Clairières dans le ciel

Les musiciens de la grande guerre
Mélodies françaises; Duo Contraste, Cyrille Dubois, ténor et Tristan Raes, piano; CD Editions Hortus.

Amoureux de la mélodie, à la recherche de raretés, courrez chez votre disquaire, cet enregistrement de grande qualité recèle quelques trésors, remarquablement mis en lumière par le Duo Contraste!
Ce treizième volume, issu de la très belle collection consacrée aux musiciens de la grande guerre retient un beau répertoire dont, pour l’essentiel, le superbe cycle de 13 mélodies Clairières dans le ciel de Lili Boulanger (1893-1918), composé en 1914, peu de temps avant la déclaration de guerre et le cycle complet des Odelettes du Guy Ropartz (1864-1955). Ce programme réunit également des inédits (Pierre Vellones, 1889-1939, Jacques de la Presle, 1888-1969), écrits entre 1916 et 1917, et dont les textes sont cette fois marqués par la grande guerre.
Cyrille Dubois aborde ce répertoire difficile avec une musicalité inouïe, une diction parfaite et parvient à transmettre une riche émotion, souvent bouleversante et cela, avec une belle simplicité. Sa magnifique voix de ténor, très claire, joue de toutes les nuances, sur tous les registres de la tessiture avec une grande dextérité. Du grand art! Des mélodies pourtant très exigeantes sur le plan vocal et si diverses, des textes si différents passant de l’amour, de la mélancolie et de la perte de l’être aimé des poèmes symbolistes de Francis Jammes, sublimés par l’écriture mélodique de Lili Boulanger, à la gravité du poème de Charles Peguy, Heureux ceux qui sont morts, magistralement mis en musique par Jacques de la Presle (une belle découverte!), qui a su trouver les notes funèbres (introduction) suivies de celles plus lumineuses de l’élan patriotique pour accompagner ce texte qui s’achève par une citation de La Marseillaise!
Avec une toute aussi grande justesse dans l’interprétation et la prosodie, notre ténor aborde avec le même talent des mélodies, peut-être plus anecdotiques, comme celles de Pierre Vellones, La lettre du front adressée à la bien-aimée, première mélodie de cet album qui s’imposait ici naturellement et, sur un ton cette fois tout ironique, Aux gonces (les planqués) qui se débinent.
C’est avec un même bonheur qu’on écoutera Les sept petites images du Japon, composées en 1917 par Georges Migot sur des textes du Cycle de Heian de la Cour impériale du IXe siècle.
L’accompagnement au piano de Tristan Raes est tout aussi admirable, portant avec autant d’engagement et de musicalité que son complice ces très belles pages de la mélodie française, particulièrement le cycle Clairières dans le ciel, œuvre magistrale et dont l’interprétation qui nous est ici livrée restera incontestablement une référence.

Christophe Bernard
Publié le 21/12/2015 à 20:47, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.