Johannes Brahms
Symphonie n°1, Concerto violon
Brahms, Symphonie n°1; Concerto pour violon. Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer direction; Stéphanie-Marie Degand, violon. Double CD NoMadMusic.
On n’attendait peut-être pas Jérémie Rhorer (que l’on longtemps à tort confiné à Mozart) et le Cercle de l’Harmonie dans un tel enregistrement d’œuvres de Brahms de cette envergure. «Réunis par la certitude que l’utilisation des instruments pour lesquels les compositeurs ont écrit et pensé leurs œuvres permettra de retrouver leur authenticité et leur esprit, «[le chef] et les musiciens défendent l’intime relation entre le texte et la texture musicale» peut-on lire sur leur site. Et on sait que leur répertoire s’est récemment élargi à la Deuxième Symphonie de Bruckner, contemporaine de la Première de Brahms. Ici les deux chefs d’œuvre de Brahms font goûter un son plus léger, moins profus, que celui traditionnel auquel nous sommes (mal?) habitués, une pâte moins riche, mais néanmoins savoureuse, renouvelant notre approche et notre découverte.
«Je ne composerai jamais de symphonie! Vous n’avez pas idée de ce que c’est pour nous d’avoir toujours un tel géant [Beethoven] suspendu au-dessus de nous». affirmait Brahms. L’ombre du génial compositeur pèse sur les générations suivantes et Brahms a attendu entre les premières esquisses de sa Symphonie n°1 (1862) et son achèvement (1876) près de quinze ans. Mais quelle ardeur et quelle poésie l’enveloppent! Le premier mouvement cherche à résister à l’oppression que martèlent les timbales et à respirer malgré tout le poids de la tradition, des attentes, des angoisses de la création qui sont à la fois convoquées et surmontées. Rhorer semble par le choix même de l’œuvre secouer tous les jougs (parfois avec rudesse) et on peut voir le mouvement comme la métaphore de son entreprise musicale. L’Andante sostenuto et son solo de hautbois ont la grâce et la largeur que l’on espère. L’Allegretto marie dans un sourire souplesse et tendresse. L’ultime temps fait entendre les échos de Beethoven, convoqué pour un hommage explicite. Il apparaît à l’écoute ici moins maîtrisé que les précédents, comme s’il perdait de sa force et de sa lisibilité, faute d’ordonnancement clair. Mais l’ensemble convainc par sa conviction, son engagement et la perception que l’on a de son importance pour le musicien.
Témoignage de son amitié pour le violoniste Joachim qui l’a créé, le concerto pour violon de Brahms est de deux ans postérieur à la symphonie précédente. L’interprétation qu’en donne Jérémie Rhorer, le Cercle de l’Harmonie et Stéphanie-Marie Degand refuse toute grandiloquence, et ici encore se manifeste la volonté de s’affranchir du poids des traditions: un ordre, un monde nouveaux semblent sourdre de la glaise des temps anciens et féconds. Ici, une fois les ombres dissipées, la lumière, la transparence, la souplesse peuvent s’épanouir. Ce qu’on perd par instants en lyrisme dramatique, on le gagne en intimité, en fraîcheur, en sève. Pas de grande geste, mais des épisodes discrètement fiévreux, des échanges qui sont tendres élans plus qu’emportements fougueux. Et l’Allegro giocoso s’ébroue avec une insolence, une alacrité que vivifie un violon tourbillonnant autour d’un orchestre moins empesé que dans bien d’autres versions. Les deux cadences virtuoses (de fait il y en a bien deux) et les Allegro chantent et dansent avec une bonne humeur que nous partageons.
Brahms, l’énigmatique mélancolique, savait s’ouvrir à la lumière et sourire. C’est cette belle image que cet enregistrement célèbre hardiment. Soulignons la qualité littéraire de la présentation signée Sylvain Fort dont les justes métaphores ( «C’est un éveil, une aurore») rejoignent notre perception d’auditeur.
