Dolce Pupillo
Sonia Prina, Luan Goes
Dolce Pupillo. pages de Vivaldi, Bononcini, Scarlatti, Legrenzi, Porpora, Haendel, Kerll, Steffani, Colonna, Lotti, Carissimi, Albicastro. Sonia Prina, contralto, Luan Goes, contre -ténor et chef d’orchestre, Les Furiosi Galantes. CD Indesens.
Doux élève, cher disciple, telle pourrait être la traduction du titre de cet album de musique baroque italienne. Dans ce premier enregistrement, Luan Goes, chanteur d’origine brésilienne, qui a choisi le Gers comme terre d’adoption, souhaite dédier une ode aux professeurs et à l’enseignement musical, en l’ancrant dans une période et dans un pays précis. «Dans une ville comme Naples (… ) à l’apogée du baroque (entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle), il n’y avait pas moins de quatre conservatoires dans lesquels les professeurs les plus célèbres formaient les futures générations de nouveaux compositeurs». Et l’enregistrement parcourt de maitre en disciple, d’un musicien à l’autre sans que la filiation s’impose toujours, le large et chatoyant éventail d’une production polymorphe, airs et duos d’opéras, symphonies, concertos, sonates. Le haute-contre et un de ses grands professeurs Sonia Prina dont on connait la fougue et la carrière au service de l’opéra baroque s’associent pour le répertoire vocal tandis que les dix musiciens des Furiosi Galantes jouent avec conviction les accompagnateurs complices et les œuvres instrumentales. On regrette tout du long que le livret nous prive des paroles des airs chantés, et donc de la situation dramatique, essentielle à l’appréhension sensible du sens. Mais l’engagement des interprètes pallie en partie cette carence. Près de vingt pages composent ce copieux menu varié et de sentiments et de rythmes. On a aimé le beau duo du Giulio Cesare de Haendel ( «Son nata a lagrimar») où les voix s’entrelacent et s’harmonisent. Dans la noble sérénade de Bononcini, la contralto italienne fait valoir la rondeur d’un timbre chaleureux, mais parait ailleurs plus à la peine dans quelques vocalises. La voix de Luan Goes se révèle nettement projetée, virtuose, – belle interprétation d’un air de Ruggiero dans Alcina de Haendel – même si tels traits manquent techniquement de précision et de joliesse: certains sons ne sont guère flatteurs pour l’oreille. La marge de progression est certaine, même si on doit louer une audace, une énergie qu’il sait aussi imposer à l’ensemble de l’album. Ainsi, les intermèdes musicaux soulignent le dynamisme et le brio d’une formation jeune – elle a été créée en 2020 –, parfois un peu fiévreuse, mais riche de promesses dans les couleurs de la palette sonore. Un adagio d’Henrico Albicastro, musicien mal connu, défendu par le hautbois audacieux de Beto Caserio emporte l’adhésion.
En construisant cette généalogie du savoir, hommage sympathique à la transmission, Luan Goes, Sonia Prina et les bien nommés Furiosi Galantes offrent à l’auditeur un voyage musical inégal mais tonique qui pèche par un excès d’éclectisme, mais non de tonus. On notera que le disque a été enregistré dans l’église de Sauveterre (Gers). Quand entendra-t-on cette troupe pétulante à Toulouse?
Jean Jordy
Doux élève, cher disciple, telle pourrait être la traduction du titre de cet album de musique baroque italienne. Dans ce premier enregistrement, Luan Goes, chanteur d’origine brésilienne, qui a choisi le Gers comme terre d’adoption, souhaite dédier une ode aux professeurs et à l’enseignement musical, en l’ancrant dans une période et dans un pays précis. «Dans une ville comme Naples (… ) à l’apogée du baroque (entre la fin du XVIe siècle et le milieu du XVIIe siècle), il n’y avait pas moins de quatre conservatoires dans lesquels les professeurs les plus célèbres formaient les futures générations de nouveaux compositeurs». Et l’enregistrement parcourt de maitre en disciple, d’un musicien à l’autre sans que la filiation s’impose toujours, le large et chatoyant éventail d’une production polymorphe, airs et duos d’opéras, symphonies, concertos, sonates. Le haute-contre et un de ses grands professeurs Sonia Prina dont on connait la fougue et la carrière au service de l’opéra baroque s’associent pour le répertoire vocal tandis que les dix musiciens des Furiosi Galantes jouent avec conviction les accompagnateurs complices et les œuvres instrumentales. On regrette tout du long que le livret nous prive des paroles des airs chantés, et donc de la situation dramatique, essentielle à l’appréhension sensible du sens. Mais l’engagement des interprètes pallie en partie cette carence. Près de vingt pages composent ce copieux menu varié et de sentiments et de rythmes. On a aimé le beau duo du Giulio Cesare de Haendel ( «Son nata a lagrimar») où les voix s’entrelacent et s’harmonisent. Dans la noble sérénade de Bononcini, la contralto italienne fait valoir la rondeur d’un timbre chaleureux, mais parait ailleurs plus à la peine dans quelques vocalises. La voix de Luan Goes se révèle nettement projetée, virtuose, – belle interprétation d’un air de Ruggiero dans Alcina de Haendel – même si tels traits manquent techniquement de précision et de joliesse: certains sons ne sont guère flatteurs pour l’oreille. La marge de progression est certaine, même si on doit louer une audace, une énergie qu’il sait aussi imposer à l’ensemble de l’album. Ainsi, les intermèdes musicaux soulignent le dynamisme et le brio d’une formation jeune – elle a été créée en 2020 –, parfois un peu fiévreuse, mais riche de promesses dans les couleurs de la palette sonore. Un adagio d’Henrico Albicastro, musicien mal connu, défendu par le hautbois audacieux de Beto Caserio emporte l’adhésion.
En construisant cette généalogie du savoir, hommage sympathique à la transmission, Luan Goes, Sonia Prina et les bien nommés Furiosi Galantes offrent à l’auditeur un voyage musical inégal mais tonique qui pèche par un excès d’éclectisme, mais non de tonus. On notera que le disque a été enregistré dans l’église de Sauveterre (Gers). Quand entendra-t-on cette troupe pétulante à Toulouse?
Jean Jordy
Publié le 23/04/2024 à 16:41.