Théâtre du Capitole
> 22 novembre
Le voyage d’automne
Bruno Mantovani
Photographie par Mirco Magliocca
Non sans audace, le Capitole prend le risque d’une création mondiale. S’inspirant de faits réels, Dorian Astor a composé un livret astucieux mis en musique par Bruno Mantovani. Il s’agit du voyage organisé par les services de propagande du IIIe Reich, qui invitent des écrivains français pétainistes à participer au Congrès national des poètes allemands. On retrouve Robert Brasillach, Jacques Chardonne, Ramon Fernandez, Drieu La Rochelle et Marcel Jouhandeau. Ils partagent leur rejet de la France d’avant et leur fascination pour la révolution nationale et la régénération qu’elle est supposée apporter. Ils sont suffisants, portés à l’autocélébration, ce qui n’exclut pas une certaine lucidité. Le personnage de Jouhandeau est particulièrement pitoyable, dévoré de désir pour l’officier allemand Heller, qui en joue avec beaucoup d’ambiguïté. Ils ne veulent voir que ce qui les arrange, ainsi occultent-ils l’exécution de Juifs, balayée de leur champ de conscience. Ajoutons une note ironique grinçante à souhait: les vers des poètes allemands du IIIe Reich sont d’une pauvreté affligeante, façon de souligner l’aveuglement général.
C’est incisif, bien écrit, chargé d’émotion. La mise en scène de Marie Lambert-Le Bihan et les décors d’Emanuele Sinisi sont fabuleux, réussissant le pari de la sobriété pour l’essentiel, sauf autour du personnage de Jouhandeau, veule et «dégoulinant, » le seul qui aille sans doute au-delà du personnage réel, mais c’est sans importance. Les costumes d’Haria Ariemme facilitent une sorte de plongée dans un passé dramatique en jouant sur une symbolique forte. Au-delà d’un horrible fait divers, cette «histoire» dénonce la lâcheté, l’abaissement de soi par vanité et en démonte mes mécanismes avec un scalpel qui n’épargne rien. La condamnation tombe sans appel, certains d’ailleurs n’ont pas échappé à la mort.
La musique en revanche m’a déçue, alors que dans d’autres circonstances l’œuvre de Mantovani m’avait enthousiasmée. Cette fois-ci, je reste sur ma faim. Les chœurs sont satisfaisants , mais pas plus, peut-être est-ce voulu pour ne pas susciter d’impression favorable sur les vers délibérément médiocres des «poètes» allemands, des scribouillards en fait, ce qui souligne encore , si c’était nécessaire, l’aveuglement des poètes français.
En revanche, quelle déception pour les spectateurs et sans doute les solistes eux-mêmes, car si l’on excepte les airs du ministre de la propagande, fabuleusement interprétés par le contre-ténor William Schelton, le compositeur ne fait que peu de place à des airs qui permettent aux chanteurs, pourtant choisis parmi les meilleurs, de donner la pleine mesure de leur valeur et aux spectateurs de l’apprécier. Même les instrumentistes de l’orchestre du Capitole, sous la très belle direction de Pascal Rophé, ont dû parfois se sentir frustrés par une instrumentation évoquant plutôt l’opéra chinois qui déchire les oreilles, par des cris successifs. La dissonance peut être sublime, mais quand elle est essentiellement agressive, on entre plus difficilement dans le jeu. Dommage…
Danielle Anex-Cabanis
C’est incisif, bien écrit, chargé d’émotion. La mise en scène de Marie Lambert-Le Bihan et les décors d’Emanuele Sinisi sont fabuleux, réussissant le pari de la sobriété pour l’essentiel, sauf autour du personnage de Jouhandeau, veule et «dégoulinant, » le seul qui aille sans doute au-delà du personnage réel, mais c’est sans importance. Les costumes d’Haria Ariemme facilitent une sorte de plongée dans un passé dramatique en jouant sur une symbolique forte. Au-delà d’un horrible fait divers, cette «histoire» dénonce la lâcheté, l’abaissement de soi par vanité et en démonte mes mécanismes avec un scalpel qui n’épargne rien. La condamnation tombe sans appel, certains d’ailleurs n’ont pas échappé à la mort.
La musique en revanche m’a déçue, alors que dans d’autres circonstances l’œuvre de Mantovani m’avait enthousiasmée. Cette fois-ci, je reste sur ma faim. Les chœurs sont satisfaisants , mais pas plus, peut-être est-ce voulu pour ne pas susciter d’impression favorable sur les vers délibérément médiocres des «poètes» allemands, des scribouillards en fait, ce qui souligne encore , si c’était nécessaire, l’aveuglement des poètes français.
En revanche, quelle déception pour les spectateurs et sans doute les solistes eux-mêmes, car si l’on excepte les airs du ministre de la propagande, fabuleusement interprétés par le contre-ténor William Schelton, le compositeur ne fait que peu de place à des airs qui permettent aux chanteurs, pourtant choisis parmi les meilleurs, de donner la pleine mesure de leur valeur et aux spectateurs de l’apprécier. Même les instrumentistes de l’orchestre du Capitole, sous la très belle direction de Pascal Rophé, ont dû parfois se sentir frustrés par une instrumentation évoquant plutôt l’opéra chinois qui déchire les oreilles, par des cris successifs. La dissonance peut être sublime, mais quand elle est essentiellement agressive, on entre plus difficilement dans le jeu. Dommage…
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 03/12/2024 à 20:20, mis à jour le 03/12/2024 à 21:05.