Irakly Avaliani, piano

Franz Schubert
Sonate 17, D. 850. CD Soupirs Editions.

Cette grande sonate constitue pour partie une exception dans l’œuvre de Franz Schubert souvent marqué par une profonde mélancolie, qui tient à ses constantes difficultés matérielles. Chassé de la maison familiale par son père, parce qu’il refusait d’exercer le métier d’instituteur auquel son père le destinait, il connaît maint problème que sa non-reconnaissance aggrave en plus de lui causer une forte angoisse sur ses capacités. Il a toujours le sentiment d’avoir été privé de la «petite» place qui aurait dû lui revenir. Pourtant quelques amis chers sont très présents et tentent de le réconforter. Par l’intermédiaire de l’un d’entre eux, Schubert, il a fait la connaissance du célèbre baryton Johann Michael Vogl, qui s’enthousiasme pour ces compositions et chante avec bonheur les plus beaux Lieder du compositeur qui l’accompagne lui-même au piano. Ensemble, et de façon exceptionnelle pour Schubert qui ne quittait guère Vienne, ils partent à l’été 1825 pour passer quelques temps dans les Alpes autrichiennes. Schubert a exprimé son émerveillement face à une nature qui le fascine, l’inspire et l’apaise. Il est pleinement heureux et la Sonate en ré majeur est en quelque sorte l’expression musicale de sa joie dans la communion avec une nature qui le séduit.
Quand on la compare aux autres sonates de Schubert, on ne peut manquer d’être impressionné par son caractère à proprement jubilatoire. Alors qu’il était souvent dominé par la mélancolie, sa peur de la mort, Schubert apparaît heureux, en harmonie avec son environnement naturel et affectif. Il l’écrit clairement dans une lettre à son frère Ferdinand, exprimant des sentiments voisins de ceux du poète Novalis mort en 1801 à 29 ans, dont il mit en musique plusieurs œuvres.
Le pianiste géorgien Irakly Avaliani, que l’on entend rarement en concert en propose une interprétation dans une ligne dominée par des émotions très extériorisées. La posture étant admise, c’est une belle lecture de Schubert, bien que cela ne soit pas celle que je préfère. Alfred Brendel me semble plus en phase avec le compositeur. Partant avec un allegro vivace, compositeur et pianiste nous emmènent avec fougue dans ce qui pourrait être une chevauchée, thème que Schubert aimait – que l’on songe au roi des Aulnes. Le second mouvement, un Andante con moto, se construit comme une ascension qui s’achève par un temps de contemplation, tandis que le Scherzo, allegro vivace, joue d’abord en puissance sur une alternance de rythmes binaires et tertiaires, qui précède un trio rêveur pour se conclure en douceur, comme pour oublier les élans qui ont précédé. Le 4e mouvement, un rondo, allegro moderato, se veut une évocation de paysages en quelque sorte concrète avant de se transformer en hymne final à la beauté.
Un beau CD, même si on peut préférer d’autres interprétations plus intimistes. Depuis la chute du mur, le pianiste vit à Paris, ne donnant que quelques rares concerts, mais enregistrant beaucoup.

Danielle Anex-Cabanis

Site Web de l’artiste: iraklyavaliani. com
Publié le 18/06/2024 à 20:57.