Théâtre du Capitole
> 12 novembre

Orlando

Georg Friedrich Haendel
Photos Patrice Nin
La folie de Roland a inspiré maint compositeur depuis la parution en 1516 de l’Orlando furioso de L’Arioste. Haendel en a sans doute réussi la version la plus somptueuse, même si celles de Lully, Vivaldi et Scarlatti ne sont pas dénuées d’intérêt. Zoroastre, à la fois récitant et grand manipulateur, est un vrai pivot de l’intrigue, magistralement interprété par la basse italienne Luigi de Donato. Ses «marionnettes» sont de qualité inégale: le contreténor DQ Lee incarne un Orlando fort et fragile très convaincant avec des exploits vocaux qui lui valent des applaudissements nourris. Adrianan Kucerova, que les Toulousains avaient fort appréciée en 2011 comme Nanette dans Falstaff, offre une prestation remarquable, tout comme la très jeune Sunhae Him qui campe une délicieuse Clorinda, avec un jeu très maîtrisé, plein d’émotion. Le Medoro de Kristina Hammarström, qui avait pourtant été un excellent Daniel dans Belshazzar, m’a laissée en revanche plus sceptique: elle est physiquement empruntée et sa voix ne semble pas à son sommet, ce qui en fait au final un personnage un peu caricatural assez dépourvu de consistance.
Jean-Christophe Spinosi est comme à l’accoutumée enthousiaste et largement enthousiasmant, même si certains effets faciles, notamment de vibrato des cordes, n’ajoutent rien. Son ensemble a comme toujours une cohérence interne précieuse et cette addition de talents donne un résultat global intéressant musicalement, même si ce n’est sûrement pas une sorte de point final dans les interprétations possibles d’Orlando. Satisfaits de l’accueil des Toulousains, les musiciens offrent un charmant triumpho del amor en bis, Orlando feignant avec drôlerie de danser le rock.
La mise en scène et les costumes associent en revanche le meilleur et le pire, les rôles féminins étant plutôt bien servis, les masculins plutôt mal. Pourquoi diable faire de Zoroastre un remake des premiers bolchéviks ou d’Orlando une déclinaison des épigones des dictateurs de Corée du Nord, ce qui de surcroît tombe d’autant plus mal compte tenu de ses origines. Un Médoro tout en blanc, pourquoi pas, mais que le rôle soit tenu par un homme une femme, que son allure soit masculine. Or on est là dans une sorte de reprise pas terrible en blanc de certains vêtements noirs de Saint-Laurent, portables au masculin comme au féminin grâce à la rigueur de leur coupe. Le grand col en fourrure blanche passe mal. Clorinda est dans la ligne des soubrettes mozartiennes qu’elle annonce avec grâce, tandis que Angelica porte avec un certain chic une robe et un chignon très années soixante-dix. Elle en est imperceptiblement ridicule, façon habile d’ironiser sur son comportement peu glorieux dans ses relations amoureuses. Elle ment, se ment à elle-même.
Quant au décor lui-même, il est sans doute inégal. L’idée des rideaux mobiles et colorés qui se superposent en donnant une image qui évoque les soieries d’Asie Centrale est astucieuse, tout comme celle des panneaux mobiles dont l’ombre portée change de couleur. Pour le reste, c’est inconsistant. Les prestations des acolytes de Zoroastre intervenant dans la vie des humains sont bien imaginées: entre danseurs et gymnastes, ils sont les hommes à tout faire du destin et leurs pantomimes dans leurs costumes noirs sont très réussies.
Dans l’ensemble une bonne soirée, avec un souhait: que Jean-Christophe Spinosi qui a un talent fou ne cède pas à la facilité convenue du «toujours pas comme les autres», qui finit par être une posture!

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 15/11/2013 à 16:18, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.