Loïc Mallié, orgue

Livre du Saint Sacrement, O. Messiaen
CD Hortus

Olivier Messiaen est un homme à plusieurs facettes. On connaît bien entendu l’immense compositeur, mais aussi l’organiste dévoué à sa tribune de l’église de la Trinité à Paris, enfin l’ornithologue qui a parcouru le monde avec un magnétophone pour enregistrer des chants d’oiseaux qu’il transcrivait dans ses œuvres.
Ce sont ces trois aspects que l’on retrouve dans le Livre du Saint Sacrement. Composé en 1984, cet ensemble de 18 pièces pour orgue s’appuie sur un propos religieux. Chaque pièce évoque un épisode de la vie du Christ ou un dogme théologique de l’Église.
Olivier Messiaen se définissait lui-même comme un fervent croyant et son service dévoué durant 61 ans au grand-orgue de la Trinité en est un signe marquant. L’orgue est bien évidemment son instrument de prédilection, celui qu’il pratiqua si longtemps et dont il connait le moindre secret.
Cet enregistrement est émouvant pour deux raisons principales.
La première est le lien qu’avait Loïc Mallié, organiste et interprète de ce CD, avec le maître. Élève d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris, il est sans doute un des interprètes les plus légitimes pour nous restituer cette œuvre au plus près des désirs de son compositeur.
La seconde est l’orgue choisi pour cet enregistrement, “l’orgue de Messiaen”, celui de l’église de la Trinité où Loïc Mallié a été également organiste titulaire. En effet, chaque pièce a été pensée pour cet instrument, pour ses jeux spécifiques. On peut donc dire que l’on entend ici l’œuvre exactement comme Messiaen l’a pensée en ce qui concerne les registrations.
Loïc Mallié nous livre donc une interprétation totalement magistrale. Inutile de dire qu’il relève avec un brio incontestable les énormes défis de virtuosité de l’œuvre. Il nous conduit à travers ce monument musical dans des moments intimistes et recueillis, dans d’autres jubilatoires et grandioses, toujours avec justesse et sans aucune emphase inutile.
C’est également un vrai plaisir que d’écouter cette œuvre qui semble résumer les princpiaux styles d’écriture de Messiaen. On reconnaît son langage musical si caractéristique, émaillé de multiples chants d’oiseaux dont les noms sont très précisément indiqués sur la partition lors de leurs apparitions, par exemple: “Bulbul des jardins, Judée”, “Iranie à gorge blanche”, ou encore “Étourneau de Tristram, entre Massada et la Mer Morte”.
On reste étonné et émerveillé par ces harmonies si complexes qui aboutissent sur des accords majeurs éclatants, alors qu’à d’autres moments les “modes de valeurs et d’intensité” s’inspirent de l’écriture sérielle. Diversité à l’image d’un compositeur qui, bien que musicien d’église, ne voulait pas être catalogué ou enfermé dans une chapelle!
Loïc Mallié conclut cet enregistrement qui occupe 2 CD par une improvisation, art dans lequel s’essaient de nombreux organistes. Notre interprète fait partie des plus grands et nous le prouve ici. Sans chercher à imiter Messiaen, il reste dans un univers proche mais qui lui est personnel et l’orgue de la Trinité est à nouveau magnifié.
À l’issue de l’écoute de ces CD, d’une durée proche de 2 heures, on a envie de renouveler l’audition pour continuer à entrer dans la profondeur de cette interprétation.
Bravo donc à Loïc Mallié pour son interprétation magnifique, et une mention spéciale à Vincent Genvrin, directeur artistique que l’on a déjà trouvé à ce rôle dans d’autres CD d’orgue d’Hortus.
En conclusion, relevons un curieux hasard: Messiaen a composé cette œuvre à l’âge de 76 ans, âge de Loïc Mallié en 2023, lors de cet enregistrement… !

Pierre-Jean Schoen
Publié le 04/09/2024 à 20:33.