Mozart et Strauss Lieder
Devieilhe et Pordoy
Mozart, Strauss, Lieder. Sabine Devieilhe, soprano, Mathieu Pordoy, piano. CD Erato Warner Classics.
Cela s’appelle la grâce. L’interprétation croisée entre les deux compositeurs viennois de lieder choisis par les deux interprètes s’avère une réussite exemplaire. Musicalité, beauté du timbre pour l’une, du toucher pour le second, justesse du rythme, sensibilité à fleur de peau, amour profond pour les pages élues, légères ou sublimes, subtilité des nuances, élégance des lignes, absence de mièvrerie, délicatesse de l’expression, dialogue intime, fraternel entre Mozart et Strauss, entre Sabine et Mathieu, les 24 lieder se répondent dans une harmonie nourrie d’échos ou d’appels. Cela s’appelle la grâce.
Dans ce voyage sentimental, spirituel et musical qui va de Mozart à Strauss, l’auditeur, incessamment bercé, amusé, ébloui, recueilli, charmé au sens le plus fort du terme, entend à travers les siècles deux génies de l’art lyrique porter au plus haut degré le pouvoir du chant qui touche l’âme. Choisir c’est déjà briser le charme. Et la conception de l’album même qui fait alterner ici une mélodie de Mozart et une de Strauss, plus loin un bouquet de Strauss et deux pages de Mozart interdit de picorer tant l’ensemble et sa structuration constituent le cœur même de la réussite fusionnelle. Allons cependant des invitations délicieuses de Komm, liebe Zither, komm ( «Viens chère cithare, viens») à l’heure inquiète du crépuscule (Die Nacht) et les cœurs battent à l’unisson. Le rire mutin des «Jeux d’enfanst» rejoint le vers final pirouettant de «Rien». Le vibrant violon de Vilde Frang apporte à Morgen un incomparable frémissement que la voix de Devieilhe pare des couleurs les plus tendres. Et peut-on chanter – le terme vaut pour la voix comme pour le piano – avec plus de délicieuse aménité «Oiseaux, si tous les ans?» (Mozart sur un texte en français) que prolonge un piquant Schlangen Herzen ? La fine interprète de Strauss (Zerbinette dans Ariane à Naxos) met sa virtuosité virevoltante, sa technique incomparable, la fraîcheur de la voix au service d’un «Amour» malicieux ou d’une brassée de «fleurs de jeunes filles» (Mädchenblumen) éclatantes. Et le jeu de miroirs conçu par les interprètes multiplie les reflets où la joie s’ombre souvent d’une douce mélancolie. La première section de la «Dédicace d’hiver» (Winterweilhe) est l’acmé du disque par sa splendeur vocale, la puissance émotionnelle qu’elle crée, par la «lumière intérieure» dont elle nous éclaire. «Ainsi s’enfuient les plus belles heures de la vie/ Qui s’envolent comme en dansant. ». «Ces Pensées du soir» mises en musique par Mozart, au final de cet album admirable célèbrent le pouvoir mystérieux de l’art entre sourire et larmes. Merci à Sabine Devieilhe et à Mathieu Pordoy, qui avaient éprouvé leur union complice lors de récitals publics, de nous avoir conviés à partager ces émotions rares. La joie serait grande de les retrouver en concert.
Jean Jordy
Cela s’appelle la grâce. L’interprétation croisée entre les deux compositeurs viennois de lieder choisis par les deux interprètes s’avère une réussite exemplaire. Musicalité, beauté du timbre pour l’une, du toucher pour le second, justesse du rythme, sensibilité à fleur de peau, amour profond pour les pages élues, légères ou sublimes, subtilité des nuances, élégance des lignes, absence de mièvrerie, délicatesse de l’expression, dialogue intime, fraternel entre Mozart et Strauss, entre Sabine et Mathieu, les 24 lieder se répondent dans une harmonie nourrie d’échos ou d’appels. Cela s’appelle la grâce.
Dans ce voyage sentimental, spirituel et musical qui va de Mozart à Strauss, l’auditeur, incessamment bercé, amusé, ébloui, recueilli, charmé au sens le plus fort du terme, entend à travers les siècles deux génies de l’art lyrique porter au plus haut degré le pouvoir du chant qui touche l’âme. Choisir c’est déjà briser le charme. Et la conception de l’album même qui fait alterner ici une mélodie de Mozart et une de Strauss, plus loin un bouquet de Strauss et deux pages de Mozart interdit de picorer tant l’ensemble et sa structuration constituent le cœur même de la réussite fusionnelle. Allons cependant des invitations délicieuses de Komm, liebe Zither, komm ( «Viens chère cithare, viens») à l’heure inquiète du crépuscule (Die Nacht) et les cœurs battent à l’unisson. Le rire mutin des «Jeux d’enfanst» rejoint le vers final pirouettant de «Rien». Le vibrant violon de Vilde Frang apporte à Morgen un incomparable frémissement que la voix de Devieilhe pare des couleurs les plus tendres. Et peut-on chanter – le terme vaut pour la voix comme pour le piano – avec plus de délicieuse aménité «Oiseaux, si tous les ans?» (Mozart sur un texte en français) que prolonge un piquant Schlangen Herzen ? La fine interprète de Strauss (Zerbinette dans Ariane à Naxos) met sa virtuosité virevoltante, sa technique incomparable, la fraîcheur de la voix au service d’un «Amour» malicieux ou d’une brassée de «fleurs de jeunes filles» (Mädchenblumen) éclatantes. Et le jeu de miroirs conçu par les interprètes multiplie les reflets où la joie s’ombre souvent d’une douce mélancolie. La première section de la «Dédicace d’hiver» (Winterweilhe) est l’acmé du disque par sa splendeur vocale, la puissance émotionnelle qu’elle crée, par la «lumière intérieure» dont elle nous éclaire. «Ainsi s’enfuient les plus belles heures de la vie/ Qui s’envolent comme en dansant. ». «Ces Pensées du soir» mises en musique par Mozart, au final de cet album admirable célèbrent le pouvoir mystérieux de l’art entre sourire et larmes. Merci à Sabine Devieilhe et à Mathieu Pordoy, qui avaient éprouvé leur union complice lors de récitals publics, de nous avoir conviés à partager ces émotions rares. La joie serait grande de les retrouver en concert.
Jean Jordy
Publié le 01/10/2024 à 20:37.