Cyrille Dubois
So Romantic !
Airs d’opéras comiques francais d’Auber, Godart, Thomas, Boeieldieu, Halévy, Clapisson, Donizetti, Gounod, Luce-Varklet, Bizet, Dubois, Silver, Delibes, Saint-Saëns. Cyrille Dubois, ténor. Orchestre national de Lille, direction Pierre Dumoussaud. CD Alpha-Classics.
Dix-sept air d’opéras comiques français du XIXe siècle. Plus d’une heure de musique. Et sans une once de lassitude, tant s’avère grande la variété des pages, des registres et des sentiments. Et toujours la même distinction, la même mélodieuse ligne de chant, la même clarté de prononciation, une égale attention accordée aux mots du texte, la même souveraine technique. À bientôt 40 ans, le ténor français au sommet de son art propose un vaste récital contenant de brillantes pépites.
Cyrille Dubois nous a confié le sens du projet: «Pour le disque, j’ai réussi à identifier un ténor Gustave Roger [1815 – 1879] qui excellait dans ce répertoire et j’ai donc construit mon enregistrement à partir des rôles qu’il avait chantés, sans me cantonner au seul Gustave Roger, mais en respectant cette typologie vocale. Et on a parcouru ainsi cent ans de l’histoire de l’opéra français, avec de vraies découvertes d’airs et de compositeurs. »
Que choisir dans ce florilège? Le premier air, extrait de La Barcarole (1845) d’Auber, tout en murmure, et comme à pas feutrés, donne un exemple parfait de l’art de Cyrille Dubois. La souplesse, la suavité de la voix, la délicatesse du timbre, le sens de la dynamique, l’élégie et l’éclat se conjuguent pour servir cette page. Et quelle tendre virtuosité dans l’exaltation discrète du «moment séduisant de l’attente!» conclu par un «bonheur» éclatant. De Godard, la Romance d’Alvar dans Pedro de Zalamea (1884), d’Ambroise Thomas, l’air de Gennaro extrait du Roman d’Elvire (1860) ou le délicieux fabliau du Médecin malgré lui (1858) de Gounod et tant d’autres (Bizet, Dubois… Théodore, Saint-Saëns) font entendre des merveilles de mélodies très différentes de ton et de dramatisme dont on ne comprend pas qu’on ait pu les oublier. Le plus célèbre cavatine «Viens, gentille dame» dans La Dame Blanche (1825) de Boieldieu retrouve ici une spontanéité galante, un frémissement amoureux qui séduisent. Et que de subtilités dans les reprises du refrain! La page la plus connue est l’air de Tonio dans La Fille du Régiment (1840) de Donizetti. De «Ah! Mes amis, quel jour de fête!», on attend le cortège glorieux des contre ut – et ils sont bien là, rayonnants. Mais il y a bien plus, une fougue, un élan, une impétuosité liés au sentiment de l’amant exalté: au delà de la virtuosité triomphante, se construit un personnage plein d’allant. Et quel charme sensuel dans «Fantaisie aux divins mensonges» de la Lakmé 1883) de Delibes! Finissons par une curiosité absolue, un extrait du Code noir (1842) de Louis Clapisson: les adieux de Donatien à sa mère émeuvent tant Cyrille Dubois s’engage dans cette romance d’un pathétisme élégamment pudique. Cyrille Dubois aime ces textes et ces mélodies et veut faire partager - terme essentiel de sa profession de foi – cette passion, aussi poétique que musicale. Loin de les trouver fades ou pâles, il veut et il sait en restituer la tendresse et la fraîcheur, la pureté et le raffinement, la sensibilité et l’harmonie. Si le terme n’était pas souvent et bêtement péjoratif, pour qualifier les choix esthétiques de Cyrille Dubois on pourrait utiliser le mot de dandysme, contemporain de l’épiphanie de l’opéra-comique. Au sens que définit Baudelaire, faisant l’éloge «des représentants de ce qu’il y a de meilleur dans l’orgueil humain, de ce besoin, trop rare chez ceux d’aujourd’hui, de combattre et de détruire la trivialité. ».
Dans ce refus du trivial, il faut comprendre aussi l’exigence technique, la curiosité permanente, le goût du rare, l’inlassable recherche de répertoires originaux, des expériences musicales hors des sentiers battus. Éblouissant dans le rôle du Chœur masculin dans le récent Viol de Lucrèce de Britten au Capitole, exigeant et passionné dans son enregistrement de l’intégrale des mélodies de Fauré, Cyrille Dubois confirme ici l’étendue de son talent de découvreur, le raffinement de ses qualités d’interprète. Il trouve en Pierre Dumoussaud, brillant serviteur de Gluck dans la récente Iphigénie en Tauride à Montpellier, à la tête ici d’un Orchestre National de Lille tout en frémissements, l’accompagnateur idéal pour cette promenade festive dans l’univers de l’opéra comique français si inventif, si séduisant. Plus qu’une réussite. Une leçon de chant. Un régal musical.
