Buxtehude et Dayer

Buxtehude: Membra Jesu nostri et Dayer: Afin que le lion ne l’attaque pas. CD Aparté.

Les univers contrastés de deux compositeurs se rencontrent dans cet enregistrement. Au cycle de cantates Membra Jesu nostri de Dieterich Buxtehude répond une œuvre de Xavier Dayer, né en 1972 et intitulée Afin que le lion ne l’attaque pas.
Stephan MacLeod a demandé à Xavier Dayer de composer cette œuvre en vue de la jouer enchâssée dans cet ensemble de 7 cantates baroques.
Il faut déjà relever la particularité de ces courtes cantates de Buxtehude. Chacune d’elle fait référence à une des plaies du corps du Christ supplicié sur la croix. Les titres sont très explicites: Ad pedes (Aux pieds), Ad genus (Aux genoux), Ad manus (Aux mains), etc. L’auditeur est ainsi invité à méditer sur chacune des parties du corps du Christ.
Chaque cantate est une miniature, s’ouvrant par une sonata instrumentale et suivie d’enchaînements de courts airs et chœurs. Ici, cinq chanteurs tiennent les rôles de solistes et du chœur lorsqu’ils sont réunis. Les voix sont captées avec beaucoup de précision. Cette belle prise de son les magnifie. Il en est de même pour le petit groupe de cordes et le continuo qui les accompagne. L’interprétation donne à entendre le discours de manière totalement limpide. Le caractère intimiste de l’œuvre est parfaitement restitué et nous avons le sentiment d’être au milieu des musiciens que nous entendons et suivons tous avec clarté.
En regard de cette œuvre baroque est proposée celle, actuelle, de Xavier Dayer. On y retrouve les mêmes voix que dans les cantates, mais le groupe instrumental qui les accompagne est constitué de 3 quintettes constitués de vents, de violes de gambe, d’un continuo avec 2 violons. L’œuvre s’appuie sur un texte écrit par Xavier Dayer lui-même. Il explique qu’il «compose les sons du texte comme ceux de la musique». Effectivement, c’est la musique des mots qui est ici mise en avant, le sens lui-même semblant passer au second plan.
Le langage musical, bien évidemment contemporain, reste somme toute assez simple et franchement accessible. Les instruments et les voix se fondent dans des blocs sonores inouïs au sens premier du terme. La performance des chanteurs est remarquable: la justesse est parfaite alors que les voix doivent aller dans des registres parfois extrêmes et suivre des intonations complexes. Durant 30 minutes, Xavier Dayer et ses interprètes nous amènent dans un univers radicalement différent de celui de Buxtehude, mais ce contraste nourrit chacune des 2 œuvres et les met mutuellement en valeur.
C’est donc un beau projet dont nous écoutons ici l’aboutissement, cet enregistrement intervenant après une série de quatre concerts données en 2021 en Suisse et en France.

Pierre-Jean Schoen
Publié le 03/06/2025 à 11:29.