Halle aux grains
> 22 mai

Renaud Capuçon et Katia Buniatishvili

Donnant le même concert dans différentes salles de l’hexagone, en hommage à Christian Ferras, dont ils ont enregistré le programme dans un CD, les deux artistes proposent trois sonates en ordre chronologique inversé, d’abord Bartok, Sonate 2, puis Enesco, Sonate 3 en la mineur, et enfin César Franck, Sonate en la majeur. Deux virtuoses totalement différents: autant le violoniste est dans la subtilité et la finesse, autant la pianiste donne le sentiment de vivre une sorte de duel avec son instrument qu’elle brutalise parfois. Elle se maîtrise sans doute plus qu’à ses débuts et elle est capable de nuances, mais souvent son tempérament est le plus fort, ce qui laisse la place à une technique éblouissante, mais est peu propice à l’émotion que Renaud Capuçon lui fait naître au bout de son archet, quelle que soit la partition. Pourtant, même quand on connaît les œuvres proposées, elles ne sont pas pour autant toujours très accessibles en particulier la sonate de Bartok, aux sonorités gutturales, hachées, plongeant ses racines dans cette tradition hongroises que Bartok recherchait avec tant d’ardeur, alors que celle d’Enesco, que le compositeur a rattachée à la tradition populaire roumaine, et plus encore celle de Franck sont plus faciles d’accès. Cette dernière, composée par Franck pour le grand Eugène Ysaye, a d’ailleurs inspiré Proust pour la Sonate de Vinteuil, notamment lorsque qu’elle était interprétée par Enesco. Cette dernière œuvre est d’une extraordinaire richesse, elle porte en elle une pureté qui l’a faite rapprocher d’œuvres religieuses. Composée alors que Franck avait passé la soixantaine, cette sonate est à certains égards un testament musical qui réunit ce qu’il a de meilleur.
Une soirée intéressante, peut-être plus qu’une vraiment belle soirée.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 31/05/2013 à 16:06, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.