Compositrices françaises
Sophia Vaillant, piano
Pièces pour piano d’Hélène de Montgeroult, Louise Farrenc, Cécile Chaminade, Pauline Viardot, Germaine Tailleferre, Lili Boulanger, Betsy Jolas, Edith Lejet, Graciane Finzi, Edith Canat de Chizy. CD Indésens.
Quelle louable intention! Quelle conception déconcertante! Réunir dans un même album des pages de piano de dix compositrices françaises de 1788 à 2010 relève d’un projet séduisant. Les interpréter avec cette palette chromatique et cette élégance mérite tous les éloges. Mais ne retenir de ces musiciennes remarquables que des mélodies si brèves, la plupart de trois, voire de de moins deux minutes, c’est réduire la portée de leur immense talent. Elles ne seraient donc capables que de cela, leur talent ne pouvant excéder la durée d’une brève romance ou d’un impromptu. Certes les précieuses fiches biographiques de chacune élargit leurs compétences bien au-delà. Certes, la pianiste admet que les «pièces sont, dans son ensemble, intentionnellement courtes, et contrastées». Mais ce choix n’est pas justifié et apparaît posé comme une évidence. Il peut suffire de quelques mesures pour qu’éclate un(e) génie et on le pressent plus d’une fois ici. Ainsi la réticence s’efface-t-elle peu à peu à l’écoute de ce superbe enregistrement.
L’Etude n°11 en sol mineur d’Hélène de Montgeroult (1764-1836) impressionne par sa force, son énergie, l’élan de son discours que l’on peut rapprocher de la fièvre de maints compositeurs romantiques. L’interprétation de Sophia Vaillant se fait tendre et lumineuse pour distiller le Nocturne de Louise Farrenc (1860), sautillante et pleine de verve dans les trois Danses anciennes de Cécile Chaminade (1899), souple et ardente pour la Mazourke chaloupée de Pauline Viardot (1908), chantante pour l’Impromptu inventif de Germaine Tailleferre (1912). De Lili Boulanger, figurent les Trois pièces bien connues que sont «D’un vieux jardin/ D’un jardin clair / Cortège. L’interprète en accentue le mystère prenant, la sérénité nostalgique, la luminosité estompée et in fine l’éclatante émotion. Quatre contemporaines sont invitées dans ce florilège. Tango Si et Signets Hommage à Ravel empruntent à l’univers musical de Betsy Jonas, née en 1926. Le premier apparaît plein d’humour; le second dans sa modernité est une savante improvisation à la fois légère et serrée, revisitant moins Ravel que l’actualisant en somme. Sophia Vaillant y fait valoir un sens du rythme et des couleurs qui donnent à ces pages une vivacité, une jeunesse revigorantes. Les Trois Eaux-fortes d’Edith Lejet (1992) vibrent, chacune avec ses timbres, selon des jeux d’échos, de résonances, de contrastes, des ricochets sonores qui propagent des ondes mystérieusement envoûtantes. De Graciane Finzi, la Barcarolle du souvenir (2001) semble tour à tour se construire et se déconstruire, alternant passages toniques et bribes, appuis solides et virtuosité légère, comme si elle refusait de se faire appréhender dans une unité rigoureuse. Le si beau Prélude au silence (2010) d’Edith Canat de Chizy clôt l’ensemble avec une délicatesse qui émeut.
«Le sujet des femmes dans la musique m’anime au quotidien, notamment à travers la vie de l’association Femmes et Musique, dont je suis présidente depuis 2015. ». Cet acte de foi signé Sophia Vaillant trouve dans cet album une belle démonstration qui aurait gagné en efficacité si le nombre de compositrices avait été moindre et leur génie propre manifesté par des œuvres de plus grande ampleur. Tel quel, il fait œuvre utile de vulgarisation en offrant des œuvres passionnantes.
Jean Jordy
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Quelle louable intention! Quelle conception déconcertante! Réunir dans un même album des pages de piano de dix compositrices françaises de 1788 à 2010 relève d’un projet séduisant. Les interpréter avec cette palette chromatique et cette élégance mérite tous les éloges. Mais ne retenir de ces musiciennes remarquables que des mélodies si brèves, la plupart de trois, voire de de moins deux minutes, c’est réduire la portée de leur immense talent. Elles ne seraient donc capables que de cela, leur talent ne pouvant excéder la durée d’une brève romance ou d’un impromptu. Certes les précieuses fiches biographiques de chacune élargit leurs compétences bien au-delà. Certes, la pianiste admet que les «pièces sont, dans son ensemble, intentionnellement courtes, et contrastées». Mais ce choix n’est pas justifié et apparaît posé comme une évidence. Il peut suffire de quelques mesures pour qu’éclate un(e) génie et on le pressent plus d’une fois ici. Ainsi la réticence s’efface-t-elle peu à peu à l’écoute de ce superbe enregistrement.
L’Etude n°11 en sol mineur d’Hélène de Montgeroult (1764-1836) impressionne par sa force, son énergie, l’élan de son discours que l’on peut rapprocher de la fièvre de maints compositeurs romantiques. L’interprétation de Sophia Vaillant se fait tendre et lumineuse pour distiller le Nocturne de Louise Farrenc (1860), sautillante et pleine de verve dans les trois Danses anciennes de Cécile Chaminade (1899), souple et ardente pour la Mazourke chaloupée de Pauline Viardot (1908), chantante pour l’Impromptu inventif de Germaine Tailleferre (1912). De Lili Boulanger, figurent les Trois pièces bien connues que sont «D’un vieux jardin/ D’un jardin clair / Cortège. L’interprète en accentue le mystère prenant, la sérénité nostalgique, la luminosité estompée et in fine l’éclatante émotion. Quatre contemporaines sont invitées dans ce florilège. Tango Si et Signets Hommage à Ravel empruntent à l’univers musical de Betsy Jonas, née en 1926. Le premier apparaît plein d’humour; le second dans sa modernité est une savante improvisation à la fois légère et serrée, revisitant moins Ravel que l’actualisant en somme. Sophia Vaillant y fait valoir un sens du rythme et des couleurs qui donnent à ces pages une vivacité, une jeunesse revigorantes. Les Trois Eaux-fortes d’Edith Lejet (1992) vibrent, chacune avec ses timbres, selon des jeux d’échos, de résonances, de contrastes, des ricochets sonores qui propagent des ondes mystérieusement envoûtantes. De Graciane Finzi, la Barcarolle du souvenir (2001) semble tour à tour se construire et se déconstruire, alternant passages toniques et bribes, appuis solides et virtuosité légère, comme si elle refusait de se faire appréhender dans une unité rigoureuse. Le si beau Prélude au silence (2010) d’Edith Canat de Chizy clôt l’ensemble avec une délicatesse qui émeut.
«Le sujet des femmes dans la musique m’anime au quotidien, notamment à travers la vie de l’association Femmes et Musique, dont je suis présidente depuis 2015. ». Cet acte de foi signé Sophia Vaillant trouve dans cet album une belle démonstration qui aurait gagné en efficacité si le nombre de compositrices avait été moindre et leur génie propre manifesté par des œuvres de plus grande ampleur. Tel quel, il fait œuvre utile de vulgarisation en offrant des œuvres passionnantes.
Jean Jordy
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Publié le 02/02/2023 à 18:33, mis à jour le 02/02/2023 à 18:35.