The Metropolitan Opera, New-York
> 14 octobre

Idomeneo

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Quelques mots sur l’histoire du Met: le premier opéra new-yorkais a été construit à l’initiative d’hommes d’affaires de la ville qui souhaitaient disposer d’une salle prestigieuse. Ce sont essentiellement des "nouveaux riches" frustrés de se voir refuser l’entrée à l’Academy of Music, réservé aux vieilles familles. L’idée derrière la création du Met en 1883 est de donner en premier lieu des opéras italiens, selon la volonté de ses riches souscripteurs. Il faut imaginer un cadre approprié, d’où un bâtiment de style Renaissance italienne (mais américanisé bien entendu). Son emplacement est au cœur de la vie culturelle de Big Apple, puisqu’il se situe le long de Broadway entre la 39e et la 45e rues. Restauré après un incendie en 1892, le vieil opéra cède la place en 1966 au nouveau Met au cœur du Lincoln Center. Rien n’est trop beau et la nouvelle salle, conçue comme un gigantesque théâtre à l’italienne, est rouge et ses somptueux lustre en cristal montent et descendent au gré des besoins.
Idomeneo de Mozart, dont la première avait eu lieu à Munich en 1781, alors que le compositeur avait tout juste 25 ans, est proposé dans la production de Jean-Pierre Ponnelle, conçue pour la première au Met de l’opéra en 1982. La vaste scène du théâtre accueille un décor grisé à l’antique qui change par le jeu de plans successifs composant des lieux d’action différents, tous plus beaux les uns que les autres tout à fait dans la ligne des théâtres de l’empire Habsbourg au XVIIIe. La référence des costumes est un XVIIIe épuré, porteur de sens. Electre est revêtue d’une robe somptueuse dont sa folie croissante soulignera la vanité tandis qu’Ilia revêt une tunique blanche, très simple et hors du temps. Il y avait une volonté d’homogénéité qui est visuellement très convaincante.
Passons à l’essentiel dans ce cadre réussi: la musique. Sans réserve, on ne peut que saluer les prouesses. Michael Spyres, que les Toulousains ont apprécié la saison dernière, se révèle un Idoménée exceptionnel. Il semble se jouer des difficultés de certains airs particulièrement difficiles, a une présence sur scène remarquable, donnant toute l’émotion possible à son personnage. Kate Lindsay incarne un Idamante désemparé et déterminé à la voix chatoyante, parfaitement cohérent, passant de la révolte à l’acceptation pour atteindre la parfaite félicité en épousant Ilia, la belle captive qui l’aime passionnément, prête à mourir pour lui sauver la vie. Federica Lombardi campe une Electre terrible, passionnée jusqu’à la folie qui la gagne progressivement. Les rôles secondaires sont eux aussi portés par des voix remarquables. La direction de Manfred Honeck est somptueuse, son excellent, sans jamais couvrir les voix qu’il sert parfaitement.
Comme lors des précédentes représentations, le public est enthousiaste, applaudit avec ferveur les artistes, rappelés à plusieurs reprises. Une soirée que le petit groupe d’Utmisol n’est pas prêt d’oublier.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 25/10/2022 à 12:08.