Requiem

Wolfgang Amadeus Mozart
Currentzis
Simone Kermes, Stéphanie Houtzel, Marcus Brutscher, Arnaud Richard. MusicAeterna and The New Siberian Singers

Il est des œuvres si célèbres qu’elles peuvent donner la nausée si l’interprétation ne relance pas l’intérêt. Le Requiem de Mozart plus qu’aucune autre est de celles-là. Combien de versions discographiques saturent les bacs des disquaires et les pages Internet, les concerts professionnels et amateurs? Elles sont innombrables, tant romantiques, que classiques ou baroques. Qui n’a pas sa version ou ses versions de référence? Alors une de plus, à quoi bon?
Cet enregistrement fait l’effet d’un feu baroque consumant la vie même. Le chef Théodor Currentzis est aussi original que génial. Ici il arrive à faire vibrer l’auditeur le plus blasé. Tempi à l’énergie irrésistible, nuances vertigineuses, couleurs crues et frappe du bois de l’archet au besoin ou bruits évoquant des os secoués, tout fait théâtre ici, mais théâtre de chair et de larmes. Larmes de joie devant cette audace si mozartienne enfin évidente et cette peine si commune devant les effets de la mort.
Le chœur est magnifique et ose des nuances inouïes. Les solistes sont a contrario comme surnaturels et hors du monde surtout le soprano adamantin de Simone Kermes qui évoque par la pureté de sa projection la regrettée Teresa Stich-Randall. La basse Arnaud Richard impressionne par un timbre noir et une autorité rare. Le ténor Marcus Brutscher est clair et parfaitement projeté, parfait mozartien. La mezzo-soprano Stéphanie Houtzel est digne de ces collègues apportant solidité et justesse de ton. Un quatuor vocal de choc!
Gardons pour la fin le meilleur, un orchestre de feu et de flamme et une direction qui n’est rien moins que fulgurante. Un Requiem à déconseiller aux âmes sensibles qui ne pourront se remettre du saut vertigineux souvent provoqué par des nuances abruptes mais oh combien en situation, des phrasés amples et envoûtants, une perfection musicale sidérante. Un seul exemple qui laisse sur place toutes les autres versions: dans le Confutatis l’opposition, au sens d’un combat mortel, entre le tutti orchestral et choral et la supplique pianisimo des soprani du chœur qui arracherait des larmes aux pierres elles-mêmes… Et le Lacrymosa comme en décomposition qui l’a jamais osé ainsi? Et, et…

La prise de son absolument superbe nous plonge au cœur du drame et au centre de la Musique! C’est si fort, si prenant que je n’oserai conseiller une écoute au casque sans prendre le risque de succomber de plaisir et de peur mêlés.
Une version à se procurer absolument surtout pour ceux qui croient connaître le Requiem de Mozart! Il n’est pas si fréquent de découvrir un chef d’œuvre de cette ampleur émotionnelle…

Hubert Stoecklin

1 CD Alpha 178. Durée: 46’32’’


Publié le 29/04/2011 à 14:55, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.