Reynaldo Hahn
Musique de chambre par les Tchalik
Reynaldo Hahn, Quatuor à cordes 1 et 2, Quintette pour piano et cordes, Romance pour violon et piano, Variations chantantes et Improvisations pour violoncelle et piano. Quatuor Tchalik, Dania Tchalik, piano. CD Alkonost Classic. 82’07.
On devait déjà à Gabriel et Dania Tchalik un enregistrement de pages de Hahn (couplé avec Saint-Saëns et César Franck) intitulé Le Violon de Proust. La fréquentation de la fratrie des Tchalik et du compositeur de Ciboulette n’est pas que de circonstance, liée au travail du Palazzetto Bru Zane pour faire redécouvrir sous toutes ses facettes l’œuvre d’un musicien, jugé superficiel et classique. Ces prétendus défauts lui valent pis que l’opprobre, la condescendance. Osons l’affirmer: nous aimons cette musique, dont le charme (mot à proscrire sans doute) recouvre une invention mélodique constante, une sûreté de plume et un bonheur de l’écriture sereins. Et quand l’interprétation se révèle comme ici raffinée et tonique, nous sommes comblés. A l’image ô combien espiègle et animée qu’offre la couverture du CD, à mille lieues des poses compassées coutumières, les œuvres respirent toutes la vie et quatuor et pianiste y insufflent leur enthousiasme. Du premier quatuor (1939), assez tardif dans la création de Hahn, on retiendra la douceur sans mièvrerie, le jaillissement étonné, le chant naturel, le refus des dogmes et des pesanteurs liées au genre chambriste le plus noble et intimidant. Le second séduit par la variété des climats, énergique et vibrant d’abord, puis agité et rêveur, enfin dansant, et tout entier tourné vers l’exploration du bonheur que semble nier l’année de composition, 1943. Chercher l’harmonie par temps de guerre, tel semble le désir irrépressible de ce compositeur qu’on a dit léger, alors qu’il ne songe qu’à pacifier les cœurs et l’on aime que le Quatuor Tchalik, si sensible, si pénétré, sache nous verser cette paix (3° mouvement). La Romance enlace le piano subtil de Dania Tchalik et le violon suave de Gabriel dans une conversation équilibrée et tranquille qui rappelle quel mélodiste est Reynaldo Hahn. Les variations et improvisations sur des airs ou ancien (un extrait de Xerse de Cavalli) ou irlandais, antérieures à la première guerre mondiale, ont sans doute concouru à la dédaigneuse réputation du compositeur, tant leur charme (encore!) facile coule de source. Mais violoncelle pudique et piano délicat évitent le piège de la fadeur et de l’affectation, rendant justice à la clarté de ces pièces. Composé en 1917, créé en 1922, le Quintette résonne tout autrement, imprégné de la violence des tragiques événements auxquels en tant que volontaire Hahn a été mêlé. Le premier mouvement enflammé s’avère tendu, ferme, nerveux. Le deuxième bat, tel un cœur blessé, meurtri, égaré. Mais le dernier revendiqué Allegretto grazioso, soit pirouette du désespoir, soit pulsion profonde, refuse l’apitoiement et chante, chante encore.
Disciple de Massenet, ami de tous les musiciens de son temps, chef d’orchestre, excellent baryton au répertoire varié, musicologue, Hahn est un compositeur nourri d’une culture diversifiée, mais s’en affranchit avec simplicité, sans forfanterie, muant élégance et raffinement en œuvre d’art. Ce sont des qualités comparables que l’on retrouve dans l’interprétation du Quatuor Tchalik, tenue mais sans entrave, exigeante mais non corsetée. Philippe Blay, le spécialise de Hahn, évoque dans son excellente présentation, son inspiration «insoucieuse de toute innovation factice». On ne saurait mieux définir la liberté de ton, d’esprit et d’âme qui irrigue toutes les pages chambristes dont les Tchalik nous restituent la vivifiante fraîcheur et la vigueur aimable.
Jean Jordy
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On devait déjà à Gabriel et Dania Tchalik un enregistrement de pages de Hahn (couplé avec Saint-Saëns et César Franck) intitulé Le Violon de Proust. La fréquentation de la fratrie des Tchalik et du compositeur de Ciboulette n’est pas que de circonstance, liée au travail du Palazzetto Bru Zane pour faire redécouvrir sous toutes ses facettes l’œuvre d’un musicien, jugé superficiel et classique. Ces prétendus défauts lui valent pis que l’opprobre, la condescendance. Osons l’affirmer: nous aimons cette musique, dont le charme (mot à proscrire sans doute) recouvre une invention mélodique constante, une sûreté de plume et un bonheur de l’écriture sereins. Et quand l’interprétation se révèle comme ici raffinée et tonique, nous sommes comblés. A l’image ô combien espiègle et animée qu’offre la couverture du CD, à mille lieues des poses compassées coutumières, les œuvres respirent toutes la vie et quatuor et pianiste y insufflent leur enthousiasme. Du premier quatuor (1939), assez tardif dans la création de Hahn, on retiendra la douceur sans mièvrerie, le jaillissement étonné, le chant naturel, le refus des dogmes et des pesanteurs liées au genre chambriste le plus noble et intimidant. Le second séduit par la variété des climats, énergique et vibrant d’abord, puis agité et rêveur, enfin dansant, et tout entier tourné vers l’exploration du bonheur que semble nier l’année de composition, 1943. Chercher l’harmonie par temps de guerre, tel semble le désir irrépressible de ce compositeur qu’on a dit léger, alors qu’il ne songe qu’à pacifier les cœurs et l’on aime que le Quatuor Tchalik, si sensible, si pénétré, sache nous verser cette paix (3° mouvement). La Romance enlace le piano subtil de Dania Tchalik et le violon suave de Gabriel dans une conversation équilibrée et tranquille qui rappelle quel mélodiste est Reynaldo Hahn. Les variations et improvisations sur des airs ou ancien (un extrait de Xerse de Cavalli) ou irlandais, antérieures à la première guerre mondiale, ont sans doute concouru à la dédaigneuse réputation du compositeur, tant leur charme (encore!) facile coule de source. Mais violoncelle pudique et piano délicat évitent le piège de la fadeur et de l’affectation, rendant justice à la clarté de ces pièces. Composé en 1917, créé en 1922, le Quintette résonne tout autrement, imprégné de la violence des tragiques événements auxquels en tant que volontaire Hahn a été mêlé. Le premier mouvement enflammé s’avère tendu, ferme, nerveux. Le deuxième bat, tel un cœur blessé, meurtri, égaré. Mais le dernier revendiqué Allegretto grazioso, soit pirouette du désespoir, soit pulsion profonde, refuse l’apitoiement et chante, chante encore.
Disciple de Massenet, ami de tous les musiciens de son temps, chef d’orchestre, excellent baryton au répertoire varié, musicologue, Hahn est un compositeur nourri d’une culture diversifiée, mais s’en affranchit avec simplicité, sans forfanterie, muant élégance et raffinement en œuvre d’art. Ce sont des qualités comparables que l’on retrouve dans l’interprétation du Quatuor Tchalik, tenue mais sans entrave, exigeante mais non corsetée. Philippe Blay, le spécialise de Hahn, évoque dans son excellente présentation, son inspiration «insoucieuse de toute innovation factice». On ne saurait mieux définir la liberté de ton, d’esprit et d’âme qui irrigue toutes les pages chambristes dont les Tchalik nous restituent la vivifiante fraîcheur et la vigueur aimable.
Jean Jordy
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Publié le 12/10/2021 à 19:04, mis à jour le 12/10/2021 à 19:08.