Mélodies françaises et duos
1900. Mélodies françaises et duos. Widor, Chausson, Roussel, Duparc, Viardot, Debussy. Estelle Béréau, soprano, Guilhem Terrail, contre-ténor, Paul Montag, piano. CD Artie’s Records
Virtuose de l’orgue, professeur et compositeur, Charles-Marie Widor (1844-1937) mérite mieux que le relatif oubli dans lequel il est tombé, si on excepte sa musique pour orgue. Les trois interprètes lui rendent hommage en choisissant dans cet enregistrement six de ses pages parmi les dix-neuf qui composent leur CD 1900. De l’Extase hugolienne qui ouvre l’album (une découverte précieuse) au Nocturne final qui célèbre le chant «en attendant l’aurore», nous découvrons un compositeur lumineux, vrai mélodiste, imprégné d’une mystique de l’amour à la fois simple et profonde dont les voix mêlées, en écho ou alternées chantent l’émerveillement. On goûte aussi son art de marier la singulière polyphonie vocale et le piano, et la souplesse rythmique de la versification. Les deux chanteurs dont l’ensemble de l’enregistrement manifeste les qualités individuelles (élocution soignée, amplitude, ligne de chant, sens des couleurs) sont-ils ici les mieux appariés, l’une semblant feutrer le second? Était-il par ailleurs nécessaire de dépecer et disperser les opus 30, 40, et 52 (originellement pour soprano et contralto) écrits dans les années 1875? Pareil sort est épargné aux autres unités, notamment les Ariettes oubliées (1887) élues par Debussy dans les Romances sans paroles de Verlaine. Estelle Béreau, voix claire, souple, élégante, saisit le charme étrange de ces poèmes que le compositeur a voulues tour à tour, lentes et caressantes, tristes et monotones, joyeuses et sonores ou animées. Les brouillages des paysages de l’âme qui caractérisent l’écriture verlainienne trouvent leurs harmonieuses correspondances chez le musicien par la finesse, la distinction naturelle du chant et de l’accompagnement que rien ne vient alanguir ou énerver au sens exact du terme. C’est l’extase langoureuse frémit sensuellement avec une envolée d’un puissant lyrisme sur «la tienne», Il pleure dans mon cœur est un chant de deuil qu’approfondit le tendre ruissellement du piano, les Chevaux de bois tournent avec ivresse, Green s’épanche sans langueur, avec une légèreté exquise, Spleen a son juste poids de douleur. Le timbre singulièrement prenant de Guilhem Terrail sied aux mélodies de Chausson et de Duparc: l’accord des compositeurs avec les climats diversement colorés des deux poètes trouve chez le contre-ténor des échos toujours maîtrisés, douloureux ou plus lumineux. Sa prononciation du français – comme ailleurs celle de sa partenaire - s’avère remarquable, par exemple dans la splendide Invitation au voyage à la quelle il confère une belle ampleur et une animation soutenue avec poésie par Paul Montag. La même riche alliance fait frissonner la Chanson triste, d’un lyrisme sans pathos. La Rêverie très simple, très pure de Pauline Viardot, frissonne des réminiscences d’un passé qu’on croyait enfui et dont la mélodie portée par les touches colorées du piano complice et les deux voix enivrées et à nouveau mêlées exhale la reverdie.
Cet enregistrement délicat compose une anthologie poétique et musicale de mélodies exigeantes, bouquet un rien nostalgique, raffiné et parfumé de senteurs, . Ce faisant, les deux chanteurs sont fidèles aux engagements que promeut leur association Effervescences: «faire connaître des répertoires de musique vocale peu mis en valeur»; «promouvoir la musique vocale (… ) avec d’autres instrumentistes professionnels. »
Jean Jordy
Virtuose de l’orgue, professeur et compositeur, Charles-Marie Widor (1844-1937) mérite mieux que le relatif oubli dans lequel il est tombé, si on excepte sa musique pour orgue. Les trois interprètes lui rendent hommage en choisissant dans cet enregistrement six de ses pages parmi les dix-neuf qui composent leur CD 1900. De l’Extase hugolienne qui ouvre l’album (une découverte précieuse) au Nocturne final qui célèbre le chant «en attendant l’aurore», nous découvrons un compositeur lumineux, vrai mélodiste, imprégné d’une mystique de l’amour à la fois simple et profonde dont les voix mêlées, en écho ou alternées chantent l’émerveillement. On goûte aussi son art de marier la singulière polyphonie vocale et le piano, et la souplesse rythmique de la versification. Les deux chanteurs dont l’ensemble de l’enregistrement manifeste les qualités individuelles (élocution soignée, amplitude, ligne de chant, sens des couleurs) sont-ils ici les mieux appariés, l’une semblant feutrer le second? Était-il par ailleurs nécessaire de dépecer et disperser les opus 30, 40, et 52 (originellement pour soprano et contralto) écrits dans les années 1875? Pareil sort est épargné aux autres unités, notamment les Ariettes oubliées (1887) élues par Debussy dans les Romances sans paroles de Verlaine. Estelle Béreau, voix claire, souple, élégante, saisit le charme étrange de ces poèmes que le compositeur a voulues tour à tour, lentes et caressantes, tristes et monotones, joyeuses et sonores ou animées. Les brouillages des paysages de l’âme qui caractérisent l’écriture verlainienne trouvent leurs harmonieuses correspondances chez le musicien par la finesse, la distinction naturelle du chant et de l’accompagnement que rien ne vient alanguir ou énerver au sens exact du terme. C’est l’extase langoureuse frémit sensuellement avec une envolée d’un puissant lyrisme sur «la tienne», Il pleure dans mon cœur est un chant de deuil qu’approfondit le tendre ruissellement du piano, les Chevaux de bois tournent avec ivresse, Green s’épanche sans langueur, avec une légèreté exquise, Spleen a son juste poids de douleur. Le timbre singulièrement prenant de Guilhem Terrail sied aux mélodies de Chausson et de Duparc: l’accord des compositeurs avec les climats diversement colorés des deux poètes trouve chez le contre-ténor des échos toujours maîtrisés, douloureux ou plus lumineux. Sa prononciation du français – comme ailleurs celle de sa partenaire - s’avère remarquable, par exemple dans la splendide Invitation au voyage à la quelle il confère une belle ampleur et une animation soutenue avec poésie par Paul Montag. La même riche alliance fait frissonner la Chanson triste, d’un lyrisme sans pathos. La Rêverie très simple, très pure de Pauline Viardot, frissonne des réminiscences d’un passé qu’on croyait enfui et dont la mélodie portée par les touches colorées du piano complice et les deux voix enivrées et à nouveau mêlées exhale la reverdie.
Cet enregistrement délicat compose une anthologie poétique et musicale de mélodies exigeantes, bouquet un rien nostalgique, raffiné et parfumé de senteurs, . Ce faisant, les deux chanteurs sont fidèles aux engagements que promeut leur association Effervescences: «faire connaître des répertoires de musique vocale peu mis en valeur»; «promouvoir la musique vocale (… ) avec d’autres instrumentistes professionnels. »
Jean Jordy
Publié le 14/04/2022 à 11:05, mis à jour le 14/04/2022 à 11:07.