Thierry Escaich
Le souffle de l’âme
Chœur de chambre Dulci Jubilo, direction; Christopher Gibert, Orgue; Thomas Ospital. CD Anima Nostra.
Thierry Escaich, compositeur et organiste, est ici mis à l’honneur à travers trois de ses oeuvres consacrées à l’orgue et aux voix.
L’enregistrement débute avec Trois motets. Le poème d’Alain Suied, d’une rare densité, est servi par une musique puissante et prenante. Le Motet I nous fait entrer dans l’univers harmonique d’Escaich: coloré, riche et résolument moderne. Le Motet II est stupéfiant par sa complexité rythmique, dans des registres aigus très exigeants pour les chanteurs. Enfin, le Motet III reste dans cette énergie rythmique qui est une signature du compositeur.
Nous entendons ensuite une œuvre pour orgue seul, Évocation IV. Thierry Escaich explique avoir voulu ici paraphraser la musique pour orgue française du XVIIe siècle. On retrouve effectivement les couleurs franches et typées de cette école mais bien sûr dans le langage musical contemporain.
La Messe Romane qui vient ensuite est ici proposée en premier enregistrement mondial. Les pièces de l’ordinaire sont traitées sans longueur mais toujours avec puissance. La prière passe par toutes les atmosphères: suppliante dans le Kyrie, pleine d’allégresse dans le Gloria. L’orgue est un personnage à part entière dont l’importance est égale à celle du chœur, certains passages étant véritablement concertants. Un offertoire est improvisé par l’organiste pour compléter le déroulement de cette messe.
À ces œuvres contemporaines de Thierry Escaich répond le chant grégorien. L’hymne Verbum supernum prodiens est interprété par les voix d’hommes et se déploit pleinement sous les voûtes de l’église. Le Magnificat est lui interprété par les voix de femmes, l’orgue improvisant entre les versets selon la tradition.
Ce programme magistral permet, si cela est nécessaire, de découvrir l’univers musical splendide de Thierry Escaich. Cette musique ne peut laisser indifférent. Elle nous emporte avec elle dans son énergie, sa force, sa profondeur.
Si les œuvres rendent cela possible, le rôle des interprètes est également à mettre à l’honneur.
Le choeur de chambre Dulci Jubilo, dirigé par Christopher Gibert fait ici une prestation éclatante. La qualité des voix est exceptionnelle et à la hauteur des exigences. Les timbres sont d’une grande pureté, la justesse sans faille. La précision des attaques laisse sans voix. L’église Saint-Eustache de Paris, dans laquelle l’enregistrement a été effectué, amplifie ces qualités et les magnifie.
L’organiste de talent Thomas Ospital est dans la même veine. Il défend avec brio la partition qui demande une technique et une virtuosité de très haut niveau. Saluons également ses qualités d’improvisateur de talent. Le grand-orgue de Saint-Eustache, dont il est l’organiste titulaire, est exploité dans toutes ses capacités. Son accord pour cet enregistrement est parfait.
Et ce n’est pas tout. Un QR-code présent dans le livret du CD permet d’avoir accès à plusieurs vidéos. Tout d’abord un reportage d’environ 15 minutes dans lequel sont interviewés les interprètes, le compositeur, la directrice artistique. Des images de l’enregistrement permettent de mieux comprendre comment une synchronisation aussi parfaite entre le chœur et l’orgue est possible. En effet, le grand-orgue de Saint-Eustache présente la particularité de disposer d’une console détachée de la tribune, ce qui permet à l’organiste d’être parmi les choristes dans la nef.
Sont ajoutées également trois vidéos réalisées par Elliot Storey, décrites comme une “quête vidéo poétique”. Les Trois Motets sont ainsi mis en image, montrant la chorégraphie d’une danseuse mêlée avec des images des musiciens et de l’église Saint-Eustache. La proposition est très créative et originale et témoigne d’un travail poussé. Mais entend-t-on la musique de la même manière avec ou sans images? La musique a t-elle besoin d’images? La question est complexe, passionnante et sujette à la controverse. L’esthétique du “clip” peut surprendre, elle a le mérite d’ouvrir à la réflexion et à la discussion.
