Grand Théâtre de Bordeaux
> 5 juin
Don Giovanni
Photographies par Eric Bouloumi
La trilogie de Mozart -Da Ponte était le cadeau d’adieu de Minkovski à la ville de Bordeaux, dont il quitte la direction de l’Opéra National. UtMiSol était présent à cette ultime performance au sens anglais et français du terme. Rarement, nous avons eu le privilège d’assister à une représentation d’une telle qualité et, de surcroît, dans ce sublime décor du Grand Théâtre de Bordeaux, un modèle d’élégance dont nous apprécions les qualités à chaque déplacement. Nous avons encore en mémoire le Démon de Rubinstein, il y a deux ans, juste avant le premier confinement.
Tous les ingrédients étaient réunis pour une représentation de rêve. Nous avons retrouvé la mise en scène raffinée en même temps que drôle et très alerte, d’Ivan Alexandre qui avait enchanté les spectateurs du Capitole avec sa mise en scène de Cosi fan Tutte, premier opéra proposé au public, après la première vague de la pandémie. Il reprend le principe d’une scène dans la scène avec des rideaux et tentures qui se déplacent, s’arrachent, se replacent, créant avec fort peu d’accessoires, bien choisis, mouvement et animation dans un espace que le spectateur voit plus grand. On est bien dans l’univers de la commedia dell’arte qu’affectionnait Mozart: on passe du rire aux larmes, la vie d’artiste! Les costumes et décors réalisés par Antoine Fontaine sont dans cet état d’esprit, adaptés, mais sans effets exagérés, juste ce qu’il faut de salubre dérision. Leporello en caleçon, avec le catalogue des conquêtes de son maître tatoué sur son corps, en est une illustration fort à propos. Plus, cela aurait été trop…
La musique maintenant: le choix des chanteurs est remarquable. On retrouve Alexandre Duhamel, qui avait été un excellent Guglielmo, est un Don Giovanni de très grande qualité. Sa voix est parfaite pour ce rôle de longue haleine et il y ajoute un jeu scénique vivant, alternant le faux tragique et le comique avec une allégresse joyeuse à laquelle correspondent les qualités vocales et scéniques de Robert Gleadow, un Leporello, réussissant à alterner le comique le plus jubilatoire et la profondeur de sentiments plus nobles. Il se donne à fond à son rôle et on comprend son épuisement après la fin de l’opéra. Alex Rosen prête sa voix et son jeu à un Masetto, attendrissant dans ses doutes et juste ridicule comme il faut, lorsqu’il joue au matamore. Ottavio est campé avec maestria par Julien Hendric, très à l’aise dans ce rôle. Les trois rôles féminins sont magnifiquement incarnés par de vraies mozartiennes, qui savent insuffler à leurs personnages fougue et passion. Pas d’effets faciles, une grande pureté vocale qui correspond bien à l’esprit de Mozart. Ce n’est plus l’opéra vénitien ou napolitain, ce n’est pas encore le bel canto. Un coup de chapeau à Donna Anna alias Iulia Maria Dan, à Donna Elvira, alias Arianna Vendittelli et enfin à la délicieuse Zerlina, alias Alix Le Saux, dont la voix chaude rappelle Tereza Berganza dans le Don Giovanni de Losey.
Cela nous vaut notamment un septuor éblouissant à l’image du final.
Pour couronner le tout, une direction parfaite de Marc Minkovski, qui a su donner à l’orchestre les qualités de son ensemble, avec lequel on aurait pu les confondre, ce qui est un compliment. Trois heures de pur bonheur.
Danielle Anex Cabanis
Tous les ingrédients étaient réunis pour une représentation de rêve. Nous avons retrouvé la mise en scène raffinée en même temps que drôle et très alerte, d’Ivan Alexandre qui avait enchanté les spectateurs du Capitole avec sa mise en scène de Cosi fan Tutte, premier opéra proposé au public, après la première vague de la pandémie. Il reprend le principe d’une scène dans la scène avec des rideaux et tentures qui se déplacent, s’arrachent, se replacent, créant avec fort peu d’accessoires, bien choisis, mouvement et animation dans un espace que le spectateur voit plus grand. On est bien dans l’univers de la commedia dell’arte qu’affectionnait Mozart: on passe du rire aux larmes, la vie d’artiste! Les costumes et décors réalisés par Antoine Fontaine sont dans cet état d’esprit, adaptés, mais sans effets exagérés, juste ce qu’il faut de salubre dérision. Leporello en caleçon, avec le catalogue des conquêtes de son maître tatoué sur son corps, en est une illustration fort à propos. Plus, cela aurait été trop…
La musique maintenant: le choix des chanteurs est remarquable. On retrouve Alexandre Duhamel, qui avait été un excellent Guglielmo, est un Don Giovanni de très grande qualité. Sa voix est parfaite pour ce rôle de longue haleine et il y ajoute un jeu scénique vivant, alternant le faux tragique et le comique avec une allégresse joyeuse à laquelle correspondent les qualités vocales et scéniques de Robert Gleadow, un Leporello, réussissant à alterner le comique le plus jubilatoire et la profondeur de sentiments plus nobles. Il se donne à fond à son rôle et on comprend son épuisement après la fin de l’opéra. Alex Rosen prête sa voix et son jeu à un Masetto, attendrissant dans ses doutes et juste ridicule comme il faut, lorsqu’il joue au matamore. Ottavio est campé avec maestria par Julien Hendric, très à l’aise dans ce rôle. Les trois rôles féminins sont magnifiquement incarnés par de vraies mozartiennes, qui savent insuffler à leurs personnages fougue et passion. Pas d’effets faciles, une grande pureté vocale qui correspond bien à l’esprit de Mozart. Ce n’est plus l’opéra vénitien ou napolitain, ce n’est pas encore le bel canto. Un coup de chapeau à Donna Anna alias Iulia Maria Dan, à Donna Elvira, alias Arianna Vendittelli et enfin à la délicieuse Zerlina, alias Alix Le Saux, dont la voix chaude rappelle Tereza Berganza dans le Don Giovanni de Losey.
Cela nous vaut notamment un septuor éblouissant à l’image du final.
Pour couronner le tout, une direction parfaite de Marc Minkovski, qui a su donner à l’orchestre les qualités de son ensemble, avec lequel on aurait pu les confondre, ce qui est un compliment. Trois heures de pur bonheur.
Danielle Anex Cabanis
Publié le 16/06/2022 à 13:30, mis à jour le 14/09/2022 à 17:51.