Jean Jordy
Dix-sept air d’opéras comiques français du XIXe siècle. Plus d’une heure de musique. Et sans une once de lassitude, tant s’avère grande la variété des pages, des registres et des sentiments. Et toujours la même distinction, la même mélodieuse ligne de chant, la même clarté de prononciation, une égale attention accordée aux mots du texte, la même souveraine technique. À bientôt 40 ans, le ténor français au sommet de son art propose un vaste récital contenant de brillantes pépites.
Cyrille Dubois nous a confié le sens du projet: «Pour le disque, j’ai réussi à identifier un ténor Gustave Roger [1815 – 1879] qui excellait dans ce répertoire et j’ai donc construit mon enregistrement à partir des rôles qu’il avait chantés, sans me cantonner au seul Gustave Roger, mais en respectant cette typologie vocale. Et on a parcouru ainsi cent ans de l’histoire de l’opéra français, avec de vraies découvertes d’airs et de compositeurs. »
Que choisir dans ce florilège? Le premier air, extrait de La Barcarole (1845) d’Auber, tout en murmure, et comme à pas feutrés, donne un exemple parfait de l’art de Cyrille Dubois. La souplesse, la suavité de la voix, la délicatesse du timbre, le sens de la dynamique, l’élégie et l’éclat se conjuguent pour servir cette page. Et quelle tendre virtuosité dans l’exaltation discrète du «moment séduisant de l’attente!» conclu par un «bonheur» éclatant. De Godard, la Romance d’Alvar dans Pedro de Zalamea (1884), d’Ambroise Thomas, l’air de Gennaro extrait du Roman d’Elvire (1860) ou le délicieux fabliau du Médecin malgré lui (1858) de Gounod et tant d’autres (Bizet, Dubois… Théodore, Saint-Saëns) font entendre des merveilles de mélodies très différentes de ton et de dramatisme dont on ne comprend pas qu’on ait pu les oublier. Le plus célèbre cavatine «Viens, gentille dame» dans La Dame Blanche (1825) de Boieldieu retrouve ici une spontanéité galante, un frémissement amoureux qui séduisent. Et que de subtilités dans les reprises du refrain! La page la plus connue est l’air de Tonio dans La Fille du Régiment (1840) de Donizetti. De «Ah! Mes amis, quel jour de fête!», on attend le cortège glorieux des contre ut – et ils sont bien là, rayonnants. Mais il y a bien plus, une fougue, un élan, une impétuosité liés au sentiment de l’amant exalté: au delà de la virtuosité triomphante, se construit un personnage plein d’allant. Et quel charme sensuel dans «Fantaisie aux divins mensonges» de la Lakmé 1883) de Delibes! Finissons par une curiosité absolue, un extrait du Code noir (1842) de Louis Clapisson: les adieux de Donatien à sa mère émeuvent tant Cyrille Dubois s’engage dans cette romance d’un pathétisme élégamment pudique. Cyrille Dubois aime ces textes et ces mélodies et veut faire partager - terme essentiel de sa profession de foi – cette passion, aussi poétique que musicale. Loin de les trouver fades ou pâles, il veut et il sait en restituer la tendresse et la fraîcheur, la pureté et le raffinement, la sensibilité et l’harmonie. Si le terme n’était pas souvent et bêtement péjoratif, pour qualifier les choix esthétiques de Cyrille Dubois on pourrait utiliser le mot de dandysme, contemporain de l’épiphanie de l’opéra-comique. Au sens que définit Baudelaire, faisant l’éloge «des représentants de ce qu’il y a de meilleur dans l’orgueil humain, de ce besoin, trop rare chez ceux d’aujourd’hui, de combattre et de détruire la trivialité. ».
Dans ce refus du trivial, il faut comprendre aussi l’exigence technique, la curiosité permanente, le goût du rare, l’inlassable recherche de répertoires originaux, des expériences musicales hors des sentiers battus. Éblouissant dans le rôle du Chœur masculin dans le récent Viol de Lucrèce de Britten au Capitole, exigeant et passionné dans son enregistrement de l’intégrale des mélodies de Fauré, Cyrille Dubois confirme ici l’étendue de son talent de découvreur, le raffinement de ses qualités d’interprète. Il trouve en Pierre Dumoussaud, brillant serviteur de Gluck dans la récente Iphigénie en Tauride à Montpellier, à la tête ici d’un Orchestre National de Lille tout en frémissements, l’accompagnateur idéal pour cette promenade festive dans l’univers de l’opéra comique français si inventif, si séduisant. Plus qu’une réussite. Une leçon de chant. Un régal musical.
Jean Jordy
Publié le 04/10/2023 à 11:50.