Au final, voici donc un magnifique projet enthousiasmant.
Pierre-Jean Schoen
Thierry Escaich, compositeur et organiste, est ici mis à l’honneur à travers trois de ses oeuvres consacrées à l’orgue et aux voix.
L’enregistrement débute avec Trois motets. Le poème d’Alain Suied, d’une rare densité, est servi par une musique puissante et prenante. Le Motet I nous fait entrer dans l’univers harmonique d’Escaich: coloré, riche et résolument moderne. Le Motet II est stupéfiant par sa complexité rythmique, dans des registres aigus très exigeants pour les chanteurs. Enfin, le Motet III reste dans cette énergie rythmique qui est une signature du compositeur.
Nous entendons ensuite une œuvre pour orgue seul, Évocation IV. Thierry Escaich explique avoir voulu ici paraphraser la musique pour orgue française du XVIIe siècle. On retrouve effectivement les couleurs franches et typées de cette école mais bien sûr dans le langage musical contemporain.
La Messe Romane qui vient ensuite est ici proposée en premier enregistrement mondial. Les pièces de l’ordinaire sont traitées sans longueur mais toujours avec puissance. La prière passe par toutes les atmosphères: suppliante dans le Kyrie, pleine d’allégresse dans le Gloria. L’orgue est un personnage à part entière dont l’importance est égale à celle du chœur, certains passages étant véritablement concertants. Un offertoire est improvisé par l’organiste pour compléter le déroulement de cette messe.
À ces œuvres contemporaines de Thierry Escaich répond le chant grégorien. L’hymne Verbum supernum prodiens est interprété par les voix d’hommes et se déploit pleinement sous les voûtes de l’église. Le Magnificat est lui interprété par les voix de femmes, l’orgue improvisant entre les versets selon la tradition.
Ce programme magistral permet, si cela est nécessaire, de découvrir l’univers musical splendide de Thierry Escaich. Cette musique ne peut laisser indifférent. Elle nous emporte avec elle dans son énergie, sa force, sa profondeur.
Si les œuvres rendent cela possible, le rôle des interprètes est également à mettre à l’honneur.
Le choeur de chambre Dulci Jubilo, dirigé par Christopher Gibert fait ici une prestation éclatante. La qualité des voix est exceptionnelle et à la hauteur des exigences. Les timbres sont d’une grande pureté, la justesse sans faille. La précision des attaques laisse sans voix. L’église Saint-Eustache de Paris, dans laquelle l’enregistrement a été effectué, amplifie ces qualités et les magnifie.
L’organiste de talent Thomas Ospital est dans la même veine. Il défend avec brio la partition qui demande une technique et une virtuosité de très haut niveau. Saluons également ses qualités d’improvisateur de talent. Le grand-orgue de Saint-Eustache, dont il est l’organiste titulaire, est exploité dans toutes ses capacités. Son accord pour cet enregistrement est parfait.
Et ce n’est pas tout. Un QR-code présent dans le livret du CD permet d’avoir accès à plusieurs vidéos. Tout d’abord un reportage d’environ 15 minutes dans lequel sont interviewés les interprètes, le compositeur, la directrice artistique. Des images de l’enregistrement permettent de mieux comprendre comment une synchronisation aussi parfaite entre le chœur et l’orgue est possible. En effet, le grand-orgue de Saint-Eustache présente la particularité de disposer d’une console détachée de la tribune, ce qui permet à l’organiste d’être parmi les choristes dans la nef.
Sont ajoutées également trois vidéos réalisées par Elliot Storey, décrites comme une “quête vidéo poétique”. Les Trois Motets sont ainsi mis en image, montrant la chorégraphie d’une danseuse mêlée avec des images des musiciens et de l’église Saint-Eustache. La proposition est très créative et originale et témoigne d’un travail poussé. Mais entend-t-on la musique de la même manière avec ou sans images? La musique a t-elle besoin d’images? La question est complexe, passionnante et sujette à la controverse. L’esthétique du “clip” peut surprendre, elle a le mérite d’ouvrir à la réflexion et à la discussion.
Au final, voici donc un magnifique projet enthousiasmant.
Pierre-Jean Schoen
Publié le 09/04/2024 à 20:01.