Dualita

Emöke Baráth, Philippe Jaroussky
CD Erato.

Retrouvant son ami et complice musical, Philippe Jaroussky, à la tête de son ensemble Artaserse, Emöke Baráth propose une bel ensemble d’airs de Haendel, dans lesquels elle est alternativement homme ou femme. Dans le livret d’accompagnement du CD, elle rappelle que les femmes se sont travesties lorsqu’elles étaient interdites de scène et que lorsque les interdits ont disparu ou ont été appliqués avec plus de souplesse, il y a eu un jeu aussi bien théâtral que musical avec les castrats. Il en restera que Mozart avec Chérubin, Strauss avec le Chevalier à la rose composent des rôles masculins pour des voix de femmes, dont certaines jouent à fond l’ambiguïté… On rappelle aussi la carrière exceptionnelle d’artiste de Margherita Durastante, connue sous le nom de Durastanti, qu’Haendel fit venir à Londres et pour laquelle il avait composé le rôle-titre d’Agrippina.
Ici, on a le plaisir d’entendre des airs sublimes pendant plus d’une heure, on a le sentiment de réinvestir une sorte de monde perdu, mystérieux et fascinant. Le choix des airs est très diversifié, ce qui permet à la soprano de donner maintes illustrations de son talent, mis en valeur par l’accompagnement raffiné de Jaroussky et son ensemble. Aux extraits d’airs très connus de Radamisto (ombra cara) et Alcina (ombre pallide) s’ajoutent de très beaux extraits d’Arianna in Creta, d’Armadigi di Gaula, Deidamia et Partenope.
Un bel exercice de virtuosité, mais qui dépasse le côté nécessairement un peu artificiel du genre pour accéder à une grande plénitude musicale.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 07/07/2022 à 08:54, mis à jour le 07/07/2022 à 08:56.