Alas, Musiques argentines
Di Giusto, Sivak, Rossi, Ginastera
Alas. Œuvres de Gerardo Di Giusto, Gabriel Sivak, Alejandro Iglesias Rossi, Alberto Ginastera. Patrick Cardenas, violoncelle, Alexis Cardenas, violon, Orchestre de Lutetia, Alejandro Sandler, conductor. CD Evidence.
Le pays des compositeurs élus – l’Argentine –, les quatre pages rassemblées dont trois premiers enregistrements mondiaux, les associations d’instruments et de sonorités, tout apparait original dans cet album qui s’envole sur les ailes (Alas) des mélodies et des rythmes argentins. La première page qui donne son titre au CD est signée de Gerardo Di Giusto, musicien contemporain qui, selon les termes de l’éclairante notice, «traverse les univers du jazz, du classique et de la musique populaire». Sorte de double concerto à l’unique mouvement pour violoncelle, violon et orchestre à cordes, Alas balance entre une danse alerte, fougueuse, inspirée du malambo, et un mouvement lent, plus lyrique, qu’on apparente à la baguala. L’inspiration populaire est patente, mais transcendée par des savantes harmoniques, des glissandi de cordes mystérieux, des échos de sonorités troublants qui apparaissent comme des temps de méditation pris à nouveau dans le tourbillon vainqueur. Descaminos de Gabriel Sivak, compositeur et pianiste franco-argentin, en accord avec son intitulé déroute. D’emblée, l’oreille est saisie, comme happée par des tremblements profonds au violoncelle que prolongent d’étranges appels. Puis le violoncelle virtuose de Patrick Cardenas cherche à tracer sa route dans un dédale fantastique. Il s’agit bien ici d’un voyage intérieur qui est aventure sonore, recherche dont la seconde partie semble exprimer l’impulsion salvatrice. On nous dit que la fin «évoque le vent d’une nuit étoilée dans la Pampa». On y entend surtout l’élévation et la puissance d’une expérience spirituelle exaltante malgré les doutes. L’Orchestre de Lutetia sous la direction subtile d’Alejandro Sandler sait lui donner sa densité et son étrangeté. Alejandro Iglesias Rossi, sans doute le plus joué des trois compositeurs contemporains ici réunis, ne recherche pas la facilité avec sa pièce Llorando silencios. On lira dans le livret les interprétations symboliques, voire mystiques de cette page en six temps. Elle permet au violon inspiré d’Alexis Cardenas et à ses partenaires de faire surgir des fonds ancestraux des appels, des cris, des sanglots. Entre douleurs et apaisements, l’œuvre trouble et interroge. Alberto Ginastera (1916-1983) devait logiquement conclure l’enregistrement tant il représente la musique argentine du XXe siècle. L’œuvre élue est ses Variations concertantes, op. 23, datant de 1953. Du thème initial pour violoncelle et harpe à la dernière variation en mode de rondo pour tout l’Orchestre, défilent les instruments (flûte, clarinette, violon, hautbois, trombone, cor, contrebasse… ) dans des pages brèves, tantôt allègres, tantôt plus tendues, poétiques ou dramatiques. Des univers s’ouvrent de plage en plage et s’épanouissent.
Profondément cohérent, novateur, puissant, exigeant, cet enregistrement superbement servi par ses interprètes est tout sauf pittoresque. Il offre de la musique argentine d’hier et d’aujourd’hui, une vision passionnante qu’on a plaisir à explorer.
Jean Jordy
Le pays des compositeurs élus – l’Argentine –, les quatre pages rassemblées dont trois premiers enregistrements mondiaux, les associations d’instruments et de sonorités, tout apparait original dans cet album qui s’envole sur les ailes (Alas) des mélodies et des rythmes argentins. La première page qui donne son titre au CD est signée de Gerardo Di Giusto, musicien contemporain qui, selon les termes de l’éclairante notice, «traverse les univers du jazz, du classique et de la musique populaire». Sorte de double concerto à l’unique mouvement pour violoncelle, violon et orchestre à cordes, Alas balance entre une danse alerte, fougueuse, inspirée du malambo, et un mouvement lent, plus lyrique, qu’on apparente à la baguala. L’inspiration populaire est patente, mais transcendée par des savantes harmoniques, des glissandi de cordes mystérieux, des échos de sonorités troublants qui apparaissent comme des temps de méditation pris à nouveau dans le tourbillon vainqueur. Descaminos de Gabriel Sivak, compositeur et pianiste franco-argentin, en accord avec son intitulé déroute. D’emblée, l’oreille est saisie, comme happée par des tremblements profonds au violoncelle que prolongent d’étranges appels. Puis le violoncelle virtuose de Patrick Cardenas cherche à tracer sa route dans un dédale fantastique. Il s’agit bien ici d’un voyage intérieur qui est aventure sonore, recherche dont la seconde partie semble exprimer l’impulsion salvatrice. On nous dit que la fin «évoque le vent d’une nuit étoilée dans la Pampa». On y entend surtout l’élévation et la puissance d’une expérience spirituelle exaltante malgré les doutes. L’Orchestre de Lutetia sous la direction subtile d’Alejandro Sandler sait lui donner sa densité et son étrangeté. Alejandro Iglesias Rossi, sans doute le plus joué des trois compositeurs contemporains ici réunis, ne recherche pas la facilité avec sa pièce Llorando silencios. On lira dans le livret les interprétations symboliques, voire mystiques de cette page en six temps. Elle permet au violon inspiré d’Alexis Cardenas et à ses partenaires de faire surgir des fonds ancestraux des appels, des cris, des sanglots. Entre douleurs et apaisements, l’œuvre trouble et interroge. Alberto Ginastera (1916-1983) devait logiquement conclure l’enregistrement tant il représente la musique argentine du XXe siècle. L’œuvre élue est ses Variations concertantes, op. 23, datant de 1953. Du thème initial pour violoncelle et harpe à la dernière variation en mode de rondo pour tout l’Orchestre, défilent les instruments (flûte, clarinette, violon, hautbois, trombone, cor, contrebasse… ) dans des pages brèves, tantôt allègres, tantôt plus tendues, poétiques ou dramatiques. Des univers s’ouvrent de plage en plage et s’épanouissent.
Profondément cohérent, novateur, puissant, exigeant, cet enregistrement superbement servi par ses interprètes est tout sauf pittoresque. Il offre de la musique argentine d’hier et d’aujourd’hui, une vision passionnante qu’on a plaisir à explorer.
Jean Jordy
Publié le 21/05/2024 à 20:29.