Halle des Sports et Théâtre de l’Usine. Saint-Céré
> 13 et 14 août

Drame dépouillé et burlesque déchaîné

Festival de Saint-Céré
Le Roi Carotte, mise en scène d'Olivier Desbordes. Photos Nelly Blaya
Pour sa trente-et-unième édition le Festival de Saint-Céré programmait, entre autres, deux opéras: Eugène Onéguine de Tchaïkovski et Rigoletto de Verdi et une opérette: Le Roi Carotte d’Offenbach.
Rigoletto qui devait être présenté dans la cour d’honneur du Château de Castelneau dû, à cause du temps menaçant, se replier à la Halle des Sports de Saint-Céré à l’acoustique, ma foi, plutôt satisfaisante. Le spectacle ne devait pas trop en pâtir si ce n’est par la perte de l’atmosphère quasi magique du château multiséculaire.
Comme souvent à Saint-Céré et on l’a souvent vérifié au fil des ans, Dominique Trottein assure, malgré l’effectif réduit de son orchestre, une direction optimale qui est presque toujours le garant de la réussite de ces productions.
Comme en 2004 Michel Fau assume la mise en scène. Et, à l’imprécision de nos souvenirs près, elle s’est encore dépouillée, confinant parfois à l’illisibilité. Comme alors, c’est David Belugou qui signe décors et costume et qui transforme à l’envi Rigoletto (le personnage) en drag queen ou en portefaix!
La distribution est excellente. Grand habitué de ce festival, Christophe Lacassagne incarne le rôle-titre avec une humanité et un sens dramatique rares. Carlo Guido campe un duc de Mantoue plein de morgue et d’insolence ravageuses. Isabelle Philippe, rescapée de la distribution antérieure, est une Gilda à son zénith, au talent de tragédienne confirmé et au chant ensorcelant. Jean-Claude Sarragosse, à l’élégance vampiresque, nous fait trembler en Sparafucile maître de l’effroi. Hermine Huguenel incarne Maddalena la sœur de Sparafucile et Giovanna la duègne de Gilda; elle se transforme devant les spectateurs de l’une en l autre et possède charme et métier pour assumer ces deux rôles. Eric Demarteau, lui aussi déjà présent dans le même rôle en 2004, est un comte Monterrone à l’autorité et à l’austérité incarnées. Matthieu Toulouse (le comte Ceprano), Béatrice Burley (la comtesse Ceprano), Samuel Oddos (Borsa), Julien Fantou (Marullo) et Anne-Sophie Domergue (la fille de Monterone) rivalisent de sentiment et de verve pour faire vivre leurs personnages.
Ainsi, ce drame qui se joue devant nous, dans une action très concentrée comme le veut la mise en scène, trouve surtout dans sa réalisation musicale pure, orchestre et chanteurs au diapason, la résolution de ses tourments et le souffle de sa tragédie.

La veille, dans une toute autre ambiance, au théâtre de l’Usine, Olivier Desbordes nous régalait du Roi Carotte de Jacques Offenbach. Grâce à cette mise en scène délurée et parodique à la drôlerie exacerbée et aux références politiques contemporaines assumées, cette opérette féerique devient un pur moment de bonheur et de rire joyeux voire souvent grinçant. L’action ponctuée par les éclats de rire des spectateurs doit beaucoup, une fois de plus, à la direction inspirée de Dominique Trottein qui tire de son petit orchestre les mille feux attisant la cinématographie enjouée de ce délire musical. Eric Vignau en Prince Fidolin naïf et attachant, Agnès Bove en Robin Luron à la verve inextinguible, Christophe Lacassagne campant ici un Quiribibi déguisé en Karl Lagerfeld plus vrai que nature, Anne Barbier en Princesse Cunégonde pleine de morgue, Cécile Limal en Rosée du Soir ingénue mais charmeuse et tous les autres chanteurs acteurs de la troupe s’en donnent à cœur joie pour animer cette véritable comédie musicale qui ne peut que rencontrer son public, hilare et conquis.
A l’an prochain!

Jean-Félix Marquette
Publié le 19/08/2011 à 08:24, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.