Philippe Jaroussky

Schubert : Lieder
CD Erato

Les admirateurs de Philippe Jaroussky l’ont découvert virtuose éblouissant dans des airs acrobatiques, «redécouvreur» d’œuvres oubliées italiennes ou françaises, mais on n’avait pas eu l’occasion de l’entendre aborder le répertoire romantique. Il a choisi 19 Lieder de Schubert, faisant alterner les «tubes», comme la Truite ( 6), une des premières musiques à programme ou l’Ave Maria ( 18, avec des opus moins connus que l’on découvre ou redécouvre avec bonheur. L’exquise délicatesse de Schubert ses moments de mélancolie comme ceux de joie profonde trouvent en Jaroussky un interprète sensible et raffiné, par exemple dans le très émouvant Du bist die Ruh ( 3), dans lequel le poète implore sa bien-aimée de bannir toute douleur. Il faut que l’angoisse disparaisse tandis que se profile la consolation d’un bonheur futur. Je retiens aussi le merveilleux An die Musik ( 9) qui combine la peur du malheur transcendée par l’espoir du bonheur qui l’emporte musicalement. Malgré sa vie personnelle difficile, Schubert avait une sorte de passion pour la beauté, la joie, le bonheur qu’il a su traduire de manière sublime.
Schubert a su choisir des poèmes dont le sens des mots, leur rythme lui inspirent une expression musicale subtile et délicate. Elle est apparemment simple, mais en fait , à l’instar de certaines pièces pour piano souvent massacrées par les débutants qui en maîtrisent à peu près la technique, en ne comprenant rien à l’essentiel, sa construction est souvent allusive, mais exprime la complexité de la vie, des sentiments que le compositeur ressent profondément, allant volontiers au-delà de l’expression littéraire plus maîtrisée, ainsi Im Abendrot d’après un poème de Lappe évoque le coucher du soleil et la fin de toute chose avec l’espoir du lendemain…
Philippe Jaroussky parvient parfaitement à se glisser dans ce nouveau répertoire, sa voix retrouve une fraîcheur juvénile que les acrobaties baroques avaient fait un peu oublier. Il rappelle même ces voix du chœur de la Sankt Thomas Kirche de Leipzig pour qui Jean-Sébastien Bach composait ou des Wienersängerknaben. Il nous emmène dans une sorte de voyage fait d’harmonie, de douceur et de passion qu’il entend nous faire partager. On monte sans hésiter dans ce train-là.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 09/06/2025 à 19:51.