Théâtre du Capitole
> 31 janvier

Orphée aux Enfers

Le plus français des Parisiens, allemand avant d’être naturalisé, a enchanté le public parisien par ses opérettes. Son talent, son imagination, son heureuse rencontre avec des librettistes foisonnant d’idées dans une période de croissance sont le support de sa réussite. Pourtant, rien n’était gagné, car la règlementation et les monopoles au profit du seul opéra traditionnel limitent fortement les possibilités de création. L’abrogation de ces normes a permis à Jacques Offenbach de proposer au public, ravi, des spectacles complets, marqués au premier degré par la dérision et une douce folie pour récupérer l’histoire et la transformer au gré de ses fantaisies. La mythologie, source classique de l’opéra, est revue avec une fantaisie débridée, les textes sont facilement provocateurs, voire insolents. On tourne en dérision les puissants et, dans une joyeuse allégresse, on mélange les genres, ce qui demande des capacités exceptionnelles aux artistes, et cela à un moment où les artistes d’opéra comme les danseurs étaient soumis à une gestuelle très ritualisée, chacun restant enfermé dans sa catégorie.
Orphée aux Enfers est l’illustration parfaite de ce nouveau genre, qui suppose des compétences multiples bien mises en valeur par la mise en scène en même temps que les voix sont au service de textes souvent très drôles, exigeant de solides compétences d’acteurs voire de danseurs. Orphée est créé le 7 février 1874 au Théâtre de la Gaité à Paris. L’accueil est plutôt positif, malgré les grincheux qui ne jurent que par le grand opéra, l’espèce existe toujours! Mais ces réserves ont l’effet inverse de celui espéré par leurs auteurs, il faut avoir vu le spectacle. C’est un triomphe. Offenbach était d’autant plus audacieux que quelques années auparavant, Hector Berlioz avait repris le célèbre Orphée et Eurydice de Gluck. Il fallait un sacré culot, il n’en manquait pas!
L’argument est une parodie du mythe antique. Eurydice exècre son mari, aime un berger, en fait Pluton. Orphée jaloux veut s’en venger, mais c’est Eurydice qui est mordue par les serpents destinés au berger qui se révèle être Pluton. Orphée est enchanté, mais est rappelé à l’ordre par l’Opinion publique. Réunis dans l’Olympe, les dieux se chamaillent. Orphée arrive réclamer son épouse, Jupiter décide de descendre aux Enfers pour régler l’affaire. Il tombe amoureux d’Eurydice, se transforme en mouche pour séduire la belle, qui s’ennuie, gardée par John Styx, l’ancien roi de Béotie. L’idée de la mouche a été suggérée par Cupidon. Jupiter réussit et Eurydice accepte de partir avec lui. L’Opinion publique arrive avec Orphée qui réclame sa femme. Il pourra la récupérer s’il ne se retourne pas en quittant les lieux (retour au vieux mythe). Jupiter fait en sorte qu’il se retourne, Eurydice est transformée en bacchante…
Ce résumé simpliste ne rend évidemment pas compte de tous les quiproquos, des danses et acrobaties auxquelles les chanteurs et des danseurs professionnels se livrent, dont un délirant French Cancan.
Cette histoire touche, en riant ou non, la vie amoureuse, le pouvoir et ses turpitudes, Jupiter apparaît en Napoléon III, et tout est prétexte à dérision ou critique plus ou moins grinçante.
Olivier Py répond parfaitement à l’objectif en imaginant des scènes très enlevées, rapides qui mettent le public en joie, admiratif devant les exploits sportifs et vocaux, encore que sur ce dernier point la distribution soit de bonne facture, mais pas exceptionnelle, sauf Eurydice (Marie Perbost), Jupiter (Marc Scoffoni), Vénus (Marie-Laure Garnier), l’Opinion publique (Adriana Bignani Lesca) ou encore Junon (Céline Laborie), qui combinent performances vocales, qualités d’acteurs et de danseurs remarquables. Une fort belle soirée!

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 09/02/2025 à 18:41.