Bernardina
Une vie secrète à la Pietà
Bernardina, une vie secrète à la Pietà. Livre-disque. Nouvelle d’Arièle Buteaux. Collectif Cordis et Organo, Œuvres pour violon, orgue, clavecin et violoncelle de Vivaldi, Albinoni, Caldara, Marcello, Laurenti, Gasparini, Scarlatti, Galuppi. CD Livre Seulétoile.
Bien des enfants ont acquis le goût le la musique en feuilletant des albums qu’illustre un enregistrement (L’Histoire de Babar, Des malheurs de Sophie, collection J’aime la musique… ). Ce livre disque élaboré par le label Seulétoile renouvelle le concept. Un écrivain, – ici Arièle Buteaux romancière, critique musicale, journaliste et productrice d’émissions radiophoniques à France-Musique – conçoit un texte bref, une nouvelle liée à l’univers de la musique. L’éditeur y assortit des œuvres de compositeurs classiques pour évoquer le milieu culturel de l’époque choisie. Le nom seul de la Pietà dans le titre fait surgir une ville – Venise –, un lieu précis – l’Église de Vivaldi près du Palais des Doges –, un univers – celui de la musique baroque. L’ensemble forme-t-il un tout? Pas vraiment. La lecture procure ses propres plaisirs. Les pages musicales, par ailleurs disparates, composent un autre espace. Les deux suivent des voies parallèles sans que les correspondances s’imposent. Manque à cette association un principe fondateur, une unité organique qui assurerait leur fusion.
Une vingtaine de pages, treize très courts chapitres structurent un récit à la première personne mais à trois voix. Les héroïnes de cette nouvelle sont issues de la réalité historique, autant que Vivaldi, pivot de l’intrigue. Qui est cette Bernardina du titre, enfant abandonnée à la naissance, confiée aux bons soins des sœurs de l’Ospedale della Pietà, second violon de l’ensemble orchestral qui fait la réputation de l’hospice? Quel rapport ambivalent entretient-elle avec son amie et rivale Anna Maria? Et quelle relation trouble faite de désir, de frustration, de jalousie nourrit-elle à l’égard de l’illustre compositeur? Pourquoi «la Giraud», mezzo soprano dont Vivaldi a fait une star, après la mort du Maestro cherche-t-elle à renouer avec Bernardina? Pourquoi Anna Maria pleure-telle la mort mystérieuse du Prêtre Roux à Vienne? Les derniers chapitres lèvent le voile sur les secrets de ce récit sentimental, musical et historique. La nouvelle avance prestement, l’intérêt romanesque est constant, la chute inattendue comme il se doit. Un joli exercice d’écriture que complète une Postface historique d’Olivier Fourès. Elle précise le contexte social et culturel des hospices caritatifs, les qualités musicales des conservatoire féminins qu’ils hébergent, les liens entre Vivaldi et la Pietà et livre une biographie abrégée des trois protagonistes féminins de notre récit.
Des œuvres d’accompagnement – et cette expression est injuste –, nous retiendrons les trois sonates de Vivaldi pour leur verve et leur mélancolie, qui renvoient sans doute au climat de sérénité créative et de tristesse de la Pietà du récit, celle pour violon et basse de Laurenti, celles pour orgue de Gasparini. Les interprètes de cette fresque musicale recherchent l’élégance sans mièvrerie, la vivacité sans folle virtuosité au risque d’une certaine monotonie rythmique. On apprécie que la variété des œuvres élues fasse chatoyer les couleurs instrumentales (violon, violoncelle, orgue, clavecin). On aime tout particulièrement les sonorités savoureuses de l’orgue historique (1786) de l’église de Bellegarde (Suisse) choisi par Jean-Christophe Leclère, à l’origine du projet du livre-disque et interprète raffiné. Alice Julien-Laferrière au violon baroque, Pauline Buet au violoncelle baroque ne lui cèdent en rien pour la délicatesse. Cet ensemble un peu sage, contrastant avec d’autres partis pris échevelés, mérite mieux que de jouer les toiles de fond de la nouvelle.
