Charles Quef

Légendes
Denis Tchorek, orgue. CD Hortus.

Charles Quef (1873-1931) est un organiste et compositeur qui n’est pas passé à la postérité à l’inverse de certains de ses contemporains tels que Widor ou Guilmant dont il fut l’élève. Il accède au poste de titulaire à l’église de la Trinité, à Paris, en 1899 et conserve cette fonction durant 30 ans jusqu’à sa mort. Les circonstances conflictuelles de son arrivée à ce poste, suite à la démission de son maître Alexandre Guilmant, lui ont hélas valu une déconsidération du milieu de l’orgue dont il a pâti. Univers complexe que celui des tribunes d’orgues… !
Cet oubli relatif est néanmoins regrettable. Nous découvrons en effet de très belles pièces, magnifiquement mises en valeur par l’instrument. Denis Tchorek a choisi l’orgue du sanctuaire Saint Jérôme de Toulouse. Située au plein coeur de la ville rose, cette église abrite un orgue de la manufacture Puget, grande maison toulousaine de facture d’orgue. Ce choix est d’autant plus pertinent que Charles Quef possédait dans sa villa un orgue de salon de ce même facteur. Les instruments authentiques de Puget étant rares, ce choix est donc apparu comme une évidence et on ne peut qu’en féliciter Denis Tchorek. Les timbres sont splendides: des fonds généreux, moelleux; des plein-jeux scintillants et acérés; un cromorne d’une grande poésie; des voix célestes aériennes.
Tout cela met parfaitement en valeur la musique de Charles Quef qui ne cherche pas le sensationnel. L’écriture reste bien dans l’esthétique de son temps mais reflète une personnalité propre. Le compositeur exploite parfois des thèmes populaires, comme dans les Rhapsodies sur des thèmes bretons. On ressent également dans cette écriture le métier de l’organiste liturgique, amené à commenter brièvement les textes sacrés au cours de l’office.
Il faut bien entendu saluer l’interprétation parfaite de Denis Tchorek, organiste mais aussi chercheur, sa thèse ayant porté notamment sur Alexandre Guilmant. C’est donc en véritable spécialiste qu’il aborde ce répertoire et qu’il nous le fait partager avec bonheur. Le phrasé impeccable ne laisse aucun détail de l’écriture en retrait, donnant à l’ensemble une grande clarté.
L’écoute de ce CD peut donc être l’occasion d’une double découverte: celle de ce compositeur injustement oublié et celle de cet orgue magnifique situé au coeur de Toulouse, ville richement dotée en orgues de toutes esthétiques et rebaptisée chaque année “Toulouse les Orgues” lors d’un célèbre festival.

Pierre-Jean Schoen
Publié le 12/07/2023 à 00:21.