Edna Stern, piano
Le Clavier bien tempéré, livre 1
Bach’s Book of Zen. Livre I du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach. 2 CD Audio Note Music.
Edna Stern, pianiste israélo-belge, a fréquenté les cours ou les master classes des plus grands virtuoses, entre autres Martha Argerich, Krystian Zymmerman, Alicia de Larrocha, Andreas Steier, Léon Fleisher. Depuis son premier enregistrement Chaconne en 2005, elle a ajouté à sa discographie Carl-Philipp-Emmanuel Bach, Schumann, Chopin, Mozart ou Hélène de Montgeroult. La lecture du livret d’accompagnement de cet album témoigne de ses talents de pédagogue. Elle explique, schéma à l’appui, le sens de cette expression qui sonne si bien, mais dont bien peu connaissent le sens technique exact, «clavier bien tempéré». L’auditeur familier de l’œuvre et des dizaines d’interprétation peine à analyser l’apport de cette Nième version. Son exécution de la panoplie d’exercices à la fois technique, malicieuse et jubilatoire que Bach a composée ne trouve pas sous les doigts, indiscutablement déliés de cette belle technicienne (brillants Prélude et Fugue n°15), l’originalité espérée. On sent un long compagnonnage avec l’ensemble des pages pour clavier de Bach, une intelligence aiguë de qui se joue ici. Mais trop souvent l’interprétation reste froide, comme distanciée, sans prise de risque, sans l’engagement et ce grain d’audace qui peut ravir ou émouvoir. L’adjectif scolaire serait trop sévère pour qualifier cette approche, car loin d’être une élève appliquée, Edna Stern a une réelle expertise de musicienne. Le terme plus exact serait prudent comme si la pianiste n’osait pas aller jusqu’au bout de partis pris qui restent latents. Ainsi du chant dont on croit discerner la présence secrète. Sans doute en récital public, cette réserve trouverait maintes occasions de se dissiper, libérant la souplesse d’une ligne, modelant l’apparente sécheresse d’une fugue. Heureusement, une harmonieuse poésie trouve un épanouissement ponctuel. Ainsi, ce sont deux exemples parmi d’autres, dans les Prélude et fugue n°10 BWV 855 ou n°17 BWV 862.
Face à cette somme, à ce sommet de la littérature pour clavier, Edna Stern ne manque pas d’atouts. Peut-être l’enjeu ou les circonstances – que nous ignorons – de l’enregistrement ont-ils bridé un tempérament – sans jeu de mot – qui se révèle ici trop timide. On regrette de n’être pas transporté davantage. Ne disons rien du titre anglais de l’album Book of Zen où l’assimilation de Bach avec une approche bouddhiste relève d’une mode aussi réductrice qu’irritante.
Jean Jordy
Edna Stern, pianiste israélo-belge, a fréquenté les cours ou les master classes des plus grands virtuoses, entre autres Martha Argerich, Krystian Zymmerman, Alicia de Larrocha, Andreas Steier, Léon Fleisher. Depuis son premier enregistrement Chaconne en 2005, elle a ajouté à sa discographie Carl-Philipp-Emmanuel Bach, Schumann, Chopin, Mozart ou Hélène de Montgeroult. La lecture du livret d’accompagnement de cet album témoigne de ses talents de pédagogue. Elle explique, schéma à l’appui, le sens de cette expression qui sonne si bien, mais dont bien peu connaissent le sens technique exact, «clavier bien tempéré». L’auditeur familier de l’œuvre et des dizaines d’interprétation peine à analyser l’apport de cette Nième version. Son exécution de la panoplie d’exercices à la fois technique, malicieuse et jubilatoire que Bach a composée ne trouve pas sous les doigts, indiscutablement déliés de cette belle technicienne (brillants Prélude et Fugue n°15), l’originalité espérée. On sent un long compagnonnage avec l’ensemble des pages pour clavier de Bach, une intelligence aiguë de qui se joue ici. Mais trop souvent l’interprétation reste froide, comme distanciée, sans prise de risque, sans l’engagement et ce grain d’audace qui peut ravir ou émouvoir. L’adjectif scolaire serait trop sévère pour qualifier cette approche, car loin d’être une élève appliquée, Edna Stern a une réelle expertise de musicienne. Le terme plus exact serait prudent comme si la pianiste n’osait pas aller jusqu’au bout de partis pris qui restent latents. Ainsi du chant dont on croit discerner la présence secrète. Sans doute en récital public, cette réserve trouverait maintes occasions de se dissiper, libérant la souplesse d’une ligne, modelant l’apparente sécheresse d’une fugue. Heureusement, une harmonieuse poésie trouve un épanouissement ponctuel. Ainsi, ce sont deux exemples parmi d’autres, dans les Prélude et fugue n°10 BWV 855 ou n°17 BWV 862.
Face à cette somme, à ce sommet de la littérature pour clavier, Edna Stern ne manque pas d’atouts. Peut-être l’enjeu ou les circonstances – que nous ignorons – de l’enregistrement ont-ils bridé un tempérament – sans jeu de mot – qui se révèle ici trop timide. On regrette de n’être pas transporté davantage. Ne disons rien du titre anglais de l’album Book of Zen où l’assimilation de Bach avec une approche bouddhiste relève d’une mode aussi réductrice qu’irritante.
Jean Jordy
Publié le 25/09/2023 à 18:43.