Chants nostalgiques
Fauré, Chausson, Sohy
Fauré, La Bonne Chanson; Chausson, Chanson perpétuelle, poème de l’amour et de la mer; Charlotte Sohy, Trois chants nostalgiques. Marie-Laure Garnier, soprano, Célia Oneto Bensaid, piano, Quatuor Hanson. CD L’Estran Live.
Sous le titre emprunté à des pages de Charlotte Sohy, la chanteuse et ses partenaires ont enregistré en public des mélodies de trois compositeurs français, Fauré, Sohy et Chausson. Et la discrète mélancolie que ce CD distille ouvre sur bien des joies intérieures.
Marie-Laure Granier, bien connue du public toulousain, interprète d’abord La Bonne Chanson, titre du recueil de Verlaine publié en 1870, à partir duquel Fauré a élaboré un cycle de neuf mélodies (1892-1894) pour ténor et piano, élargi à un quatuor à cordes. Le déploiement élastique des lignes mélodiques, la calme respiration des instruments, la clarté et la souplesse de la voix rendent justice à ces «airs ingénus», à «l’heure exquise», au «vaste et tendre apaisement», au «faible espoir d’aurore» chantés par le poète et le compositeur, unis dans la même ferveur amoureuse (fin de la septime mélodie, superbement émouvante) que guette le tremblement de la perte. On aime le climat mystérieux et pudique de cette interprétation collective où le radieux «soleil d’or», «le grand soleil complice de ma joie» se mêle à l’incertain. Tout semble interroger: «N’est-ce pas? nous irons gais et lents… ». L’admirable Chanson perpétuelle de Chausson, sur un poème de Charles Cros révèle la tragédie intime que vit une femme amoureuse abandonnée. Tous les frissons de la sensuelle et douloureuse passion passent dans les couleurs de la voix de la soprano, dans la tension lyrique des cordes du magnifique Quatuor Hanson, dans les notes inquiètes que délivre Célia Oneto Bensaid et l’auditeur à son tour frissonne. La précieuse originalité du concert public et de son enregistrement est à trouver dans la présence au programme de la compositrice Charlotte Sohy (1887-1955), amie de Nadia Boulanger et de Mel Bonis, dont les œuvres furent jouées par Ravel, Dukas ou Fauré. Sa symphonie, oubliée, a été créée en… 2019. Au cœur du concert on découvre avec un plaisir certain ses trois Chants nostalgiques (1910) sur des poèmes du mal connu Cyprien Halgan (1838-1896). L’audace du rapport ludique à la prosodie, la largeur du rythme, le déploiement du lyrisme animent des mélodies inventives qu’habitent la voix engagée et le son profond des instruments. Le motif récurrent de la lassitude influence une musique à la fois souple et sensuelle. Le Poème de l’Amour et de la Mer (1893) de Chausson clôt superbement un récital où on frôle non sans douleur «l’âme des choses» (Maxime Bouchor). Au long de l’enregistrement se manifeste avec une lumineuse discrétion la sensibilité de la pianiste Célia Oneto Bensaid, qui défend ailleurs une autre compositrice presque oubliée, Marie Jaëll, et qu’on a aimée dans un cocktail Glass / Ravel / Pepin. Depuis leur premier disque consacré à Haydn en 2019, le Quatuor Hanson (Anton Hanson, Jules Dussap, violons, Gabrielle Lafait, alto, Simon Dechambe, violoncelle) apporte à la musique de chambre une fraicheur, un élan, une poétique profondeur qui irriguent ce CD. Dans cet original écrin instrumental, la voix de Marie-Laure Garnier déploie son élégance, le galbe de sa ligne, un sens avéré de la poésie qui nous rendent cet ensemble très précieux.
Jean Jordy
Sous le titre emprunté à des pages de Charlotte Sohy, la chanteuse et ses partenaires ont enregistré en public des mélodies de trois compositeurs français, Fauré, Sohy et Chausson. Et la discrète mélancolie que ce CD distille ouvre sur bien des joies intérieures.
Marie-Laure Granier, bien connue du public toulousain, interprète d’abord La Bonne Chanson, titre du recueil de Verlaine publié en 1870, à partir duquel Fauré a élaboré un cycle de neuf mélodies (1892-1894) pour ténor et piano, élargi à un quatuor à cordes. Le déploiement élastique des lignes mélodiques, la calme respiration des instruments, la clarté et la souplesse de la voix rendent justice à ces «airs ingénus», à «l’heure exquise», au «vaste et tendre apaisement», au «faible espoir d’aurore» chantés par le poète et le compositeur, unis dans la même ferveur amoureuse (fin de la septime mélodie, superbement émouvante) que guette le tremblement de la perte. On aime le climat mystérieux et pudique de cette interprétation collective où le radieux «soleil d’or», «le grand soleil complice de ma joie» se mêle à l’incertain. Tout semble interroger: «N’est-ce pas? nous irons gais et lents… ». L’admirable Chanson perpétuelle de Chausson, sur un poème de Charles Cros révèle la tragédie intime que vit une femme amoureuse abandonnée. Tous les frissons de la sensuelle et douloureuse passion passent dans les couleurs de la voix de la soprano, dans la tension lyrique des cordes du magnifique Quatuor Hanson, dans les notes inquiètes que délivre Célia Oneto Bensaid et l’auditeur à son tour frissonne. La précieuse originalité du concert public et de son enregistrement est à trouver dans la présence au programme de la compositrice Charlotte Sohy (1887-1955), amie de Nadia Boulanger et de Mel Bonis, dont les œuvres furent jouées par Ravel, Dukas ou Fauré. Sa symphonie, oubliée, a été créée en… 2019. Au cœur du concert on découvre avec un plaisir certain ses trois Chants nostalgiques (1910) sur des poèmes du mal connu Cyprien Halgan (1838-1896). L’audace du rapport ludique à la prosodie, la largeur du rythme, le déploiement du lyrisme animent des mélodies inventives qu’habitent la voix engagée et le son profond des instruments. Le motif récurrent de la lassitude influence une musique à la fois souple et sensuelle. Le Poème de l’Amour et de la Mer (1893) de Chausson clôt superbement un récital où on frôle non sans douleur «l’âme des choses» (Maxime Bouchor). Au long de l’enregistrement se manifeste avec une lumineuse discrétion la sensibilité de la pianiste Célia Oneto Bensaid, qui défend ailleurs une autre compositrice presque oubliée, Marie Jaëll, et qu’on a aimée dans un cocktail Glass / Ravel / Pepin. Depuis leur premier disque consacré à Haydn en 2019, le Quatuor Hanson (Anton Hanson, Jules Dussap, violons, Gabrielle Lafait, alto, Simon Dechambe, violoncelle) apporte à la musique de chambre une fraicheur, un élan, une poétique profondeur qui irriguent ce CD. Dans cet original écrin instrumental, la voix de Marie-Laure Garnier déploie son élégance, le galbe de sa ligne, un sens avéré de la poésie qui nous rendent cet ensemble très précieux.
Jean Jordy
Publié le 11/04/2023 à 19:39.