La Montagne magique
Quatuor Lontano et ses invités
Œuvres d’Aaron Copland, Maurice Ravel (arrangement), Igor Stravinsky, Paul Novak, Luciano Berio. Quatuor Lontano et artistes invités. CD Cascavelle.
S’il est un lieu, s’il est un festival où souffle l’esprit, c’est bien Assy en Savoie, balcon face au Mont Blanc; c’est l’église Notre Dame de Toute Grâce dont tour à tour Rouault, Léger, Chagall, Matisse, Bonnard, Lurçat, Braque, Bazaine, Richier ont magnifié l’âme; ce sont bien les Musicales d’Assy qui fêtent par cet enregistrement sept années de convivialité, d’harmonie, de partage. Le titre de l’album La Montagne magique fait bien évidemment écho au roman de Thomas Mann: en situant à la même altitude l’inspiration, il cherche avant tout à souligner la magie des lieux et des rencontres musicales dont le disque est l’écho fervent. Le Quatuor Lontano, pionnier du festival et ses invités ont composé un programme réunissant dans le même élan des compositeurs d’hier et d’aujourd’hui. Au centre de gravité de l’album, sept pages de musique de chambre de Stravinski, venu dans les années 1930 faire soigner son épouse, séjourner lui-même, au sanatorium de Sancellemoz situé au plateau d’Assy. Le Concertino pour Quatuor est interprété avec un mordant, un sens du rythme, du rebond qui en font une œuvre majeure malgré son titre diminutif. Son relief contraste avec la tendre Berceuse de l’Oiseau de feu pour violon (Pauline Klaus) et piano (Violaine Debever), son lent étirement, et avec la fameuse Danse russe de Petrouchka, très slave, d’esprit ludique. Le Double Canon dodécaphonique (1959) et ses audaces harmoniques semblent répondre aux Trois pièces pour Quatuor de 1914. Par-delà les périodes, le compositeur renoue avec la formation du quatuor, rare dans sa production, pour explorer un champ renouvelé de son inspiration. Le Cantique, joué ici avec une pénétrante concentration, révèle un Stravinsky méditatif d’une puissante facture. L’envoutant Lento molto pour Quatuor d’Aaron Copland ouvre l’album: l’ensemble à cordes en restitue avec finesse et profondeur la trame à la fois pleine et légère. Les mêmes qualités se confirment dans la pittoresque transcription signée du jeune compositeur Antonin Rey de quatre des six mouvements du Tombeau de Couperin de Ravel. Flûte, clarinette, hautbois et harpe s’associent au quatuor pour des danses d’une vivacité colorée. Le jeune compositeur américain Paul Novak né en 1998 a pu créer en 2022 une pièce dont la subtilité et la richesse a séduit le public et les organisateurs des Musicales. La découvrir ici n’est pas le moindre intérêt de cet enregistrement. Elle semble dans le prolongement de Pièces de Stravinsky tout en proposant un univers original. Le traitement des sonorités des quatre instruments, fondus ou distincts, étonnements appariés, la dynamique du mouvement ininterrompu de treize minutes construisent un voyage imaginaire dans un monde mystérieux «comme une volée d’oiseaux» (A string Quartet is like a flock of birds, est le titre de la pièce). Sa puissance d’évocation est indéniable. Onze «Chants populaires» de Luciano Bério concluent l’album dont ils semblent faire la lyrique synthèse. Portés par la voix prenante d’Amaya Dominguez, mezzo-soprano, et un ensemble de chambre richement étoffé, ces Folk Songs universels rapprochent dans la même communion musicale les compositeurs et les musiciens de cet album original qu’on écoute avec recueillement.
L’écriture à trois voix du livret malgré leur qualité propre, n’aide pas toujours à saisir la cohérence du projet et l’articulation entre les œuvres choisies. Vétille. L’auditeur reste continûment sensible à la qualité de l’interprétation de tous les musiciens réunis pour exprimer l’essence d’un espace musical et culturel unique.
