Le Carnaval de Venise
André Campra
Le Concert Spirituel
Hervé Niquet
Tandis que la cour à Versailles sombre en cette fin de règne du Roi Soleil dans la dévotion et une profonde tristesse, un musicien venant d’Aix en Provence, André Campra, crée un nouveau genre musical, l’opéra-ballet qui fait les beaux jours de la Capitale et de l’Académie Royale. Ce n’est que sous la Régence qu’il connut une reconnaissance officielle mais dès la toute fin du règne de Louis XIV Campra offrit à la postérité ses plus belles œuvres pour le théâtre.
Si c’est avec l’Europe Galante, plus connu aujourd’hui qu’il signe la naissance de ce nouveau genre en 1697, le Carnaval de Venise qu’il compose deux ans après et qui fait l’objet de ce CD est certainement l’œuvre qui reflète le mieux le renouveau du goût italien, aussi bien du point de vue dramatique que musical. Hervé Niquet et le Concert Spirituel viennent avec virtuosité combler un vide en nous permettant de redécouvrir un véritable joyau de la musique française.
Le synopsis de cet opéra-ballet, est en fait une mise en abime du théâtre. Ses personnages, Isabelle, Léonore, Léandre, Rodolphe -issus du théâtre italien- s’aiment et se déchirent, sans que jamais le drame ne prenne le dessus car on est en plein carnaval et tout ici n’est que jeu de masques et de miroirs
Pour fuir leur rivaux, Isabelle et Léandre pénètre dans un théâtre où se joue l’Orfeo nell’inferi auquel à leur côté nous assistons, tandis qu’avant et après se joue leur histoire.
Entre commedia dell’arte et opéra italien, la danse rythme le carnaval qui bat son plein dans les rues et vient sans cesse interrompre l’action.
Hervé Niquet entraîne le Concert Spirituel et les chanteurs avec un enthousiasme fougueux dans des tempi endiablés jusqu’à l’ivresse. Sous sa direction précise et enflammée, le Carnaval de Venise est une fête multicolore. Dans cette œuvre ambigüe, aux lisières du drame et de la fête, musiciens et chanteurs, nous font plonger au cœur de l’illusion. Ils nous rendent avec vitalité la fantaisie des jeux de masques et avec malice jouent la tragédie pour mieux la déjouer d’une pirouette.
Campra ne pouvait pas mieux être servi que par les interprètes réunis ici. Trois basses magnifiques tiennent les rôles principaux masculins. Alain Buet, fait de Léandre, l’amant comblé, un personnage débonnaire et courtois. Dans le Trio italien, Luci belle dormite son timbre se fait aussi envoutant que la flûte qui l’accompagne pour mieux ensorceler le sommeil. Andrew Foster-Williams campe un Rodolphe à la violence théâtrale. Luigi De Donato est lui un Plutone au timbre aussi sombre que les enfers.
Parmi les autres interprètes masculins, on retiendra tout particulièrement le haute-contre Mathias Vidal. Il interprète plusieurs rôles en caractérisant chacun d’entre eux avec brio. Il se travestit du rire aux larmes avec un plaisir communiquant. Dans le rôle d’Orfeo, son phrasé nous charme autant que Pluton dans le récitatif accompagné Dominator dell’ombre, et l’enivrement de ses vocalises dans son aria Vittoria, mio cuore, fait d’Orphée un personnage de comédie.
La distribution féminine est d’une luminosité méditerranéenne. Salomé Haller, séduit dans le rôle d’Isabelle. Son timbre rayonnant et sa diction parfaite, donne au personnage ce mélange de légèreté et de fragilité idéal pour son personnage. Dans l’air «Mes yeux fermez vous à jamais, elle seule parvient à suspendre la fête, le temps d’un de ces rares instants auquel on peut s’abandonner. La mezzo italienne Marina De Liso, donne aux couleurs tragiques de la jalouse Léonore, la violence du dépit avec un art consommé de la rouerie féminine. Sara Tynan est une tendre Euridice, au timbre d’une clarté aussi limpide que l’onde du clavecin dans le récitatif accompagné Lungi da me, martiri. L’insolence fluide de ses vocalises dans l’aria Per piace al mio ben est un moment de pur enchantement. Blandine Staskiewicz par la rondeur de son timbre est Un’ombra Fortunata ensorcelante. Les chœurs du Concert Spirituel et les chantres du Cmbv apportent une dynamique et une splendeur festive et chamarrée.
La prise de son ample et naturelle ne peut qu’être louée. Le magnifique livret qui accompagne cet album est à lui seul une petite merveille à savourer sans modération. Ces trois auteurs nous initient avec ferveur et rigueur, au monde de Campra.
Le Carnaval personnage à part entière vous entraîne ici au cœur de la fête, de l’autre côté des miroirs… dans une Venise aux couleurs de Tiepolo. La fête bat son plein et vous entraîne dans la danse, au cœur des théâtres, ou la tragédie n’est jamais qu’un jeu.
