Clara et Robert Schumann
Concertos pour piano
Clara Wieck-Schumann, Concerto pour piano n°1 op. 7; Robert Schumann, Concerto pour piano op. 54, Widmung op. 25. Béatrice Rana piano, Chamber Orchestra of Europe, direction Yannick Nézet-Séguin . CD Warner Classics
«Tu me complètes comme compositeur, de même que moi pour toi. Chacune de tes pensées provient de mon âme, de même que je te dois toute ma musique» (lettre de Robert à Clara du 10 juillet1839). L’amour que Robert porte à Clara, l’amour que Clara porte à Robert, relèvent de la fusion sentimentale, musicale, artistique. Associer les deux époux dans un même enregistrement s’impose donc comme une évidence, pourtant rarement tentée à ce niveau d’interprétation. Le projet que porte avec ferveur la lumineuse pianiste Béatrice Rana et l’enthousiaste chef Yannick Nézet-Séguin trouve son accomplissement dans cet album exceptionnel. Clara était une pianiste virtuose, remportant partout où elle se produisait de véritables triomphes. Mais elle était également douée d’un talent de composition qui éclate dans le Concerto n°1 en La Mineur. Clara Wieck, l’a écrit à l’âge de 14 ans et créé à 16 ans sous la direction de Félix Mendelssohn. L’interprétation qu’en livre la pianiste italienne est magnifique d’intensité, de fougue, de virtuosité. Elle relève magistralement le défi de la difficulté technique sans que jamais l’exercice cherche l’exploit ou la performance, tant la justesse de l’expression et le lyrisme sont au rendez-vous. Dans les deux œuvres, quelle finesse dans le toucher, quel art des demi teintes, quelle émotion dans l’impalpable et quelle force dans les élans! Le dialogue entre le piano et le violoncelle dans la Romance du concerto de Clara, d’une grande originalité pour l’époque, exprime toute sa tendresse en respectant l’indication de la compositrice Andante non troppo con grazia. On admire la souplesse et la brillance du tissu sonore de l’Orchestre de Chambre d’Europe. Et singulièrement dans le Concerto de Robert, lui aussi en La mineur, sa transparence, l’équilibre entre les pupitres que construit Yannick Nézet-Séguin. Le chef lyrique qui excelle dans la fosse du MET pour animer les opéras les plus intensément dramatiques redevient ici un grand chef symphonique, alerte, vif comme à son habitude, mais aussi d’une intense puissance poétique. Bien conçu, interprété avec énergie et subtilité, un sens aigu de la dynamique, élégant, l’enregistrement offre en une sorte de bis délicat le Widmung op. 25 n°1, ardent hommage de Robert à sa muse, épouse et égale, dans un arrangement pour piano de Franz Liszt. A l’heure où parait un essai sur Clara Schumann, une icône romantique (éd Le passeur) signé de la biographe de Robert, Brigitte François-Sappey, écoutons et réécoutons avec une joie sans ombre le disque où les deux amants semblent confronter et unir à la fois leur force créatrice. C’est une splendeur.
Jean Jordy
Beatrice Rana joue Clara Wieck-Schumann, Piano Concerto en La mineur, Op. 7: II. Romance sur YouTube:
«Tu me complètes comme compositeur, de même que moi pour toi. Chacune de tes pensées provient de mon âme, de même que je te dois toute ma musique» (lettre de Robert à Clara du 10 juillet1839). L’amour que Robert porte à Clara, l’amour que Clara porte à Robert, relèvent de la fusion sentimentale, musicale, artistique. Associer les deux époux dans un même enregistrement s’impose donc comme une évidence, pourtant rarement tentée à ce niveau d’interprétation. Le projet que porte avec ferveur la lumineuse pianiste Béatrice Rana et l’enthousiaste chef Yannick Nézet-Séguin trouve son accomplissement dans cet album exceptionnel. Clara était une pianiste virtuose, remportant partout où elle se produisait de véritables triomphes. Mais elle était également douée d’un talent de composition qui éclate dans le Concerto n°1 en La Mineur. Clara Wieck, l’a écrit à l’âge de 14 ans et créé à 16 ans sous la direction de Félix Mendelssohn. L’interprétation qu’en livre la pianiste italienne est magnifique d’intensité, de fougue, de virtuosité. Elle relève magistralement le défi de la difficulté technique sans que jamais l’exercice cherche l’exploit ou la performance, tant la justesse de l’expression et le lyrisme sont au rendez-vous. Dans les deux œuvres, quelle finesse dans le toucher, quel art des demi teintes, quelle émotion dans l’impalpable et quelle force dans les élans! Le dialogue entre le piano et le violoncelle dans la Romance du concerto de Clara, d’une grande originalité pour l’époque, exprime toute sa tendresse en respectant l’indication de la compositrice Andante non troppo con grazia. On admire la souplesse et la brillance du tissu sonore de l’Orchestre de Chambre d’Europe. Et singulièrement dans le Concerto de Robert, lui aussi en La mineur, sa transparence, l’équilibre entre les pupitres que construit Yannick Nézet-Séguin. Le chef lyrique qui excelle dans la fosse du MET pour animer les opéras les plus intensément dramatiques redevient ici un grand chef symphonique, alerte, vif comme à son habitude, mais aussi d’une intense puissance poétique. Bien conçu, interprété avec énergie et subtilité, un sens aigu de la dynamique, élégant, l’enregistrement offre en une sorte de bis délicat le Widmung op. 25 n°1, ardent hommage de Robert à sa muse, épouse et égale, dans un arrangement pour piano de Franz Liszt. A l’heure où parait un essai sur Clara Schumann, une icône romantique (éd Le passeur) signé de la biographe de Robert, Brigitte François-Sappey, écoutons et réécoutons avec une joie sans ombre le disque où les deux amants semblent confronter et unir à la fois leur force créatrice. C’est une splendeur.
Jean Jordy
Beatrice Rana joue Clara Wieck-Schumann, Piano Concerto en La mineur, Op. 7: II. Romance sur YouTube:
Publié le 12/06/2023 à 20:27.