Mendelssohn, Tailleferre
Orchestre Pasdeloup
Avec Sora Elisabeth Lee, Monika Wolinska, Chloé Dufresne et Kanako Abe. Mendelssohn, Tailleferre, Canat de Chizy, Clyne, El-Turk, Holmes et Pépin. CD Présence Compositrices.
Acte militant du label Présence compositrices, un centre de promotion et de ressources pour soutenir la création féminine passée, présente et future, ce CD présente une œuvre de sept compositrices, dont la reconnaissance a été compliquée et l’est encore, en raison d’un conformisme désolant qui ne voudrait les reconnaître qu’associées à un homme. Certaines l’ont pleinement accepté, ainsi Fanny Mendelssohn, s’en sont finalement accommodées, telle Clara Schumann, encore qu’avec une certaine amertume qui l’a conduite à être dure avec son entourage, jusqu’à malmener Johannes Brahms, son éternel soupirant, dans un je t’aime moi non plus. Les plus jeunes doivent s’imposer, mais les pesanteurs sociales s’allègent et elles peuvent s’exprimer sans réserve, sinon qu’il faut encore passer la barre de l’exécution. Le CD répond à cet objectif, soit de «donner à ces œuvres et à ces artistes la possibilité d’être connues du grand public et d’être écoutées et programmées tout au long des saisons».
L’ «Intrada, la septième trompette» (2004) s’inscrit dans la quête du sacré de la compositrice, Edith Canat de Chizy, qui s’appuie sur un extrait de l’Apocalypse qui sert de trame à une musique inspirée des compositions des XVIe et XVIIe siècles. C’est une sonnerie solennelle et majestueuse très impressionnante.
L’Ouverture en do (1830-1834) de Fanny Mendelssohn a été écrite pour un grand orchestre, avec une place significative pour les cors; elle est construite sur la forme d’une sonate, avec un double exposé des thèmes. C’est une musique puissante que l’orchestre restitue avec un grand talent. Fanny a pu connaître de bonnes exécutions de sa composition, même si on lui accorde pas la place qu’elle mérite.
Pour Germaine Tailleferre, sa Petite Suite pour orchestre (1957) est l’occasion de s’inspirer de sonorités asiatiques qui avaient au demeurant déjà marqué certaines compositions de Debussy. Elle tire parti de la technique du pizzicato pour créer des effets sonores inattendus, ce qui fait tout l’intérêt de la suite, qui reprend aussi des mélodies folkloriques, comme la chanson des Filles de La Rochelle.
Anna Clyne propose Restless Oceans, (2018) d’après A woman speaks d’Audre Lorde, qui voit les musiciens associer le son de leurs instruments à leurs voix afin de produire des vocalises assez brutales, dans une gestuelle très calculée. Le CD ne permet pas de les voir, mais on comprend bien l’intention affichée de la compositrice de provoquer.
S’inspirant du Chant de la terre de Mahler, Bushra el-Türk propose Mosaic, (2009) une réflexion sur les frontières, l’identité. C’est pour elle une façon d’illustrer la situation du Proche-Orient. Elle se révèle très prémonitoire avec ses sonorités douloureuses.
Camille Pépin propose une œuvre assez étrange avec son Aether, Concerto pour harpe, marimba et orchestre (2019, révision 2020), dans un essai original de créer un nouvel instrument par la superposition-interaction des deux choisis. L’idée est de philosopher en musique autour de l’idée métaphysique antique de l’éther. Le marimba incarne la terre, la harpe les sphères célestes, tandis que la compositrice s’appuie sur toutes les ressources de l’orchestre (pizzicati des cordes, vibraphone, les cors -essentiels). On assiste à une montée en puissance pour terminer sur un final plein d’énergie et finalement plus optimiste que le thème pouvait le laisser présager.
D’Augusta Holmès, on écoute Andromède, poème symphonique (1883), dont la compositrice a signé aussi le texte, sous son vrai nom, alors que pendant plusieurs années elle s’était abritée derrière un pseudo masculin. Elle se revendique fièrement femme, égale en talent et potentialités aux hommes. Elle se situe au cœur des débats entre les tenants de la musique à programme et les adeptes de la musique pure, sans vraiment trancher de manière radicale. Elle entend décrire les souffrances d’Andromède, délivrée par l’arrivée de Persée, puis comblée par son amour. L’œuvre démarre en fanfare (trombones) avant de laisser la place à la plainte d’Andromède puis au bonheur retrouvé exprima par la harpe et la clarinette. La partition des cordes requiert une grande virtuosité ici parfaitement maîtrisée par l’orchestre.
