L’Aire du Dire
Pierre Jodlowski
Chœur les éléments
Mise en scène de Christophe Bergon
Direction de Joël Suhubiette
Complété par un second DVD de bonus (interviews, bande annonce… ), cet enregistrement suscite, comme d’ailleurs il y a deux ans la première en live, des sentiments mélangés.
Pour continuer à jouer sur les mots, se concentrer sur le champ de la parole, comme le titre l’indique en synonyme, lui restituer sa place initiale et fondatrice, ce n’est pas loin de la mystique, parce qu’après tout au commencement était le Verbe, ce qui est la consécration suprême du dire qui est au cœur de ce projet. Ce dernier ne peut laisser indifférent d’autant que la mise en scène contribue à créer une atmosphère très prenante: les 12 solistes déambulent autour d’une structure suspendue, muets, parlant ou chantant, chacun étant muré dans une sorte de solitude glacée accentuée par la psalmodie en litanie qui prédomine dans de nombreux passages. La lecture des textes plus longs de l’auteur lui-même, de Tarkos, de philosophes ou de politiques, en français et en anglais, sans oublier les deux séries de Hai-ku à 12 syllabes et 12 sons, par des visages projetés en médaillons , les yeux fermés, contribue à la création d’une atmosphère lourde et obsessionnelle. Comme les notaires du moyen âge qui multipliaient les termes voisins pour allonger les actes et se couvrir au cas où, Pierre Jodlowski déclare, affirme, confirme, stipule, officialise. Les documents récupérés, les textes créés pour l’occasion ne manquent pas d’intérêt, l’ombre de Foucault plane avec intensité avec le Jugement des fous.
Intellectuellement, on ne peut contester l’originalité du projet, la richesse des textes tout comme l’astuce des procédés de mise en scène, mais personnellement je reste sur un sentiment de malaise. Les acteurs de cette prestation ont, je l’espère, trouvé intérêt et plaisir à la réaliser et ils ont construit un objet culturel intéressant, mais que je perçois comme autiste. C’est une représentation pour soi, le spectateur n’est pas associé, on ferme les yeux ou on regarde dans le vague, tout au plus peut-on penser que le lent ballet des diseurs-chanteurs dirigés par Joël Suhubiette est supposé capter l’attention, car le son ne suffit pas, ce qui se vérifie en passant le DVD sans l’image. Certes, le créateur contemporain ne saurait céder à une quelconque facilité démagogique, mais n’est pas John Cage qui veut. Un théâtre qui passe une commande soutient sans aucun doute la création, il veut aussi en retour un capital d’émotions à exploiter. Je ne l’y ai pas trouvé dans le DVD pourtant passé plusieurs fois pas plus d’ailleurs que dans la représentation au théâtre en 2011, peut-être parce qu’il n’y a pas de réelle fusion entre les mots et les sons, le dire n’est finalement pas assez expressif, n’étant ni vraiment mot ni vraiment son.
Danielle Anex-Cabanis
1 DVD éole records (représentation de création du 5 février 2011) 66’30’’
Mise en scène de Christophe Bergon
Direction de Joël Suhubiette
Complété par un second DVD de bonus (interviews, bande annonce… ), cet enregistrement suscite, comme d’ailleurs il y a deux ans la première en live, des sentiments mélangés.
Pour continuer à jouer sur les mots, se concentrer sur le champ de la parole, comme le titre l’indique en synonyme, lui restituer sa place initiale et fondatrice, ce n’est pas loin de la mystique, parce qu’après tout au commencement était le Verbe, ce qui est la consécration suprême du dire qui est au cœur de ce projet. Ce dernier ne peut laisser indifférent d’autant que la mise en scène contribue à créer une atmosphère très prenante: les 12 solistes déambulent autour d’une structure suspendue, muets, parlant ou chantant, chacun étant muré dans une sorte de solitude glacée accentuée par la psalmodie en litanie qui prédomine dans de nombreux passages. La lecture des textes plus longs de l’auteur lui-même, de Tarkos, de philosophes ou de politiques, en français et en anglais, sans oublier les deux séries de Hai-ku à 12 syllabes et 12 sons, par des visages projetés en médaillons , les yeux fermés, contribue à la création d’une atmosphère lourde et obsessionnelle. Comme les notaires du moyen âge qui multipliaient les termes voisins pour allonger les actes et se couvrir au cas où, Pierre Jodlowski déclare, affirme, confirme, stipule, officialise. Les documents récupérés, les textes créés pour l’occasion ne manquent pas d’intérêt, l’ombre de Foucault plane avec intensité avec le Jugement des fous.
Intellectuellement, on ne peut contester l’originalité du projet, la richesse des textes tout comme l’astuce des procédés de mise en scène, mais personnellement je reste sur un sentiment de malaise. Les acteurs de cette prestation ont, je l’espère, trouvé intérêt et plaisir à la réaliser et ils ont construit un objet culturel intéressant, mais que je perçois comme autiste. C’est une représentation pour soi, le spectateur n’est pas associé, on ferme les yeux ou on regarde dans le vague, tout au plus peut-on penser que le lent ballet des diseurs-chanteurs dirigés par Joël Suhubiette est supposé capter l’attention, car le son ne suffit pas, ce qui se vérifie en passant le DVD sans l’image. Certes, le créateur contemporain ne saurait céder à une quelconque facilité démagogique, mais n’est pas John Cage qui veut. Un théâtre qui passe une commande soutient sans aucun doute la création, il veut aussi en retour un capital d’émotions à exploiter. Je ne l’y ai pas trouvé dans le DVD pourtant passé plusieurs fois pas plus d’ailleurs que dans la représentation au théâtre en 2011, peut-être parce qu’il n’y a pas de réelle fusion entre les mots et les sons, le dire n’est finalement pas assez expressif, n’étant ni vraiment mot ni vraiment son.
Danielle Anex-Cabanis
1 DVD éole records (représentation de création du 5 février 2011) 66’30’’
Publié le 12/04/2013 à 09:12, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.