Jean Jordy
S’il est un lieu, s’il est un festival où souffle l’esprit, c’est bien Assy en Savoie, balcon face au Mont Blanc; c’est l’église Notre Dame de Toute Grâce dont tour à tour Rouault, Léger, Chagall, Matisse, Bonnard, Lurçat, Braque, Bazaine, Richier ont magnifié l’âme; ce sont bien les Musicales d’Assy qui fêtent par cet enregistrement sept années de convivialité, d’harmonie, de partage. Le titre de l’album La Montagne magique fait bien évidemment écho au roman de Thomas Mann: en situant à la même altitude l’inspiration, il cherche avant tout à souligner la magie des lieux et des rencontres musicales dont le disque est l’écho fervent. Le Quatuor Lontano, pionnier du festival et ses invités ont composé un programme réunissant dans le même élan des compositeurs d’hier et d’aujourd’hui. Au centre de gravité de l’album, sept pages de musique de chambre de Stravinski, venu dans les années 1930 faire soigner son épouse, séjourner lui-même, au sanatorium de Sancellemoz situé au plateau d’Assy. Le Concertino pour Quatuor est interprété avec un mordant, un sens du rythme, du rebond qui en font une œuvre majeure malgré son titre diminutif. Son relief contraste avec la tendre Berceuse de l’Oiseau de feu pour violon (Pauline Klaus) et piano (Violaine Debever), son lent étirement, et avec la fameuse Danse russe de Petrouchka, très slave, d’esprit ludique. Le Double Canon dodécaphonique (1959) et ses audaces harmoniques semblent répondre aux Trois pièces pour Quatuor de 1914. Par-delà les périodes, le compositeur renoue avec la formation du quatuor, rare dans sa production, pour explorer un champ renouvelé de son inspiration. Le Cantique, joué ici avec une pénétrante concentration, révèle un Stravinsky méditatif d’une puissante facture. L’envoutant Lento molto pour Quatuor d’Aaron Copland ouvre l’album: l’ensemble à cordes en restitue avec finesse et profondeur la trame à la fois pleine et légère. Les mêmes qualités se confirment dans la pittoresque transcription signée du jeune compositeur Antonin Rey de quatre des six mouvements du Tombeau de Couperin de Ravel. Flûte, clarinette, hautbois et harpe s’associent au quatuor pour des danses d’une vivacité colorée. Le jeune compositeur américain Paul Novak né en 1998 a pu créer en 2022 une pièce dont la subtilité et la richesse a séduit le public et les organisateurs des Musicales. La découvrir ici n’est pas le moindre intérêt de cet enregistrement. Elle semble dans le prolongement de Pièces de Stravinsky tout en proposant un univers original. Le traitement des sonorités des quatre instruments, fondus ou distincts, étonnements appariés, la dynamique du mouvement ininterrompu de treize minutes construisent un voyage imaginaire dans un monde mystérieux «comme une volée d’oiseaux» (A string Quartet is like a flock of birds, est le titre de la pièce). Sa puissance d’évocation est indéniable. Onze «Chants populaires» de Luciano Bério concluent l’album dont ils semblent faire la lyrique synthèse. Portés par la voix prenante d’Amaya Dominguez, mezzo-soprano, et un ensemble de chambre richement étoffé, ces Folk Songs universels rapprochent dans la même communion musicale les compositeurs et les musiciens de cet album original qu’on écoute avec recueillement.
L’écriture à trois voix du livret malgré leur qualité propre, n’aide pas toujours à saisir la cohérence du projet et l’articulation entre les œuvres choisies. Vétille. L’auditeur reste continûment sensible à la qualité de l’interprétation de tous les musiciens réunis pour exprimer l’essence d’un espace musical et culturel unique.
Jean Jordy
Publié le 20/03/2023 à 19:49, mis à jour le 21/03/2023 à 17:56.