Inspirée par les contes de Perrault et des frères Grimm, mais dépouillée de leur dimension féérique, la Cendrillon de Rossini et de son librettiste a d’abord été mal accueillie par le public romain, puis retouchée par les deux comparses, elle rencontre enfin le succès. Don Magnifico, un imbécile vaniteux a deux filles, sottes et sans charme, et une troisième, sa fille adoptive, rudoyée et mise au service de ses sœurs, vit en haillons. Le prince veut se marier et invite toutes les jeunes filles du royaume à un bal pour choisir sa future épouse. Prenant la place de son valet déguisé en prince, il veut se rendre compte lui-même et fait des découvertes édifiantes. Don Magnifico est promu grand sommelier, ce qui lui fait espérer qu’une de ses filles sera l’élue. Alidoro, le conseiller du prince veille, et par un tour de passe-passe amène Cendrillon au bal dans une tenue sublime. Personne ne la reconnaît. Le prince en tombe amoureux et est payé de retour. La belle inconnue doit partir, détache un de ses bracelets et suggère que le prince vienne retrouver l’autre. Le bracelet remplace la pantoufle de vair pour des raisons de convenances. La morale étriquée du XIXe chargeait le pied d’une puissance érotique extraordinaire, donc pas question de le montrer! Tout est bien qui finit bien, bonne fille, Cendrillon pardonne et tout le monde sera heureux…
Rossini a créé une musique qui offre des occasions de montrer son talent pour chacun des solistes, avec des leitmotiv et plusieurs scènes qui les voient entrer en scène les uns après les autres se terminent par un ensemble éblouissant de virtuosité, technique que l’on retrouve dans le Barbier et directement inspirée des Noces de Figaro de Mozart.
La production de ce soir conduite par Barbe et Doucet, metteurs en scène qui n’ont peur de rien. On leur a dû l’an dernier une Bohème fort réussie. On démarre dans un cabaret, dans lequel les deux sœurs sont danseuses. Les décors reprennent largement la technique des toiles peintes chères au XVIIIe siècle, c’est bien imaginé et bien réalisé, avec une progression: on va de la laideur du cabaret et des costumes des sœurs, danseuses, peu flattées au demeurant, à la somptuosité du palais du prince où tout finit bien dans l’harmonie et la beauté, avec un ballet dont les costumes magnifiques symbolisent le bonheur et l’amour.
La direction de Michele Spotti couvre malheureusement les voix au début du premier acte avant de retrouver un meilleur équilibre ensuite. Adèle Charvet est une Cendrillon agréable, un peu terne comme le veut le rôle au début pour s’épanouir ensuite, donnant la mesure d’un talent réel. Le Don Ramiro de Levy Sekgapane manque un peu de puissance au début du premier acte pour trouver le ton et le volume parfait au second acte. Florian Sempey est un extraordinaire Dandini auquel il apporte une voix parfaitement maîtrisée et un réel talent d’acteur, sans tomber dans le burlesque. Cette caractéristique vaut pour Vincenzo Taormina, un exceptionnel Don Magnifico. Il a un large registre vocal qui combiné avec ses qualités d’acteur en fait un personnage extraordinaire. Le doux Aliboro est incarné avec bonheur par Alex Rosen, tandis que Julie Pasturaud est Tisbé et Céline Laborie incarne Clorinda.
Mes quelques réserves n’enlèvent rien à la qualité générale du spectacle, d’autant que les ajustements de volume se font très vite. Le public est d’ailleurs ravi et applaudit les artistes, chanteurs, danseurs, musiciens, metteurs en scène et costumiers.

Danielle Anex-Cabanis