Tugan Sokhiev et l’Orchestre national du Capitole en osmose
Tchaïkovski - Shostakovich
Tchaïkovski: 5° symphonie
Shostakovich: ouverture festive
Dans le paysage orchestral international l’orchestre du Capitole de Toulouse sous la direction de son chef aussi jeune que charismatique gravit les échelons. Dans un standard international qui refuse les individualités trop fortes c’est un peu l’exception qui confirme la règle. Il y a un son Sokhiev à Toulouse qui se développe avec un parfum rare. Tradition acquise de haute lute grâce à Michel Plasson dans le répertoire français qui lui va comme un gant, l’orchestre peut compter à présent sur le Russe Tugan Sokhiev qui vivifie ses troupes au point de ne rien perdre de cette qualité française (les cordes un peu vertes, les bois sublimes et jamais lourds, les cors aériens) et de rajouter force et puissance, rigueur rythmique et couleurs plus rutilantes. Cet enregistrement n’a qu’un défaut, la pingrerie du minutage. Lorsqu’un chef et un orchestre font de la musique ainsi et que la prise de son permet d’en déguster le tout et le détail avec cette précision, l’auditeur en voudrait bien d’avantage…
Car si les excellentes versions de la cinquième symphonie de Tchaïkovski ne manquent pas, celle-ci est à mettre à part et mérite une écoute attentive. Dès les premières mesures du choral initial dans le grave des clarinettes soutenues par les cordes, le phrasé, les couleurs et la manière d’avancer comme dans un récitatif d’opéra aiguise l’oreille. Tout ira ensuite comme par évidence, les tempi semblent aveuglants, le poids exact de chaque section s’articule à l’ensemble pour une construction opératique pleine de poésie et de sentiments vrais. La Dame de Pique est évoquée avec la thématique du destin et de l’amour en lutte. L’orchestre partage avec le chef une vision idiomatique évoquant le Marinskii. Mais la fraîcheur si française de l’orchestre évite tout le pathos que des générations on cru devoir rajouter à cette partition pour la rendre plus virile. Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole rendent à Tchaïkovski sa poésie intrinsèque et sa sensibilité fine autant que sa violence. Les subtilités d’orchestration sont mises en lumières et les dynamiques sont savamment dosées avec des piani divins. Les couleurs de l’orchestre irradient et certains solistes sont magiques, le cor de Jacques Deleplancque fera défaillir plus d’un auditeur au début de l’Andante Cantabile et le relais du thème par le hautbois, la clarinette puis tout l’orchestre est un chant d’amour transfixiant (les violons qui s’en emparent avec les contre-chants des cuivres… ). La valse trouve avec Tugan Sokhiev son tempo exact et sa grâce poétique se déploie avec élégance sous cette battue souple et précise à la fois. Quelle leçon de rubato d’orchestre! Le final démarre avec le thème déclamé en scansion avant de se développer dans une forme toujours plus large. La construction est magistrale pour nous amener à percevoir le poids du destin ici plus sarcastique que tragique, et à l’accepter.
Afin de ne pas nous laisser sur cette fin si dramatique Tugan Sokhiev nous offre un petit bijou comme Shostakovich pouvait en écrire, aussi brillant que malicieux, voire moqueur, en apparence facile et plein de subtilités d’orchestration. L’humour si particulier de Shostakovich dans cette ouverture festive trouve en Tugan Sokhiev et son Orchestre du Capitole des interprètes inspirés aussi virtuoses sur la forme que profonds dans la compréhension des dessous de cette fête imposée en une période si sombre.
Un nouveau superbe enregistrement d’un chef et d’un orchestre en parfaite osmose pour notre plus grand bonheur. Quatrième opus chez Naïve de Tugan Sokhiev et son orchestre plus que prometteur. À partager sans modération.
Hubert Stoecklin
1 CD Naïve. Durée: 51’32. Enregistré à Toulouse en juillet 2010.
Shostakovich: ouverture festive
Dans le paysage orchestral international l’orchestre du Capitole de Toulouse sous la direction de son chef aussi jeune que charismatique gravit les échelons. Dans un standard international qui refuse les individualités trop fortes c’est un peu l’exception qui confirme la règle. Il y a un son Sokhiev à Toulouse qui se développe avec un parfum rare. Tradition acquise de haute lute grâce à Michel Plasson dans le répertoire français qui lui va comme un gant, l’orchestre peut compter à présent sur le Russe Tugan Sokhiev qui vivifie ses troupes au point de ne rien perdre de cette qualité française (les cordes un peu vertes, les bois sublimes et jamais lourds, les cors aériens) et de rajouter force et puissance, rigueur rythmique et couleurs plus rutilantes. Cet enregistrement n’a qu’un défaut, la pingrerie du minutage. Lorsqu’un chef et un orchestre font de la musique ainsi et que la prise de son permet d’en déguster le tout et le détail avec cette précision, l’auditeur en voudrait bien d’avantage…
Car si les excellentes versions de la cinquième symphonie de Tchaïkovski ne manquent pas, celle-ci est à mettre à part et mérite une écoute attentive. Dès les premières mesures du choral initial dans le grave des clarinettes soutenues par les cordes, le phrasé, les couleurs et la manière d’avancer comme dans un récitatif d’opéra aiguise l’oreille. Tout ira ensuite comme par évidence, les tempi semblent aveuglants, le poids exact de chaque section s’articule à l’ensemble pour une construction opératique pleine de poésie et de sentiments vrais. La Dame de Pique est évoquée avec la thématique du destin et de l’amour en lutte. L’orchestre partage avec le chef une vision idiomatique évoquant le Marinskii. Mais la fraîcheur si française de l’orchestre évite tout le pathos que des générations on cru devoir rajouter à cette partition pour la rendre plus virile. Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole rendent à Tchaïkovski sa poésie intrinsèque et sa sensibilité fine autant que sa violence. Les subtilités d’orchestration sont mises en lumières et les dynamiques sont savamment dosées avec des piani divins. Les couleurs de l’orchestre irradient et certains solistes sont magiques, le cor de Jacques Deleplancque fera défaillir plus d’un auditeur au début de l’Andante Cantabile et le relais du thème par le hautbois, la clarinette puis tout l’orchestre est un chant d’amour transfixiant (les violons qui s’en emparent avec les contre-chants des cuivres… ). La valse trouve avec Tugan Sokhiev son tempo exact et sa grâce poétique se déploie avec élégance sous cette battue souple et précise à la fois. Quelle leçon de rubato d’orchestre! Le final démarre avec le thème déclamé en scansion avant de se développer dans une forme toujours plus large. La construction est magistrale pour nous amener à percevoir le poids du destin ici plus sarcastique que tragique, et à l’accepter.
Afin de ne pas nous laisser sur cette fin si dramatique Tugan Sokhiev nous offre un petit bijou comme Shostakovich pouvait en écrire, aussi brillant que malicieux, voire moqueur, en apparence facile et plein de subtilités d’orchestration. L’humour si particulier de Shostakovich dans cette ouverture festive trouve en Tugan Sokhiev et son Orchestre du Capitole des interprètes inspirés aussi virtuoses sur la forme que profonds dans la compréhension des dessous de cette fête imposée en une période si sombre.
Un nouveau superbe enregistrement d’un chef et d’un orchestre en parfaite osmose pour notre plus grand bonheur. Quatrième opus chez Naïve de Tugan Sokhiev et son orchestre plus que prometteur. À partager sans modération.
Hubert Stoecklin
1 CD Naïve. Durée: 51’32. Enregistré à Toulouse en juillet 2010.
Publié le 04/01/2012 à 08:58, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.