Théâtre du Capitole
> 2 octobre
Le château de Barbe-Bleue et Le Prisonnier
Photos par Patrice Nin
Luigi Dallapiccola, Le Prisonnier
Béla Bartók, Le château de Barbe-Bleue
Un programme d’une grande densité pour l’ouverture de la saison: deux œuvres que rapprochent leur issue dramatique, le partage du talent de la sublime Tanja Ariane Baumgartner et une volonté de se concentrer sur la musique en se contentent d’un décor graphique ou minimaliste.
Comme dans le Don Carlo de Verdi, dont Dellapiccola s’est vraisemblablement inspiré, le Prisonnier met en scène un prisonnier politique dans l’enfer de la guerre menée par le duc D’Albe contre les Flamands révoltés sur l’ordre de Philippe II. L’homme a été torturé, sa mère vient le voir, sans doute pour la dernière fois avant son exécution. Pourtant le geôlier lui suggère d’espérer et il se prend à rêver de liberté, de grands espaces. Tout cela s’avère vain, car les tortionnaires comme le grand inquisiteur ne veulent pas renoncer à leur proie et vont le conduire au bucher, mais il ne veut pas renoncer à la vie. Il affronte avec dignité cette ultime épreuve. La musique est âpre, les voix somptueuses. La soprano Tanja Ariane Baumgartner est sublime de subtilité, exprimant son amour et son désarroi, faisant preuve et d’une technique vocale exceptionnelle en même temps que d’une immense capacité émotionnelle. Le prisonnier de Levent Bakirci a une force et une profondeur exceptionnelles, faisant partager sa souffrance, morale et physique que l’on ressent avec lui.
Le Barbe-Bleue est de facture musicale plus classique, Bartok construisant autour du héros et de Judith une montée en tension dramatique extraordinaire; lui voudrait croire qu’avec celle-là, il échappera à la malédiction, que son château revivra. Quant à Judith qui, malgré tous les avis contraires, a tout quitté pour devenir la femme de Barbe-Bleue, elle a agi par amour, en veut un en retour sans limites, donc elle doit tout savoir et, alors même qu’il cherche à l’arrêter, retenant la dernière clé de la dernière porte, sa curiosité qu’elle fonde sur son amour l’emporte; elle devient comme les trois autres, une ombre muette même parée des plus beaux bijoux. La porte se referme sur elle, le château demeure sombre et Barbe-Bleue reste seul, comme Lohengrin. La curiosité a exclu la rédemption. Ce n’est pas la version pour enfants dans laquelle le frère sauve sa sœur et occit son beau-frère, ni la classique pour adultes, dans laquelle les femmes ont été égorgées. Les deux chanteurs excellent dans leurs deux rôles, alternant un jeu pudique et l’expression de la force de leurs sentiments. Ils captivent l’auditoire dans un décor très sobre fait de cadres tournant autour d’un axe. Rien ne distrait du drame qui se noue. C’est superbe et on ne peut que se féliciter de cette nouvelle production.
Danielle Anex-Cabanis
Béla Bartók, Le château de Barbe-Bleue
Un programme d’une grande densité pour l’ouverture de la saison: deux œuvres que rapprochent leur issue dramatique, le partage du talent de la sublime Tanja Ariane Baumgartner et une volonté de se concentrer sur la musique en se contentent d’un décor graphique ou minimaliste.
Comme dans le Don Carlo de Verdi, dont Dellapiccola s’est vraisemblablement inspiré, le Prisonnier met en scène un prisonnier politique dans l’enfer de la guerre menée par le duc D’Albe contre les Flamands révoltés sur l’ordre de Philippe II. L’homme a été torturé, sa mère vient le voir, sans doute pour la dernière fois avant son exécution. Pourtant le geôlier lui suggère d’espérer et il se prend à rêver de liberté, de grands espaces. Tout cela s’avère vain, car les tortionnaires comme le grand inquisiteur ne veulent pas renoncer à leur proie et vont le conduire au bucher, mais il ne veut pas renoncer à la vie. Il affronte avec dignité cette ultime épreuve. La musique est âpre, les voix somptueuses. La soprano Tanja Ariane Baumgartner est sublime de subtilité, exprimant son amour et son désarroi, faisant preuve et d’une technique vocale exceptionnelle en même temps que d’une immense capacité émotionnelle. Le prisonnier de Levent Bakirci a une force et une profondeur exceptionnelles, faisant partager sa souffrance, morale et physique que l’on ressent avec lui.
Le Barbe-Bleue est de facture musicale plus classique, Bartok construisant autour du héros et de Judith une montée en tension dramatique extraordinaire; lui voudrait croire qu’avec celle-là, il échappera à la malédiction, que son château revivra. Quant à Judith qui, malgré tous les avis contraires, a tout quitté pour devenir la femme de Barbe-Bleue, elle a agi par amour, en veut un en retour sans limites, donc elle doit tout savoir et, alors même qu’il cherche à l’arrêter, retenant la dernière clé de la dernière porte, sa curiosité qu’elle fonde sur son amour l’emporte; elle devient comme les trois autres, une ombre muette même parée des plus beaux bijoux. La porte se referme sur elle, le château demeure sombre et Barbe-Bleue reste seul, comme Lohengrin. La curiosité a exclu la rédemption. Ce n’est pas la version pour enfants dans laquelle le frère sauve sa sœur et occit son beau-frère, ni la classique pour adultes, dans laquelle les femmes ont été égorgées. Les deux chanteurs excellent dans leurs deux rôles, alternant un jeu pudique et l’expression de la force de leurs sentiments. Ils captivent l’auditoire dans un décor très sobre fait de cadres tournant autour d’un axe. Rien ne distrait du drame qui se noue. C’est superbe et on ne peut que se féliciter de cette nouvelle production.
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 07/10/2015 à 20:32, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.