Jean Jordy
On n’attendait peut-être pas Jérémie Rhorer (que l’on longtemps à tort confiné à Mozart) et le Cercle de l’Harmonie dans un tel enregistrement d’œuvres de Brahms de cette envergure. «Réunis par la certitude que l’utilisation des instruments pour lesquels les compositeurs ont écrit et pensé leurs œuvres permettra de retrouver leur authenticité et leur esprit, «[le chef] et les musiciens défendent l’intime relation entre le texte et la texture musicale» peut-on lire sur leur site. Et on sait que leur répertoire s’est récemment élargi à la Deuxième Symphonie de Bruckner, contemporaine de la Première de Brahms. Ici les deux chefs d’œuvre de Brahms font goûter un son plus léger, moins profus, que celui traditionnel auquel nous sommes (mal?) habitués, une pâte moins riche, mais néanmoins savoureuse, renouvelant notre approche et notre découverte.
«Je ne composerai jamais de symphonie! Vous n’avez pas idée de ce que c’est pour nous d’avoir toujours un tel géant [Beethoven] suspendu au-dessus de nous». affirmait Brahms. L’ombre du génial compositeur pèse sur les générations suivantes et Brahms a attendu entre les premières esquisses de sa Symphonie n°1 (1862) et son achèvement (1876) près de quinze ans. Mais quelle ardeur et quelle poésie l’enveloppent! Le premier mouvement cherche à résister à l’oppression que martèlent les timbales et à respirer malgré tout le poids de la tradition, des attentes, des angoisses de la création qui sont à la fois convoquées et surmontées. Rhorer semble par le choix même de l’œuvre secouer tous les jougs (parfois avec rudesse) et on peut voir le mouvement comme la métaphore de son entreprise musicale. L’Andante sostenuto et son solo de hautbois ont la grâce et la largeur que l’on espère. L’Allegretto marie dans un sourire souplesse et tendresse. L’ultime temps fait entendre les échos de Beethoven, convoqué pour un hommage explicite. Il apparaît à l’écoute ici moins maîtrisé que les précédents, comme s’il perdait de sa force et de sa lisibilité, faute d’ordonnancement clair. Mais l’ensemble convainc par sa conviction, son engagement et la perception que l’on a de son importance pour le musicien.
Témoignage de son amitié pour le violoniste Joachim qui l’a créé, le concerto pour violon de Brahms est de deux ans postérieur à la symphonie précédente. L’interprétation qu’en donne Jérémie Rhorer, le Cercle de l’Harmonie et Stéphanie-Marie Degand refuse toute grandiloquence, et ici encore se manifeste la volonté de s’affranchir du poids des traditions: un ordre, un monde nouveaux semblent sourdre de la glaise des temps anciens et féconds. Ici, une fois les ombres dissipées, la lumière, la transparence, la souplesse peuvent s’épanouir. Ce qu’on perd par instants en lyrisme dramatique, on le gagne en intimité, en fraîcheur, en sève. Pas de grande geste, mais des épisodes discrètement fiévreux, des échanges qui sont tendres élans plus qu’emportements fougueux. Et l’Allegro giocoso s’ébroue avec une insolence, une alacrité que vivifie un violon tourbillonnant autour d’un orchestre moins empesé que dans bien d’autres versions. Les deux cadences virtuoses (de fait il y en a bien deux) et les Allegro chantent et dansent avec une bonne humeur que nous partageons.
Brahms, l’énigmatique mélancolique, savait s’ouvrir à la lumière et sourire. C’est cette belle image que cet enregistrement célèbre hardiment. Soulignons la qualité littéraire de la présentation signée Sylvain Fort dont les justes métaphores ( «C’est un éveil, une aurore») rejoignent notre perception d’auditeur.
Jean Jordy
Publié le 31/03/2022 à 20:55, mis à jour le 31/03/2022 à 21:03.