Théâtre du Capitole
> 16 mai

Der fliegende Holländer

Photographies par Mirco Magliocca
Sous la direction de Frank Beermann, que les Toulousains ont déjà pu apprécier dans Elektra, Rusalka, Tristan et Isolde et La Femme sans ombre, le Vaisseau fantôme, titre français de l’opéra qui fait vraiment décoller la carrière de Richard Wagner, se révèle un spectacle d’une rare intensité.
Le choix des décors et de la mise en scène de Michel Fau, déjà bien connu des Toulousains, est très classique dans la ligne de ce que le compositeur aimait dans le premier acte. Le capitaine rentre chez lui, mais doit mouiller dans une crique pour échapper à la tempête, lorsque surgit le vaisseau du Hollandais. Frappé de malédiction, le Hollandais doit errer sur les mers, ne peut aborder qu’une fois tous les sept ans. Il pourra échapper à la malédiction si une jeune fille l’aime et lui reste fidèle jusqu’à la mort. Moyennant un lourd coffre de bijoux et pierres précieuses, le très intéressé capitaine Daland propose sa fille Senta qu’il lui fera rencontrer dès la fin de la tempête. Senta va accepter, bien qu’elle soit la promise d’un pêcheur local. Le marin maudit la voit lui parler, se pense trahi et remonte sur son bateau pour poursuivre son errance. Désespérée, Senta le rejoint, meurt mais le sauve et ils montent au ciel. Le décor des actes suivants est fait d’un énorme cadre, allusion au portrait du marin maudit que Senta contemplait, derrière lequel les bateaux se profilent. L’espace disponible est alors réduit, entraînant une mise en scène assez linéaire, notamment pour le célèbre chœur des fileuses. On peut le regretter, mais vêtues des somptueux costumes imaginés par Christian Lacroix elles sont une ligne chatoyante entre les deux mondes que le cadre délimite: le maudit la franchit, suivi par Senta, tandis que Daland et ses marins reviennent. Le diable ajoute sa touche d’horreur incarné par un acrobate tout de rouge vêtu. La symbolique ne manque pas de puissance.
La musique, chef, chanteurs et instrumentistes sont absolument sublimes. L’orchestre comme le choeur, qui au fil des années, ont consolidé leur expertise dans la musique allemande, sont en parfaite symbiose avec le chef qui a fait le choix de souligner que le Vaisseau fantôme, même s’il conserve des traces du bel canto alors en vogue laisse entrevoir l’évolution du compositeur vers un modèle qu’il voulait spécifiquement allemand, mêlant théâtralité et musique, ce qu’a longtemps incarné sa cantatrice fétiche, Wilhelmine Schröder-Devrient.
Les trois grands rôles sont interprétés de manière magistrale. Il faut souligner la prestation extraordinaire d’Ingela Brimberg qui campe une Senta pleine de force et de sensibilité, ce qui n’est pas évident, compte tenu des prouesses vocales que requiert le rôle. Jean Teitgen est bien méprisable avec sa passion pour l’argent qu’il place avant sa fille qu’il livre au Hollandais, Aleksei Isaev, à la fois diabolique et touchant. Leurs échanges pleins de fureur d’un côté et de rouerie de l’autre sont d’une très grande qualité. Valentin Thill, le pilote qui s’endort à la barre, Eugénie Joneau, une Mary grognon sinon acariâtre, et enfin Airam Hernandez, qui réussit sa prise de rôle en Erik, sont convaincants. La majorité d’entre eux sont des habitués du Théâtre du Capitole. La direction les rappelle régulièrement pour la plus grande joie des spectateurs.
Le public est absolument enthousiaste et de nombreux rappels saluent les artistes, sans oublier le concepteur des décors, Antoine Fontaine, Joêl Fabing aux lumières et bien sûr Christian Lacroix, qui a aussi fort bien conçu les costumes masculins, austères et inquiétants.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 03/06/2025 à 11:21, mis à jour le 03/06/2025 à 11:24.