Nollet
> 24 septembre

Notre bonheur du jour

Photographies par Alexandre Vialle
Plus de 70 amis d’Utmisol ont répondu à l’invitation de l’association musicale pour célébrer en sa demeure ancestrale de Nollet le centenaire de la naissance de l’écrivain José Cabanis. Le fils de l’écrivain et Danielle Cabanis nous accueillaient pour un concert exceptionnel, placé sous le haut patronage et l’amical soutien de Sophie Koch, animatrice d’un jour. On se pressait dans le salon de musique où trône le piano de concert que joua ici même Reynaldo Hahn, dans le salon rouge attenant ou autour du grand billard d’entrée couvert des livres de l’académicien et d’objets personnels, pieusement conservés et exposés. Le Bonheur du jour* que chacun pouvait éprouver unissait l’éloge fervent de la littérature et la joie de la musique vivante. Se mêlaient, dans ces pièces où souffle l’esprit, les Cartes du temps* qui faisaient revivre le souvenir de La Bataille de Toulouse* à côté de pages signées Ravel, Gounod, Mozart ou Verdi. Aucune facilité dans le programme établi pour ce récital lyrique. Après une pièce de Ravel ruisselante jouée par Saska Dzinkovskyi avec quelle élégance, le baryton familier du Capitole Philippe-Nicolas Martin (qu’on retrouvera cette saison dans le Viol de Lucrèce) lance fiévreusement les mélodies de Don Quichotte à Dulcinée, aux couleurs si variées. La voix, dont les Quatre Poèmes de Ropartz creusent encore la profondeur et l’humanité, déploie sa large texture et son émouvante intensité. La jeune soprano Sonia Menen, en écho sans doute involontaire, mais ô combien approprié aux Jeux de la nuit* de notre académicien, conduit l’auditeur à explorer les nuits d’étoiles de Debussy ou de Gounod aux charmes subtils. Quel contraste avec les Filles de Cadix de Delibes sensuellement campées! Des airs d’opéras tissent la seconde partie du concert. Pour elle, c’est tour à tour la Suzanne des Noces, la Juliette de Gounod, Musetta ou Liu de Puccini qui offrent des images tendres, brillantes ou déchirantes de la féminité, servies par une voix dont on admire ici la virtuosité, là la puissance, toujours la sensibilité. Lui émeut dans une mort de Posa du Don Carlo verdien dramatique, pleine de feu et de douleur, intéresse et trouble dans deux extraits rares de Massenet, empruntés au Roi de Lahore et à Cléopâtre. Cette exploration d’un répertoire méconnu n’est pas la moindre qualité d’une interprétation virile et souveraine. L’accompagnement des deux chanteurs par Cyril Kubler s’avère de bout en bout complice, engagée, d’un clair lyrisme. Saska Dzinkovskyi clôt le concert avec brio par une pièce très jazzy d’un compositeur ukrainien, Nikolaï Kapoustine.
Le tirage d’une tombola a permis à plusieurs de gagner des CD ou des places d’opéra au Capitole. Un, encore plus chanceux, recevait une photographie originale, signée en exemplaire unique, du photographe suisse Sébastien Anex. Ses Neige de camaïeu blanc et ses frissons froissés de lumières colorées, hardiment nommés Transe sibérienne, exposés dans l’entrée majestueuse de Nollet complétaient cette fête des sens et de l’esprit si finement organisée pour le plus grand plaisir des mélomanes et lecteurs* réunis. Plus qu’un beau concert. La communion des arts.

* Les titres en italiques suivies de * évoquent des œuvres de José Cabanis.

Jean Jordy
Publié le 28/09/2022 à 20:00, mis à jour le 05/10/2022 à 14:22.