Lahav Shani
Bruckner, Symphonie n° 7
Rotterdam Philarmonic Orchestra. CD Warner Classics.
La carrière du pianiste et chef d’orchestre Lahav Shani né en Israël en 1989 est fulgurante. À 29 ans, Lahav Shani a succédé à Yannick Nézet-Séguin à la tête du Philharmonique de Rotterdam avec lequel il a enregistré plusieurs œuvres (Beethoven, Chostakovitch, Weill), dont ici la 7e Symphonie en Mi majeur d’Anton Bruckner. L’Orchestre Philharmonique de Munich a choisi Lahav Shani pour prendre la place de Valery Gergiev à partir 2026. Et il reste directeur musical de l’Orchestre d’Isaraël où il a pris le poste en 2020 de Zubin Mehta. L’interprétation qu’il offre aujourd’hui avec «son» orchestre de Rotterdam explique largement l’engouement que ce jeune chef suscite.
Grandeur, majesté, lyrisme. De bout en bout, un superbe orchestre aux sonorités tour à tour subtiles ou éclatantes, et un chef soucieux autant d’architecture que de couleurs, peintre puissant et maître d’œuvre irradiant d’énergie, édifient la cathédrale que Bruckner a construite en son for intérieur. L’Allegro moderato initial s’écoule comme un très long fleuve au flux imposant, au mouvement continu que viennent à peine distraire quelques voix singulières, vaguement mystérieuses. Le monument, telles les reconstitutions en trois D qui nourrissent les documentaires culturels, érige ses imposantes structures, à la fois colossales et aériennes, avec une claire et irréfragable évidence. C’est bien ce doublement mouvement – horizontal comme le majestueux cours d’eau, vertical comme la basilique – que parvient à imposer Lahav Shani, et l’auditeur est à la fois emporté et élevé. Cœur structurel, sentimental et spirituel de l’ensemble, l’Adagio, le plus long mouvement de la symphonie qu’on aurait envie d’écouter dix fois à la suite, émeut moins qu’il ne saisit par sa gravité et sa solennité. Nous ne sommes point ici chez les tièdes et les fades. Tout en impose, mais sans pathos ni grandiloquence. Tout respire, s’élargit aux dimensions d’une méditation sur la mort d’un maître admiré entre tous (Wagner) et de l’affirmation d’une foi lumineuse. Le Scherzo a son juste poids de lourdeur paysanne, mais le rythme parfaitement conduit en fait une sarabande railleuse dont on aime les éclats. Après la tension grandiose du précédent mouvement, les différents pupitres de l’Orchestre de Rotterdam d’une qualité technique exemplaire semblent participer à une fête des sons, sans débordement cependant. Le chef veille à l’équilibre de l’ensemble architectural que couronne un Finale, moins spectaculaire et inventif peut-être, mais tout aussi riche de couleurs.
Saluons la maîtrise tant des musiciens que d’un chef charismatique à la généreuse direction, acérée et puissante. Il nous offre de l’œuvre grandiose de Bruckner, compositeur raillé en son temps, une vision qui rend pleinement justice à ce compositeur essentiel.
Jean Jordy
La carrière du pianiste et chef d’orchestre Lahav Shani né en Israël en 1989 est fulgurante. À 29 ans, Lahav Shani a succédé à Yannick Nézet-Séguin à la tête du Philharmonique de Rotterdam avec lequel il a enregistré plusieurs œuvres (Beethoven, Chostakovitch, Weill), dont ici la 7e Symphonie en Mi majeur d’Anton Bruckner. L’Orchestre Philharmonique de Munich a choisi Lahav Shani pour prendre la place de Valery Gergiev à partir 2026. Et il reste directeur musical de l’Orchestre d’Isaraël où il a pris le poste en 2020 de Zubin Mehta. L’interprétation qu’il offre aujourd’hui avec «son» orchestre de Rotterdam explique largement l’engouement que ce jeune chef suscite.
Grandeur, majesté, lyrisme. De bout en bout, un superbe orchestre aux sonorités tour à tour subtiles ou éclatantes, et un chef soucieux autant d’architecture que de couleurs, peintre puissant et maître d’œuvre irradiant d’énergie, édifient la cathédrale que Bruckner a construite en son for intérieur. L’Allegro moderato initial s’écoule comme un très long fleuve au flux imposant, au mouvement continu que viennent à peine distraire quelques voix singulières, vaguement mystérieuses. Le monument, telles les reconstitutions en trois D qui nourrissent les documentaires culturels, érige ses imposantes structures, à la fois colossales et aériennes, avec une claire et irréfragable évidence. C’est bien ce doublement mouvement – horizontal comme le majestueux cours d’eau, vertical comme la basilique – que parvient à imposer Lahav Shani, et l’auditeur est à la fois emporté et élevé. Cœur structurel, sentimental et spirituel de l’ensemble, l’Adagio, le plus long mouvement de la symphonie qu’on aurait envie d’écouter dix fois à la suite, émeut moins qu’il ne saisit par sa gravité et sa solennité. Nous ne sommes point ici chez les tièdes et les fades. Tout en impose, mais sans pathos ni grandiloquence. Tout respire, s’élargit aux dimensions d’une méditation sur la mort d’un maître admiré entre tous (Wagner) et de l’affirmation d’une foi lumineuse. Le Scherzo a son juste poids de lourdeur paysanne, mais le rythme parfaitement conduit en fait une sarabande railleuse dont on aime les éclats. Après la tension grandiose du précédent mouvement, les différents pupitres de l’Orchestre de Rotterdam d’une qualité technique exemplaire semblent participer à une fête des sons, sans débordement cependant. Le chef veille à l’équilibre de l’ensemble architectural que couronne un Finale, moins spectaculaire et inventif peut-être, mais tout aussi riche de couleurs.
Saluons la maîtrise tant des musiciens que d’un chef charismatique à la généreuse direction, acérée et puissante. Il nous offre de l’œuvre grandiose de Bruckner, compositeur raillé en son temps, une vision qui rend pleinement justice à ce compositeur essentiel.
Jean Jordy
Publié le 28/11/2023 à 10:44.