Un CD intellectuellement passionnant, dont l’écoute doit être répétée pour pénétrer dans les œuvres les plus difficiles, ou du moins aux sonorités inattendues.
Danielle Anex-Cabanis
Acte militant du label Présence compositrices, un centre de promotion et de ressources pour soutenir la création féminine passée, présente et future, ce CD présente une œuvre de sept compositrices, dont la reconnaissance a été compliquée et l’est encore, en raison d’un conformisme désolant qui ne voudrait les reconnaître qu’associées à un homme. Certaines l’ont pleinement accepté, ainsi Fanny Mendelssohn, s’en sont finalement accommodées, telle Clara Schumann, encore qu’avec une certaine amertume qui l’a conduite à être dure avec son entourage, jusqu’à malmener Johannes Brahms, son éternel soupirant, dans un je t’aime moi non plus. Les plus jeunes doivent s’imposer, mais les pesanteurs sociales s’allègent et elles peuvent s’exprimer sans réserve, sinon qu’il faut encore passer la barre de l’exécution. Le CD répond à cet objectif, soit de «donner à ces œuvres et à ces artistes la possibilité d’être connues du grand public et d’être écoutées et programmées tout au long des saisons».
L’ «Intrada, la septième trompette» (2004) s’inscrit dans la quête du sacré de la compositrice, Edith Canat de Chizy, qui s’appuie sur un extrait de l’Apocalypse qui sert de trame à une musique inspirée des compositions des XVIe et XVIIe siècles. C’est une sonnerie solennelle et majestueuse très impressionnante.
L’Ouverture en do (1830-1834) de Fanny Mendelssohn a été écrite pour un grand orchestre, avec une place significative pour les cors; elle est construite sur la forme d’une sonate, avec un double exposé des thèmes. C’est une musique puissante que l’orchestre restitue avec un grand talent. Fanny a pu connaître de bonnes exécutions de sa composition, même si on lui accorde pas la place qu’elle mérite.
Pour Germaine Tailleferre, sa Petite Suite pour orchestre (1957) est l’occasion de s’inspirer de sonorités asiatiques qui avaient au demeurant déjà marqué certaines compositions de Debussy. Elle tire parti de la technique du pizzicato pour créer des effets sonores inattendus, ce qui fait tout l’intérêt de la suite, qui reprend aussi des mélodies folkloriques, comme la chanson des Filles de La Rochelle.
Anna Clyne propose Restless Oceans, (2018) d’après A woman speaks d’Audre Lorde, qui voit les musiciens associer le son de leurs instruments à leurs voix afin de produire des vocalises assez brutales, dans une gestuelle très calculée. Le CD ne permet pas de les voir, mais on comprend bien l’intention affichée de la compositrice de provoquer.
S’inspirant du Chant de la terre de Mahler, Bushra el-Türk propose Mosaic, (2009) une réflexion sur les frontières, l’identité. C’est pour elle une façon d’illustrer la situation du Proche-Orient. Elle se révèle très prémonitoire avec ses sonorités douloureuses.
Camille Pépin propose une œuvre assez étrange avec son Aether, Concerto pour harpe, marimba et orchestre (2019, révision 2020), dans un essai original de créer un nouvel instrument par la superposition-interaction des deux choisis. L’idée est de philosopher en musique autour de l’idée métaphysique antique de l’éther. Le marimba incarne la terre, la harpe les sphères célestes, tandis que la compositrice s’appuie sur toutes les ressources de l’orchestre (pizzicati des cordes, vibraphone, les cors -essentiels). On assiste à une montée en puissance pour terminer sur un final plein d’énergie et finalement plus optimiste que le thème pouvait le laisser présager.
D’Augusta Holmès, on écoute Andromède, poème symphonique (1883), dont la compositrice a signé aussi le texte, sous son vrai nom, alors que pendant plusieurs années elle s’était abritée derrière un pseudo masculin. Elle se revendique fièrement femme, égale en talent et potentialités aux hommes. Elle se situe au cœur des débats entre les tenants de la musique à programme et les adeptes de la musique pure, sans vraiment trancher de manière radicale. Elle entend décrire les souffrances d’Andromède, délivrée par l’arrivée de Persée, puis comblée par son amour. L’œuvre démarre en fanfare (trombones) avant de laisser la place à la plainte d’Andromède puis au bonheur retrouvé exprima par la harpe et la clarinette. La partition des cordes requiert une grande virtuosité ici parfaitement maîtrisée par l’orchestre.
Un CD intellectuellement passionnant, dont l’écoute doit être répétée pour pénétrer dans les œuvres les plus difficiles, ou du moins aux sonorités inattendues.
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 15/01/2024 à 19:29, mis à jour le 16/01/2024 à 20:04.