’Orangerie de Rochemontès
> 14 février
Double jeu
MŪZA RUBACKYTĖ
Photos par Céline Lamodi
Mūza Rubackytė, piano.
Malgré un temps peu clément, plus de deux cents personnes étaient là pour partager le bonheur d’écouter Mūza Rubackytė dans un programme fort éclectique, allant de Schumann à Prokofiev en passant par son compatriote Čiurlionis. Marc Laborde présente les œuvres réunies sous le titre commun de double jeu, parce que chacun des compositeurs éprouvait à sa manière deux passions, plus ou moins comblées, qui ont laissé leur marque dans les œuvres retenues. Les délicieuses Arabesques de Schumann ouvrent le récital: c’est un ruisseau, de la dentelle légère, des bulles de champagne. Suit le Carnaval ou scènes mignonnes sur 4 notes, une œuvre riche et complexe, qui requiert force et douceur. Mūza Rubackytė empoigne en quelque sorte son piano, ils se battent littéralement avant que la deuxième partie de l’œuvre ne résonne apaisée. La pianiste gagne une sorte de bataille et son interprétation est une sorte de triomphe modeste et étincelant à la fois. Il y a lieu de souligner que cette perception, qui n’est pas partagée par tous les pianistes, a quelque chose d’envoûtant. On est incapable de se détacher des notes.
Après une brève pause, le public découvre un compositeur qui lui est inconnu, Čiurlionis, dont la pianiste propose ses «Pièces pour piano». Autant peintre que musicien, avec le même nombre d’œuvres dans chaque registre, Čiurlionis peint avec les notes, sa musique est paysagère. C’est le bord de mer, la campagne de Courlande ou la ville. La dernière pièce est la 6e sonate de Prokofiev, qui n’est pas nécessairement d’un abord facile. La pianiste offre un jeu littéralement stupéfiant: elle est les notes, elle est le piano, tout son corps est tendu, s’inclinant dans des équilibres improbables, on ne peut la quitter des yeux. Il faut vraiment voir et entendre à la fois, tant la prestation est riche. C’est d’autant plus remarquable que la musique de Prokofiev est parfois rude, brutale, heurtée, comme l’était le compositeur lui-même déchiré entre son envie de liberté et son besoin de se fondre dans la Russie temporairement déguisée en URSS stalinienne.
Chaleureusement applaudie, Mūza propose deux bis, d’abord une «Mazurka» de Chopin et, parce que c’est la Saint Valentin, le «Rêve d’amour» de Liszt, un pur bonheur comme un caramel au beurre salé…
Danielle Anex-Cabanis
Malgré un temps peu clément, plus de deux cents personnes étaient là pour partager le bonheur d’écouter Mūza Rubackytė dans un programme fort éclectique, allant de Schumann à Prokofiev en passant par son compatriote Čiurlionis. Marc Laborde présente les œuvres réunies sous le titre commun de double jeu, parce que chacun des compositeurs éprouvait à sa manière deux passions, plus ou moins comblées, qui ont laissé leur marque dans les œuvres retenues. Les délicieuses Arabesques de Schumann ouvrent le récital: c’est un ruisseau, de la dentelle légère, des bulles de champagne. Suit le Carnaval ou scènes mignonnes sur 4 notes, une œuvre riche et complexe, qui requiert force et douceur. Mūza Rubackytė empoigne en quelque sorte son piano, ils se battent littéralement avant que la deuxième partie de l’œuvre ne résonne apaisée. La pianiste gagne une sorte de bataille et son interprétation est une sorte de triomphe modeste et étincelant à la fois. Il y a lieu de souligner que cette perception, qui n’est pas partagée par tous les pianistes, a quelque chose d’envoûtant. On est incapable de se détacher des notes.
Après une brève pause, le public découvre un compositeur qui lui est inconnu, Čiurlionis, dont la pianiste propose ses «Pièces pour piano». Autant peintre que musicien, avec le même nombre d’œuvres dans chaque registre, Čiurlionis peint avec les notes, sa musique est paysagère. C’est le bord de mer, la campagne de Courlande ou la ville. La dernière pièce est la 6e sonate de Prokofiev, qui n’est pas nécessairement d’un abord facile. La pianiste offre un jeu littéralement stupéfiant: elle est les notes, elle est le piano, tout son corps est tendu, s’inclinant dans des équilibres improbables, on ne peut la quitter des yeux. Il faut vraiment voir et entendre à la fois, tant la prestation est riche. C’est d’autant plus remarquable que la musique de Prokofiev est parfois rude, brutale, heurtée, comme l’était le compositeur lui-même déchiré entre son envie de liberté et son besoin de se fondre dans la Russie temporairement déguisée en URSS stalinienne.
Chaleureusement applaudie, Mūza propose deux bis, d’abord une «Mazurka» de Chopin et, parce que c’est la Saint Valentin, le «Rêve d’amour» de Liszt, un pur bonheur comme un caramel au beurre salé…
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 14/02/2016 à 00:14, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.