Théâtre du Capitole
> 21 avril

Traviata

Photographies par Mirco Magliocca
Avec la reprise de la mise en scène du regretté Pierre Rambert, les somptueux costumes de Franck Sorbier, La Traviata, telle qu’a pu l’apprécier le public toulousain en 2018, le séduit à nouveau; on se laisse emporter dans l’univers fastueux et chatoyant imaginé par Alexandre Dumas dans le roman, puis pièce de théâtre «La Dame aux Camélias», inspirée de l’histoire vraie d’Alphonsine Duplessis, Marguerite Gautier chez Dumas, Violetta Valéry chez Verdi.
Intemporelle, l’histoire, révélatrice par son titre, «La dévoyée», illustre l’affrontement des conventions sociales, associées à la vanité, la bêtise et l’égoïsme et de la passion amoureuse, désintéressée et sincère. Comme il se doit, c’est un peu simpliste au premier degré, mais en dit plus qu’il n’y paraît. Au-delà de l’émotion face à la douleur, puis la mort tragique de Violetta, peut-être accélérée par sa peine, mais qu’on attend dès le début parce qu’elle l’annonce elle-même et qu’on comprend qu’elle est tuberculeuse, ce qui frappe, c’est qu’elle seule paie le prix fort de ses choix. C’est en fait une constante du XIXe, de sa morale bourgeoise étriquée: la femme, cette éternelle mineure du Code Napoléon, est un être faible et finalement dangereux, il faut la contrôler et ne pas hésiter à la sanctionner lourdement. Lorsque le droit ne peut pas être invoqué, Dieu ou le destin va s’en charger. Les héroïnes du XIXe ne survivent pas à «leurs péchés»: c’est vrai dans Le Rouge et le Noir , dans Nana , c’est porté à son paroxysme par Flaubert avec la description horrible de la mort de Madame Bovary . La première à y échapper, c’est Odette de A la recherche du temps perdu .
C’est important de lire ou d’écouter en gardant en mémoire cette attitude générale qui a fortement marqué les esprits.
Après ce petit détour, on doit souligner la qualité de la mise en scène, même si la poupée qui apparaît dans le premier et le dernier acte n’apporte pas grand-chose, tout comme la symbolique de la mort annoncée de Violetta qui monte au ciel dans la grisaille des rideaux de son lit qui n’en finissent pas. Ce n’est qu’un détail. Sur le plan musical, c’est globalement réussi même si le premier acte est un peu décevant: la voix de Zuzana Markova est un peu dure, métallique et on manque l’émotion qui marque pourtant la fin du premier acte. En revanche, à partir du second ses immenses qualités vocales sont évidentes, ainsi que son talent d’actrice, tout ne tenant pas aux seules consignes du metteur en scène. Alfredo est fort bien incarné par Amitai Pati, dont le «père» est magistralement campé par Jean-François Lapointe, qui fait bien ressortir les contradictions de cet homme, sûr d’incarner le Bien, alors qu’il n’est finalement que le pitoyable responsable d’un beau gâchis. Les autres solistes sont à la hauteur comme les danseurs-acrobates. Le chœur et l’orchestre national du Capitole sont conduits de main de maître par Michele Spotti, qui sait jouer de la nuance, mettre en valeur les voix. Une belle soirée.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 25/04/2023 à 19:39, mis à jour le 25/04/2023 à 19:42.