Jean Jordy
On peut écouter des extraits musicaux ici: seuletoile. fr
Bien des enfants ont acquis le goût le la musique en feuilletant des albums qu’illustre un enregistrement (L’Histoire de Babar, Des malheurs de Sophie, collection J’aime la musique… ). Ce livre disque élaboré par le label Seulétoile renouvelle le concept. Un écrivain, – ici Arièle Buteaux romancière, critique musicale, journaliste et productrice d’émissions radiophoniques à France-Musique – conçoit un texte bref, une nouvelle liée à l’univers de la musique. L’éditeur y assortit des œuvres de compositeurs classiques pour évoquer le milieu culturel de l’époque choisie. Le nom seul de la Pietà dans le titre fait surgir une ville – Venise –, un lieu précis – l’Église de Vivaldi près du Palais des Doges –, un univers – celui de la musique baroque. L’ensemble forme-t-il un tout? Pas vraiment. La lecture procure ses propres plaisirs. Les pages musicales, par ailleurs disparates, composent un autre espace. Les deux suivent des voies parallèles sans que les correspondances s’imposent. Manque à cette association un principe fondateur, une unité organique qui assurerait leur fusion.
Une vingtaine de pages, treize très courts chapitres structurent un récit à la première personne mais à trois voix. Les héroïnes de cette nouvelle sont issues de la réalité historique, autant que Vivaldi, pivot de l’intrigue. Qui est cette Bernardina du titre, enfant abandonnée à la naissance, confiée aux bons soins des sœurs de l’Ospedale della Pietà, second violon de l’ensemble orchestral qui fait la réputation de l’hospice? Quel rapport ambivalent entretient-elle avec son amie et rivale Anna Maria? Et quelle relation trouble faite de désir, de frustration, de jalousie nourrit-elle à l’égard de l’illustre compositeur? Pourquoi «la Giraud», mezzo soprano dont Vivaldi a fait une star, après la mort du Maestro cherche-t-elle à renouer avec Bernardina? Pourquoi Anna Maria pleure-telle la mort mystérieuse du Prêtre Roux à Vienne? Les derniers chapitres lèvent le voile sur les secrets de ce récit sentimental, musical et historique. La nouvelle avance prestement, l’intérêt romanesque est constant, la chute inattendue comme il se doit. Un joli exercice d’écriture que complète une Postface historique d’Olivier Fourès. Elle précise le contexte social et culturel des hospices caritatifs, les qualités musicales des conservatoire féminins qu’ils hébergent, les liens entre Vivaldi et la Pietà et livre une biographie abrégée des trois protagonistes féminins de notre récit.
Des œuvres d’accompagnement – et cette expression est injuste –, nous retiendrons les trois sonates de Vivaldi pour leur verve et leur mélancolie, qui renvoient sans doute au climat de sérénité créative et de tristesse de la Pietà du récit, celle pour violon et basse de Laurenti, celles pour orgue de Gasparini. Les interprètes de cette fresque musicale recherchent l’élégance sans mièvrerie, la vivacité sans folle virtuosité au risque d’une certaine monotonie rythmique. On apprécie que la variété des œuvres élues fasse chatoyer les couleurs instrumentales (violon, violoncelle, orgue, clavecin). On aime tout particulièrement les sonorités savoureuses de l’orgue historique (1786) de l’église de Bellegarde (Suisse) choisi par Jean-Christophe Leclère, à l’origine du projet du livre-disque et interprète raffiné. Alice Julien-Laferrière au violon baroque, Pauline Buet au violoncelle baroque ne lui cèdent en rien pour la délicatesse. Cet ensemble un peu sage, contrastant avec d’autres partis pris échevelés, mérite mieux que de jouer les toiles de fond de la nouvelle.
Jean Jordy
On peut écouter des extraits musicaux ici: seuletoile. fr
Publié le 07/12/2021 à 19:20, mis à jour le 07/12/2021 à 19:24.