France 1789

Révolte en musique d’un sans-culotte & d’un royaliste
Les Lunaisiens
Arnaud Marzorati & Jean-François Novelli

Entourés d’une fine équipe de musiciens et de chanteurs, le baryton-basse Arnaud Marzorati et le ténor Jean-François Novelli cofondateurs de l’ensemble les Lunaisiens redonnent ici à un répertoire somme toute assez banal des lettres de noblesse inattendues.
La musique de la France de 1789 et des cinq-six années qui suivirent est avant tout celle de la chanson sous toutes ses formes. Quelle soit paillarde ou raffinée, politique ou truculente, aristocrate ou sans-culotte, elle vibre aux soubresauts de la rue et d’un quotidien d’une rare précarité pour tous. La violence est permanente, la musique n’est tout au plus qu’un dérivatif pour oublier la mort qui rôde partout. Décomplexée la haine triomphe et ceux qui périssent ne sont plus que les jouets d’une nation qui après avoir tué le père (Louis XVI) tente de se reconstruire sur des fondements biaisés, oubliant ou s’en moquant (Déclaration des droits de l’homme par Marchant) les idéaux qui ont guidés les premiers citoyens de cette nouvelle nation.
Des plus connus comme Gossec, Méhul ou Cherubini aux chansonniers anonymes tous ont participé à l’existence de ce répertoire tombé dans l’oubli depuis. Et ce sont les musiciens et les chanteurs talentueux de l’ensemble des Lunaisiens qui lui donne des couleurs d’une vie surprenante pas son réalisme. Aucune joliesse, ici la matière est brute et les chanteurs-acteurs s’en donnent à cœur joie pour mieux nous faire percevoir la violence ou l’obscénité des situations. La poésie rousseauiste semble frelatée par cette mort qu’appelle et chante ce jeune marquis (Entends ma voix, finis mes mots) qui ne peut aller contre la fatalité. Les mots sont cinglants et les talents de comédien et de chanteur d’Arnaud Marzorati nous livrent cette rumeur qui enfle et emporte tout y compris la terreur. Il est d’une incroyable et effroyable justesse dans les nuances de La Trahison punie. Quant aux ténors, Jean-François Novelli en tête, ils savent également trouver le ton juste qui fait que jamais on ne s’ennuie, tant chaque chanson possède ici sa personnalité. L’une des grandes trouvailles de cet enregistrement, rendue possible grâce à la complicité du Musée de la cité de la musique à Paris, ce sont les instruments. D’un piano organisé au serpent, en passant par le clavecin, le flageolet et les percussions tous possèdent un caractère affirmé et les musiciens savent nous en offrir les couleurs les plus vives comme les plus acides et les plus tendres.

Cet enregistrement bénéficie d’une prise de son naturelle et d’un livret très bien documenté qui aiguisera votre curiosité sur une partie de notre histoire trop souvent galvaudée par un héroïsme de pacotille.
Il faut donc ici saluer le travail des interprètes plus que la beauté formelle d’un répertoire qui d’ailleurs n’y prétend pas.

Monique Parmentier

1 CD Alpha



Publié le 05/08/2011 à 09:02, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.