Un Camino de Santiago

Arianna Savall – Jean Tubéry
Ensemble la Fenice

Le voyage auquel nous invite Jean Tubéry dans ce CD n’est pas seulement celui des routes du pèlerinage de Compostelle et de ses rencontres musicales propres à chaque ville ou région traversées mais un parcours intérieur qui nous envoute par son mystère, ses joies et ses peines.
Ce projet qui lui tenait tant à cœur, Jean Tubéry l’a donc mené à bien, grâce au label Ricercar. Il a écrit le texte qui accompagne ce CD telles des notes de voyages. Si ce pèlerinage est atemporel, la carte qui illustre le livret date de 1648, année de signature du Traité de paix de Wesphalie qui voit la fin de la guerre de 30 ans. Il nous entraîne ainsi en cette période extrêmement troublée du XVIIe siècle où les pèlerins sont très nombreux à suivre l’une de ces routes qui y sont indiquées et qui doivent les mener au tombeau de Saint-Jacques.
Sur ces chemins dangereux en quête de réponses aux angoisses du temps, à chaque étape la musique permet aux hommes de se rencontrer, de dialoguer sans le handicap de la langue. Celles que nous entendons ici ont pu être partagées par ces voyageurs. La voix ensorcelante d’Arianna Savall accompagné par l’orgue entonne le Procendens Jesus, vidi Jacobum, qui résonne comme un appel. La parodie spirituelle qui reprend des mélodies populaires, de la Monica aux obsédantes jacara, séduit pour mieux nous faire oublier la peur de l’étranger et de l’ailleurs. La musique apaise, réjouit, fait miroiter comme la harpe dont s’accompagne Arianna Savall, les sources d’une vie qui se satisfait de peu (Bienheureuse est une âme). Les cloches sonnent les heures d’un temps qui s’égrène sans se compter vraiment. Et au-delà des mots, l’altérité devient un bien commun qui rapproche. Les musiciens composent le chœur des pèlerins qui fait de la rencontre un moment unique, où chacun reprend des forces face à cet inconnu que désigne l’horizon. Les instruments colorent de charmes aussi rares que précieux chaque pièce. Flutes, théorbe, guitare, clavecin ou orgue nous permettent de goûter, de ressentir ce que le voyageur vit, voit, entend et toutes les vibrations intérieures de son être. Nous passons ainsi de la mélancolie solitaire (N’espérez plus mes yeux) à la joie d’un Noël occitan, de l’orgue abyssal de Procedens Jesu à cette flûte primesautière de Gaïta spañola. Ce CD généreux et magnifique bénéficie d’une prise de son naturelle, souple et lumineuse. Il nous restitue avec art aussi bien le velours du cornet et du basson que le timbre limpide d’Arianna Savall. Alors pas l’ombre d’une hésitation, la Fenice nous offre une fois de plus un album source de plaisir et de beauté. Vous serez ensorcelé par cette Jacara enivrante qui attend le voyageur au bout de la route.

Monique Parmentier

1 CD Ricercar



Publié le 23/05/2011 à 11:19, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.