Monique Parmentier
2 CD Glossa
Hervé Niquet
Tandis que la cour à Versailles sombre en cette fin de règne du Roi Soleil dans la dévotion et une profonde tristesse, un musicien venant d’Aix en Provence, André Campra, crée un nouveau genre musical, l’opéra-ballet qui fait les beaux jours de la Capitale et de l’Académie Royale. Ce n’est que sous la Régence qu’il connut une reconnaissance officielle mais dès la toute fin du règne de Louis XIV Campra offrit à la postérité ses plus belles œuvres pour le théâtre.
Si c’est avec l’Europe Galante, plus connu aujourd’hui qu’il signe la naissance de ce nouveau genre en 1697, le Carnaval de Venise qu’il compose deux ans après et qui fait l’objet de ce CD est certainement l’œuvre qui reflète le mieux le renouveau du goût italien, aussi bien du point de vue dramatique que musical. Hervé Niquet et le Concert Spirituel viennent avec virtuosité combler un vide en nous permettant de redécouvrir un véritable joyau de la musique française.
Le synopsis de cet opéra-ballet, est en fait une mise en abime du théâtre. Ses personnages, Isabelle, Léonore, Léandre, Rodolphe -issus du théâtre italien- s’aiment et se déchirent, sans que jamais le drame ne prenne le dessus car on est en plein carnaval et tout ici n’est que jeu de masques et de miroirs
Pour fuir leur rivaux, Isabelle et Léandre pénètre dans un théâtre où se joue l’Orfeo nell’inferi auquel à leur côté nous assistons, tandis qu’avant et après se joue leur histoire.
Entre commedia dell’arte et opéra italien, la danse rythme le carnaval qui bat son plein dans les rues et vient sans cesse interrompre l’action.
Hervé Niquet entraîne le Concert Spirituel et les chanteurs avec un enthousiasme fougueux dans des tempi endiablés jusqu’à l’ivresse. Sous sa direction précise et enflammée, le Carnaval de Venise est une fête multicolore. Dans cette œuvre ambigüe, aux lisières du drame et de la fête, musiciens et chanteurs, nous font plonger au cœur de l’illusion. Ils nous rendent avec vitalité la fantaisie des jeux de masques et avec malice jouent la tragédie pour mieux la déjouer d’une pirouette.
Campra ne pouvait pas mieux être servi que par les interprètes réunis ici. Trois basses magnifiques tiennent les rôles principaux masculins. Alain Buet, fait de Léandre, l’amant comblé, un personnage débonnaire et courtois. Dans le Trio italien, Luci belle dormite son timbre se fait aussi envoutant que la flûte qui l’accompagne pour mieux ensorceler le sommeil. Andrew Foster-Williams campe un Rodolphe à la violence théâtrale. Luigi De Donato est lui un Plutone au timbre aussi sombre que les enfers.
Parmi les autres interprètes masculins, on retiendra tout particulièrement le haute-contre Mathias Vidal. Il interprète plusieurs rôles en caractérisant chacun d’entre eux avec brio. Il se travestit du rire aux larmes avec un plaisir communiquant. Dans le rôle d’Orfeo, son phrasé nous charme autant que Pluton dans le récitatif accompagné Dominator dell’ombre, et l’enivrement de ses vocalises dans son aria Vittoria, mio cuore, fait d’Orphée un personnage de comédie.
La distribution féminine est d’une luminosité méditerranéenne. Salomé Haller, séduit dans le rôle d’Isabelle. Son timbre rayonnant et sa diction parfaite, donne au personnage ce mélange de légèreté et de fragilité idéal pour son personnage. Dans l’air «Mes yeux fermez vous à jamais, elle seule parvient à suspendre la fête, le temps d’un de ces rares instants auquel on peut s’abandonner. La mezzo italienne Marina De Liso, donne aux couleurs tragiques de la jalouse Léonore, la violence du dépit avec un art consommé de la rouerie féminine. Sara Tynan est une tendre Euridice, au timbre d’une clarté aussi limpide que l’onde du clavecin dans le récitatif accompagné Lungi da me, martiri. L’insolence fluide de ses vocalises dans l’aria Per piace al mio ben est un moment de pur enchantement. Blandine Staskiewicz par la rondeur de son timbre est Un’ombra Fortunata ensorcelante. Les chœurs du Concert Spirituel et les chantres du Cmbv apportent une dynamique et une splendeur festive et chamarrée.
La prise de son ample et naturelle ne peut qu’être louée. Le magnifique livret qui accompagne cet album est à lui seul une petite merveille à savourer sans modération. Ces trois auteurs nous initient avec ferveur et rigueur, au monde de Campra.
Le Carnaval personnage à part entière vous entraîne ici au cœur de la fête, de l’autre côté des miroirs… dans une Venise aux couleurs de Tiepolo. La fête bat son plein et vous entraîne dans la danse, au cœur des théâtres, ou la tragédie n’est jamais qu’un jeu.
Monique Parmentier
2 CD Glossa
Publié le 19/08/2011 à 17:31, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.