Théâtre national du Capitole
> 13 octobre
Daphnis et Alcimadure
Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville
Photographies par Alexandre Pajon
Pastorale languedocienne créée en 1754.
De ses grands motets à Daphnis et Alcimadure, le Narbonnais Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville fit, en une époque où régnaient Louis XV et Rameau, la démonstration de ses talents et de son originalité. Exhumée d’abord à Montpellier en 1981 pour être jouée sous la forme d’un opéra-ballet, cette partition fut ensuite laissée de côté mais elle n’avait jamais cessé d’occuper l’esprit de Jean-Marc Andrieu. Le chef des Passions a dirigé de nombreuses autres pièces de Mondonville et souhaitait ardemment donner cette œuvre lyrique si particulière puisque chantée en occitan. Il y est enfin parvenu cet automne dans sa ville de Montauban mais aussi au Théâtre national du Capitole de Toulouse. Il dut accepter le dur sacrifice des ballets, essentiels pour apprécier l’esthétique des pastorales chères au compositeur et au XVIIIe siècle, et tout miser sur une version concert. Le défi était de taille. L’orchestre des Passions, le chœur des Éléments de Joël Suhubiette et quatre voix solistes ont permis à ce chef énergique d’emporter la conviction et l’enthousiasme des spectateurs.
La matière sonore en est riche, reconstituée par Jean-Marc Andrieu qui a complété fort judicieusement les seules parties de violons et des basses connues en faisant entendre des harmoniques rares. Les cordes sont parfaitement traitées. Pour cette évocation pastorale on entend même un écho de vielle à roue comme les clochettes des moutons en plus des tambourins et tambours. Le recours aux cors et trompettes naturelles et l’appui judicieux des bassons donnent élan et vivacité à l’interprétation conduite avec un enthousiasme communicatif par le chef. La musique de Mondonville, y compris dans ses motets, est marquée par une forte théâtralité. Cela permet au très remarquable haute-contre François-Nicolas Geslot (Daphnis) d’entraîner dans son sillage la soprane Élodie Fonnard (Alcimadure) et le ténor Fabien Hyon (Jeanet). François-Nicolas Gelot, par une belle présence et sa capacité à rejoindre des aigus dramatiques avec un timbre parfois sombre dans les graves, donne à Daphnis une épaisseur psychologique rare dans une pastorale. Par moment on croirait retrouver l’Orphée de Glück. La coquette Alcimadure marque moins les esprits mais tient bien son rôle tandis que le rusé Jeanet fait montre d’une belle vigueur et entraîne aussi l’action. La complicité du trio sur scène, avec ses accents italianisants, est très convaincante. Le chœur, très musique française, dresse avec talent le décor et donne une dimension «cour royale» à l’œuvre.
Cette reconstitution fut donc très réussie et marque assurément un tournant. La démonstration des qualités de la partition et des interprètes est faite. D’une part on devrait entendre l’œuvre plus souvent et d’autre part Jean-Marc Andrieu devrait pouvoir bientôt la diriger dans sa forme originale avec ballets, costumes et décors.
En attendant la version filmée du concert et un disque seront les bienvenus.
Alexandre Pajon
De ses grands motets à Daphnis et Alcimadure, le Narbonnais Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville fit, en une époque où régnaient Louis XV et Rameau, la démonstration de ses talents et de son originalité. Exhumée d’abord à Montpellier en 1981 pour être jouée sous la forme d’un opéra-ballet, cette partition fut ensuite laissée de côté mais elle n’avait jamais cessé d’occuper l’esprit de Jean-Marc Andrieu. Le chef des Passions a dirigé de nombreuses autres pièces de Mondonville et souhaitait ardemment donner cette œuvre lyrique si particulière puisque chantée en occitan. Il y est enfin parvenu cet automne dans sa ville de Montauban mais aussi au Théâtre national du Capitole de Toulouse. Il dut accepter le dur sacrifice des ballets, essentiels pour apprécier l’esthétique des pastorales chères au compositeur et au XVIIIe siècle, et tout miser sur une version concert. Le défi était de taille. L’orchestre des Passions, le chœur des Éléments de Joël Suhubiette et quatre voix solistes ont permis à ce chef énergique d’emporter la conviction et l’enthousiasme des spectateurs.
La matière sonore en est riche, reconstituée par Jean-Marc Andrieu qui a complété fort judicieusement les seules parties de violons et des basses connues en faisant entendre des harmoniques rares. Les cordes sont parfaitement traitées. Pour cette évocation pastorale on entend même un écho de vielle à roue comme les clochettes des moutons en plus des tambourins et tambours. Le recours aux cors et trompettes naturelles et l’appui judicieux des bassons donnent élan et vivacité à l’interprétation conduite avec un enthousiasme communicatif par le chef. La musique de Mondonville, y compris dans ses motets, est marquée par une forte théâtralité. Cela permet au très remarquable haute-contre François-Nicolas Geslot (Daphnis) d’entraîner dans son sillage la soprane Élodie Fonnard (Alcimadure) et le ténor Fabien Hyon (Jeanet). François-Nicolas Gelot, par une belle présence et sa capacité à rejoindre des aigus dramatiques avec un timbre parfois sombre dans les graves, donne à Daphnis une épaisseur psychologique rare dans une pastorale. Par moment on croirait retrouver l’Orphée de Glück. La coquette Alcimadure marque moins les esprits mais tient bien son rôle tandis que le rusé Jeanet fait montre d’une belle vigueur et entraîne aussi l’action. La complicité du trio sur scène, avec ses accents italianisants, est très convaincante. Le chœur, très musique française, dresse avec talent le décor et donne une dimension «cour royale» à l’œuvre.
Cette reconstitution fut donc très réussie et marque assurément un tournant. La démonstration des qualités de la partition et des interprètes est faite. D’une part on devrait entendre l’œuvre plus souvent et d’autre part Jean-Marc Andrieu devrait pouvoir bientôt la diriger dans sa forme originale avec ballets, costumes et décors.
En attendant la version filmée du concert et un disque seront les bienvenus.
Alexandre Pajon
Publié le 25/10/2022 à 11:39.